La nomination du président de France Télévisions par le président de la république constitue une régression démocratique et « une profonde rupture avec tout le mouvement d’émancipation des médias qui s’est développé dans tous les pays démocratiques depuis cinquante ans. »
(voir la vidéo et le texte dans la suite de la note)
Intervention de Pierre-Alain Muet à l'Assemblée nationale
Première séance du jeudi 4 décembre 2008
Communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Discussion des articles (suite)
Article 8
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M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la désignation directe du président de France Télévisions par le Président de la République ne nous ramène pas seulement – comme le disait M. Baroin il y a quelques jours – vingt-cinq ans en arrière. C’est une profonde régression démocratique par rapport au pluralisme politique qui était né de la Haute autorité. Dans L’Express, l’ancienne présidente de la Haute autorité écrivait ce matin : « Nous retournons à une pratique surannée, de type régalien, à des réflexes que l’on croyait disparus à jamais. Il n’est pas un seul pays démocratique qui se soit risqué à un tel retour en arrière. »
Il s’agit d’une profonde rupture avec tout le mouvement d’émancipation des médias qui s’est développé dans tous les pays démocratiques depuis cinquante ans. Didier Mathus disait qu’aujourd’hui aucun pays démocratique ne désigne le président de la télévision publique de cette façon. Patrick Bloche rappelait que dans de nombreux pays le président est désigné par le conseil d’administration – c’était d’ailleurs une des préconisations du rapport de M. Copé –, sur proposition du conseil supérieur de l’audiovisuel.
Mais vous avez choisi la pire forme de régression, au lieu d’avancer dans le pluralisme. Nous vous avons tendu la main, par le biais de nombreux amendements, en proposant que dans les différents conseils d’administration siègent des représentants de la majorité et de l’opposition, comme c’est le cas dans tous les pays démocratiques. Vous avez refusé ces amendements et vous renouez aujourd’hui, à travers cet article 8, avec le pire étatisme : la mainmise directe du pouvoir politique sur la direction de l’audiovisuel public.
L’audiovisuel public, ce n’est pas une entreprise publique comme les autres, c’est un quatrième pouvoir. On a beaucoup parlé de Montesquieu, mais il n’y a pas seulement à respecter l’équilibre entre les trois pouvoirs, il faut aussi que le pouvoir médiatique, qui fait partie des pouvoirs essentiels dans une démocratie, soit indépendant du pouvoir politique.
Dans ce domaine, le président Nicolas Sarkozy renoue avec les vieux démons qui étaient autrefois ceux d’une partie de la droite : remettre la télévision publique en laisse comme dans les années soixante et soixante-dix.
Madame la ministre, je ne suis pas sûr que, dans quelques années, vous ne regretterez pas d’avoir associé votre nom à cette réforme.
Mes chers collègues de la majorité, je ne suis pas sûr que, dans quelques années, nombre d’entre vous ne regretteront pas d’avoir laissé se produire cette formidable régression démocratique.
C’est pourquoi je vous invite à repousser l’article 8.