Soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat

07
Jan
2009

« Il faut une action massive et rapide pour soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat…. Le Plan de relance doit être complété par des mesures ciblées sur les personnes les plus exposées aux effets de la crise : les chômeurs, les jeunes et les salariés modestes … »

 

...et tirer les leçons de la crise financière mondiale

«  On ne peut pas continuer avec un système financier où l’activité de casino l’emporte sur l’activité économique, où le capital financier représente quinze fois le produit intérieur brut mondial et où celui qui fait courir des risques au système financier mondial n’en supporte pas les conséquences…

Il faut changer profondément les règles pour que les banques fassent leur métier qui n’est pas de spéculer mais de gérer les dépôts et d’accorder des crédits en conservant les risques dans leurs comptes… ».

Vous trouverez ci joint et dans la suite de cette note mes interventions lors du débat du 7 janvier à l’Assemblée nationale.

 

Intervention de Pierre-Alain Muet à l'Assemblée nationale

Première séance du mercredi 7 janvier 2009

Projet de loi de finances rectificative pour 2009
Accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés

 

Explication de vote de l'Exception d'irrecevabilité

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet.Après la brillante présentation de Michel Sapin, je voudrais expliquer le vote du groupe socialiste sur cette motion, mais aussi répondre à M. le ministre, qui dit que les socialistes n’ont pas de propositions.

Si vous écoutez bien, monsieur le ministre, ce que nous avons dit, depuis au moins dix-huit mois, dans chacun des débats que nous avons eus sur la politique économique, vous verrez en filigrane les éléments d’un plan de relance parfaitement adapté à la conjoncture économique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

...Mais attendez un peu, vous verrez !

La France est en récession depuis janvier 2008. En raison des effets de la crise financière, cette récession est en train de se transformer en dépression. Qu’est-ce qu’une dépression ? Selon la définition qu’en donnent aussi bien le FMI que les instances européennes, c’est un effondrement cumulatif de la demande. La demande, c’est à la fois l’investissement et la consommation.

Face à une telle situation, il faut des plans de relance massifs. Celui que vous proposez est-il massif ? Michel Sapin, en s’appuyant sur vos propres chiffres, a montré que derrière les 26 milliards, il n’y a en réalité que 6,7 milliards de relance – une relance de l’investissement public, pour l’essentiel. Et sur ces 6,7 milliards, seuls 4 milliards concernent l’année 2009.

Ce plan n’est donc pas massif. Et comme on sait, en outre, qu’il faut entre six et neuf mois pour que des mesures d’investissement produisent leurs effets, c’est un plan qui n’est pas d’effet immédiat.

Est-il équilibré ? Un plan de relance devrait être complet. Être complet, cela veut dire intégrer toutes les composantes de la demande, et surtout prendre la récession à sa source. La source de la récession, c’est un problème de pouvoir d’achat du revenu disponible. Il croissait en 2007, il a cessé de croître au début de 2008, et il a même baissé, ce qui a fait baisser la consommation des ménages.

Un plan équilibré aurait donc ces deux composantes.

M. de Courson nous a parlé des autres plans européens ; mais celui de nos amis espagnols représente 2,2 % du PIB – en mesures effectives, l’OFCE l’évalue à 1,7 % du PIB. Voilà ce que l’on peut appeler un plan massif et, lorsque l’on examine son contenu, un plan équilibré.

Le plan anglais, lui aussi, est un plan massif,…

...Il représente 1,3 % du PIB, comme le nôtre – tout au moins en affichage. Car si vous prenez les mesures effectives, telles que les chiffrent les instituts de conjoncture indépendants comme l’OFCE, vous verrez qu’il y a une grande différence entre le plan anglais et le plan français.

...C’est toujours mieux chez les autres…

...Chez les Anglais, ce 1,3 % correspond à des mesures effectives ; dans le plan français, l’OFCE chiffre les mesures effectives à seulement 0,5 % du PIB – 4 milliards d’euros. Autrement dit, votre plan n’est pas à la hauteur de la crise.

Pour une fois, nous ne vous dirons pas que votre politique n’est pas bonne. Oui, il faut relancer l’économie ; bien sûr, il faut relancer l’investissement public. Mais ce n’est pas suffisant. Si vous voulez réellement faire face à cette crise, il faut un plan massif, un plan qui joue sur le pouvoir d’achat, sur l’emploi, sur l’investissement. Vous ne l’avez pas fait. Ce n’est pas seulement un plan unijambiste : vous n’avez fait qu’un tiers de ce qu’il conviendrait de faire.

Vous n’êtes pas à la hauteur de la situation économique. Ce n’est pas nouveau : si l’on reprend votre politique économique depuis dix-huit mois, on s’aperçoit qu’elle a toujours été en retard sur la conjoncture, qu’elle a toujours traité les problèmes qui auraient pu se poser dans le passé, mais pas ceux du futur. Le plus bel exemple, c’est la loi TEPA et le dispositif absurde des heures supplémentaires. Cela aurait peut-être pu passer dans une situation de croissance forte, mais c’est une absurdité totale lorsque l’emploi s’effondre.

Si vous voulez réellement agir sur l’activité économique, il faut suivre la conjoncture et prendre des mesures adaptées. Ce n’est pas le cas de votre plan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

 

 

Intervention de Pierre-Alain Muet à l'Assemblée nationale

Dexième séance du mercredi 7 janvier 2009

Projet de loi de finances rectificative pour 2009
Accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés

Question préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet.Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, monsieur le ministre chargé du plan de relance, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, j’axerai mon propos sur la régulation internationale, composante fondamentale dont il faut tenir compte pour redonner de la confiance et sortir de la crise financière. Ce n’est peut-être pas un hasard si, dans votre analyse de la crise, vous oubliez le pouvoir d’achat, messieurs les ministres. Cet oubli n’est pas tant de la myopie qu’une sorte de déviation culturelle !

...Cette crise, comme celle de 1929 à laquelle on l’a comparée, comporte deux faces. La face émergée, c’est évidemment la crise financière. Des exigences de rentabilité incompatibles avec l’économie réelle, entretenues par la multiplication d’innovations financières, se sont effondrées lorsque les anticipations des marchés se sont retournées. Ces exigences n’ont pu tenir que dans la phase où la multiplication des innovations financières ont permis un décalage en s’appuyant sur l’appréciation des actifs financiers.

Mais il y a aussi une face cachée à la crise : la pression constante sur les salaires résultant de ces exigences de rentabilité qui, dans tous les pays, mais particulièrement aux États-Unis, a profondément creusé les inégalités entre les revenus salariaux et les revenus du capital et conduit les familles les plus modestes à s’endetter massivement pour acheter leur logement. Le salaire médian américain n’a pas augmenté pendant dix ans, et c’est pour l’essentiel, l’endettement qui a nourri la croissance américaine. Ce n’est donc pas un hasard, si nous ne cessons de vous rappeler l’importance du pouvoir d’achat.

Nous ne sommes déjà plus dans une récession ordinaire. Nous sommes déjà entrés dans une phase où la politique monétaire, après avoir été impuissante à résoudre une crise de liquidités – puisque pour la première fois, il a fallu une intervention massive des États pour garantir le crédit interbancaire alors que ce n’est pas leur rôle –, est aujourd’hui quasi impuissante à répondre à l’ampleur de la récession et à stimuler l’activité économique. Pour sortir de la récession, des relances budgétaires massives sont indispensables.

Il n’est possible de sortir de la crise qui ne fait que s’amplifier depuis l’été que par une politique qui prendra réellement en compte tous ses aspects.

La réponse en matière de régulation internationale – quasi inexistante – n’est pas à la hauteur de la crise.

La politique que vous conduisez depuis dix-huit mois est en complet décalage. Une politique économique digne de ce nom consiste à anticiper les situations. Or les mesures que vous avez prises sont en porte-à-faux avec la réalité économique, et cela vaut également pour le plan de relance dont nous sommes saisis.

La réponse européenne, non plus, n’est pas à la hauteur.

Si, contrairement à la crise de 1929, les gouvernements ont su réagir rapidement pour éteindre – au moins provisoirement – l’incendie financier, ils n’ont cependant pas pris la dimension du changement profond qu’il faudrait introduire dans la régulation mondiale pour répondre réellement à cette crise.

Après la crise de 1929, Roosevelt a pris des mesures radicales, en séparant les banques d’affaires des banques de dépôt, ces dernières devant assumer une sorte de mission de service public : accueillir les dépôts des particuliers et leur accorder des crédits. Les États avaient la charge de préserver cette mission de service public. Quant aux banques d’investissement, elles pouvaient se permettre de faire de la spéculation, mais si elles prenaient des risques les États n’avaient pas à leur venir en aide.

De la même façon, avec le New Deal, Roosevelt a introduit le rôle de l’État dans le soutien de l’activité économique et jeté les bases de l’État-providence, qui n’existait pas aux États-Unis. Il a su conduire un véritable changement structurel. C’est cette généralisation des politiques publiques conjuguée au développement de l’État-providence et à une économie financière fortement régulée qui a contribué à la croissance des trente années où prévalait le système de Bretton Woods.

Il y a, aujourd’hui, un fossé entre les moyens mobilisés par les gouvernements pour éteindre l’incendie financier et l’absence quasi totale de régulation. Commentant les plans de sauvetage des banques, Joseph Stiglitz écrivait en décembre dernier : « des centaines de milliards ont été dépensées pour préserver des institutions en dysfonctionnement. Mais rien n’a été fait pour revoir leurs structures perverses d’incitations, qui encouragent des prises de risques excessives ».

La première condition pour rétablir la confiance dans le système financier mondial, c’est de faire en sorte que les banques fassent leur métier. Leur métier, c’est prêter, ce n’est pas de spéculer sur les marchés financiers ou d’accorder des crédits en se défaussant immédiatement des risques correspondants par la titrisation ou les produits de couverture, comme cela s’est pratiqué pendant des décennies.

On s’étonne aujourd’hui des prises de risques excessives qui ont conduit à la crise alors que toutes les innovations financières des deux dernières décennies ont consisté à inventer des instruments de défausse systématique des risques de crédit. En 2003, Warren Buffet, qui n’est pas un enfant de chœur en matière financière, qualifiait les produits dérivés d’armes de destruction massive.

On ne peut pas continuer avec un système financier où l’activité de casino l’emporte sur l’activité économique, où le capital financier représente quinze fois le produit intérieur brut mondial et où celui qui prend des risques et qui fait courir des risques à son institution ou au système financier mondial n’en supporte pas les conséquences. Les traders sont rémunérés en fonction des gains qu’ils obtiennent, mais ils ne supportent pas les pertes. Il en va ainsi pour l’ensemble du système financier. C’est, en effet, l’argent du contribuable qui a sauvé les banques qui ont pris le plus de risques ! Nous sommes dans un système qui pousse à la prise de risques. Lorsqu’il y a des profits, ils restent privatisés. Mais en cas de pertes, celles-ci sont, hélas, socialisées.

Pour que la confiance revienne, il faut mettre rapidement en œuvre un nouveau système de régulation s’appliquant à toutes les institutions de crédit. Il faut limiter les effets de levier. Un minimum de régulation aurait pu éviter la faillite de banques comme la banque Bear Stearns qui a fait des placements d’un montant de plusieurs centaines de milliards. Il faut obliger les institutions qui accordent le crédit initial à porter l’essentiel du risque, ce qui implique une véritable réforme du système. En outre, il faut mettre fin aux paradis fiscaux. Si les grandes nations européennes et américaines s’accordaient pour ne pas accepter des transactions avec les paradis fiscaux, on pourrait en finir avec eux. S’il est un domaine dans lequel l’Europe a un rôle à jouer, c’est bien celui-là. L’union monétaire européenne, qui représente un pôle de stabilité, pourrait donner l’exemple en matière de régulation financière.

S’agissant de la relance de 1981 que vous avez évoquée, je rappelle que le déficit extérieur qui a conduit à changer de politique économique s’élevait à 79 milliards de francs, soit 12 milliards d’euros, contre 55 milliards aujourd’hui ! Depuis 2003, le déficit extérieur n’a cessé de croître. Si l’union monétaire n’existait pas, il y a longtemps que la France aurait dû dévaluer et aurait connu des crises de change.

D’une certaine façon, votre gouvernement – celui de M. Fillon – peut donc remercier MM. Mitterrand et Delors d’avoir su faire l’union monétaire, protégeant ainsi notre économie de crises de change…

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.Et M. Chirac !

M. Pierre-Alain Muet. …, comme beaucoup d’autres, du reste.

M. Michel Piron.Et l’euro !

M. Pierre-Alain Muet. Sur ce point, je suis d’accord.

J’en viens à la situation de l’économie nationale. Je l’ai dit : une bonne politique est une politique qui anticipe. Comme M. le rapporteur général, je me livre volontiers à des analyses rétrospectives de la politique économique ; mais je me limiterai aux dix-huit mois qui se sont écoulés depuis que vous êtes au pouvoir. La politique économique que vous avez alors menée donne l’impression d’un décalage complet par rapport à la situation qui a prévalu au cours des trois à six mois suivants.

Ainsi, sans répéter les propos de Didier Migaud, pas une seule des mesures du « paquet fiscal » adopté à l’été 2007 n’a correspondu aux besoins que révélait la situation économique.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.Pas une, vraiment ?

M. Pierre-Alain Muet.Ces mesures n’ont nullement permis de relancer le pouvoir d’achat. Ainsi, peut-on dire que les exonérations de 95 % des successions ont servi le pouvoir d’achat et la consommation ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.Oui, bien sûr !

...

M. Pierre-Alain Muet.Ce n’est pas le cas : c’est vraisemblablement l’épargne que cette mesure a confortée.

Quant aux heures supplémentaires, il est absurde de dépenser cinq milliards d’euros pour faire en sorte que les entreprises substituent des heures supplémentaires à des créations d’emplois alors que l’emploi baisse !

...Je rappelle que, selon une étude de l’INSEE, cette mesure a conduit à supprimer 16 000 à 60 000 emplois.

M. Yves Bur.N’importe quoi ! C’est une extrapolation !

M. Pierre-Alain Muet.Mais non !

...Il s’agit simplement d’un effet de substitution : au lieu d’embaucher, des entreprises ont fait effectuer des heures supplémentaires. Dans la situation que nous connaissons, une mesure qui coûte 5 milliards d’euros et qui a pour seul effet de détruire des emplois est une absurdité !

...Poursuivons l’évocation de votre politique économique. À l’automne 2007, lorsque nous avons examiné le budget, un choc pétrolier se préparait visiblement : les prix du pétrole augmentaient fortement, de même que les prix alimentaires, et les économistes nous mettaient en garde contre ce risque, à propos duquel on savait que l’accélération de l’inflation entraînerait des pertes de revenus.

Vous n’en avez pas tenu compte, persistant à refuser de donner un coup de pouce au SMIC ; vous n’avez pas augmenté la prime pour l’emploi, que nous vous demandions régulièrement de doubler, ce qui aurait permis de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Qu’est-il arrivé ? Début 2008, la France a connu une baisse du pouvoir d’achat.

On peut soumettre votre politique de l’emploi à la même analyse. À partir de 2002, les gouvernements successifs ont supprimé tous les dispositifs d’emplois aidés, si bien que l’emploi, qui avait fortement progressé au cours des années précédentes, s’est mis à stagner…et ce presque jusqu’en 2006, date à laquelle le ministre des affaires sociales, M. Borloo, a entrepris de recréer des emplois aidés. La croissance du revenu a alors repris, ainsi que celle de l’emploi, et de nouveaux emplois ont été créés en 2006 et en 2007.

Arrivés au pouvoir, vous supprimez de nouveau tous les emplois aidés. Dès lors, les créations d’emplois se sont raréfiées…

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.À cause de la crise !

M. Pierre-Alain Muet.Mais non ! Puis le nombre d’emplois a baissé à partir du mois de mars.

...En outre, le budget que nous discutions il y a seulement deux mois ne laissait présager qu’une suppression des emplois aidés. Et si le plan de relance prévoit de nouveau de recourir à ces derniers, cela compense à peine, selon les analyses de l’INSEE, les baisses inscrites dans le budget. Ainsi, alors que la situation de l’emploi appelle une action massive, vous vous contentez de renoncer à une politique qui supprimait totalement les emplois aidés.

Je pourrais poursuivre de même sur presque tous les sujets : sans doute en grande partie pour des raisons idéologiques, vous vous êtes totalement écartés de la politique qu’il aurait fallu mener. Nous sommes en récession depuis début 2008, ou presque, c’est-à-dire depuis un an. Depuis un an, le pouvoir d’achat par tête diminue ou stagne…, selon les trimestres. Je ne fais que me référer aux comptes trimestriels, auxquels je vous renvoie. La consommation des ménages a donc baissé au premier trimestre 2008… alors qu’elle augmentait encore fortement en 2007 ; d’où la récession. En effet, d’une part, vous n’avez pris aucune mesure en faveur du pouvoir d’achat ; de l’autre, nous avons connu, comme tous les pays, un choc pétrolier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

... Si vous nous aviez alors écoutés, si vous aviez adopté quelques mesures en faveur du pouvoir d’achat, vous auriez pu faire face à la situation économique, bien avant que la crise financière ne fasse sentir ses effets.

En France, la récession a quasiment commencé début 2008 ; à partir du mois de mars, la faiblesse de la demande a fait baisser l’investissement ; ce n’est qu’en octobre que l’investissement des ménages et des entreprises s’est véritablement effondré du fait de la crise financière. Mais une politique d’emplois aidés et de soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat aurait épargné à la France une récession en 2008 et l’aurait mieux armée face à la crise financière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

...Permettez-moi de prendre un exemple. La dernière crise financière, la crise asiatique, remonte à 1998 ; sans atteindre l’ampleur de la crise actuelle, elle en partageait à peu près les composantes. Cette crise, qui a fortement frappé les pays asiatiques et touché quelques pays européens, a totalement épargné la France parce que celle-ci créait alors 400 000 emplois par an…et que le revenu disponible des ménages y augmentait de 3,3 %. La France a donc traversé cette crise parce que la demande y croissait fortement et que pouvoir d’achat et création d’emplois s’y conjuguaient. Ce qui a manqué à votre politique, c’est une relance du pouvoir d’achat et une stimulation de la création d’emplois.

Revenons à la situation présente.

...Que faire ?

M. Jean-Pierre Brard.Comme disait Lénine !

M. Pierre-Alain Muet. Les données que j’ai citées montrent, monsieur le ministre, qu’il faut, conformément aux recommandations de la Commission européenne, du FMI et de la plupart des instituts de conjoncture, recourir à des plans de relance massifs, fortement orientés vers le pouvoir d’achat et le revenu des ménages. Si l’investissement public doit certes également y figurer, un plan comme le vôtre, qui s’y limite, ainsi que, dans une moindre mesure, à l’investissement privé, est unijambiste ou déséquilibré.

En réalité, il faut agir sur trois leviers :…le pouvoir d’achat individuel, l’emploi et l’investissement public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

...Mais vous n’agissez ni sur l’emploi, ni sur le pouvoir d’achat individuel : il manque donc à votre plan de relance deux composantes essentielles.

...Stimuler l’investissement des entreprises par une déduction fiscale sans redonner du pouvoir d’achat, c’est-à-dire sans accroître la demande, ne permettra pas à l’investissement de reprendre, mais aura pour seul effet d’augmenter l’épargne des entreprises – ce qui peut être utile, mais n’a aucune efficacité en termes d’activité économique.

En somme, et sans reprendre les propos tenus par mes collègues, nous avons besoin d’un plan de relance massif, complet… – c’est-à-dire doté des trois composantes que sont l’emploi, le pouvoir d’achat et l’investissement public –, et qui produise rapidement des effets.

Sur ce dernier point, on sait que les relances par l’investissement public prennent du temps. Ainsi, à en croire de nombreux instituts ayant analysé ce type de plans de relance, leurs effets ne se font pas sentir avant six mois à un an. Selon une étude récemment publiée par l’INSEE, que vous connaissez certainement et qui analyse la plupart des plans de relance européens, le plan français est loin d’être massif : il prétend apporter 1,3 % du PIB, mais, en réalité, il ne dépasse pas 0,5 % ; en outre, il ne concerne que peu l’année 2009 ; enfin, la stimulation de l’économie n’y représente au total que 0,3 % du PIB. On est loin du 1 % évoqué par Mme Lagarde ! J’aimerais du reste, messieurs les ministres, que vous nous communiquiez, dans l’intérêt du débat public, les simulations de Bercy, car les instituts privés ne parviennent pas du tout aux mêmes résultats que vous.

Le plan doit donc être complété par des mesures ciblées sur les personnes les plus exposées aux effets de la crise : les chômeurs, les jeunes et les salariés modestes. J’ai mentionné le pouvoir d’achat individuel. Je persiste à penser qu’une réforme satisfaisante consisterait à augmenter la prime pour l’emploi à court terme et à baisser la TVA.

...Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Ces mesures seraient cohérentes du point de vue de la conjoncture comme de notre fiscalité.

...En effet, la fiscalité française a une caractéristique : l’impôt sur le revenu, qui est progressif, y est relativement faible, et l’impôt sur le revenu au sens large, qui inclut la CSG, est peu progressif car la CSG, plus importante que l’impôt sur le revenu stricto sensu, est proportionnelle. En outre, notre fiscalité indirecte est extrêmement forte… notre TVA est relativement élevée, et des études très intéressantes, bien connues des administrations économiques, montrent que l’impôt indirect est fortement régressif. En effet, la TVA et les impôts indirects représentent 11 % du revenu des ménages les plus modestes, mais 3 % seulement de celui des ménages les plus riches.

Une politique qui rétablit la dimension progressive de l’impôt pour les plus bas revenus, mais dans un sens négatif – ainsi en va-t-il de la prime pour l’emploi, impôt négatif –, contribue donc à rééquilibrer notre fiscalité et redonne du pouvoir d’achat. L’accompagner d’une baisse – qui reste certes à déterminer – de la TVA correspond également à l’exigence d’une réforme à long terme de notre système.

M. Gilles Carrez, rapporteur général.Les baisses que vous avez proposées en 2000 n’ont eu aucune répercussion sur les prix. Il faut le reconnaître ! (Approbation sur les bancs du groupe NC.)

M. Pierre-Alain Muet. C’est faux. Commandez une étude à des instituts.

Mme la présidente. Monsieur Muet, veuillez poursuivre sans nouer de dialogue.

M. Pierre-Alain Muet.Je vais poursuivre, même si débattre est toujours un plaisir !

Il faut en outre, comme le propose la Commission européenne, renforcer le soutien aux chômeurs et aux jeunes qui entrent sur le marché du travail. La Commission suggère d’ajuster le système d’indemnisation du chômage en augmentant la période d’indemnisation. Dans une lettre récente, l’OFCE chiffre le coût d’une telle mesure, parfaitement adaptée à l’objectif de soutien de l’activité économique et au risque de baisse importante du nombre d’emplois du fait des plans décidés par les entreprises – l’INSEE prévoit ainsi près de 200 000 destructions d’emplois au premier semestre, chiffre record.

Il est donc pertinent de changer les règles d’indemnisation du chômage. L’indemnisation actuelle est purement assurantielle : elle est équilibrée par construction. Si nous voulions qu’elle joue parfaitement son rôle contracyclique, c’est-à-dire son rôle de soutien à l’activité économique, il faudrait que l’État accepte d’abonder en partie des dispositifs plus favorables aux chômeurs, comme l’a proposé la Commission européenne et comme l’ont fait certains pays européens. Cette réforme, qui pourrait s’inscrire dans une réforme d’ensemble de notre système d’indemnisation du chômage et d’action en faveur de l’emploi, permettrait de mettre en place une véritable sécurité professionnelle.

Pour finir, j’évoquerai l’Europe qui a su, l’espace d’un week-end, coordonner sa politique de réponse à la crise financière.

...La réponse pertinente à la crise financière est effectivement une politique de relance concertée dans la plupart des pays, mais il faut qu’elle soit d’un montant important : autour de 2 % du PIB, selon le FMI. Or nous sommes encore loin du compte : dans la plupart des pays européens, à l’exception de l’Espagne et du Royaume-Uni, l’OFCE a constaté un écart considérable entre les objectifs affichés et les chiffres réalisés. Le Royaume-Uni comme la France ont retenu un taux de 1,3 % du PIB pour leur plan de relance mais seul le Royaume-Uni le respecte : en France, le taux effectif est de seulement 0, 5 %. En Espagne, le pourcentage effectif est de 1,7 % pour un taux initialement fixé à 2 %. Autrement dit, seuls deux pays européens ont aujourd’hui un plan de relance ajusté à l’ampleur de la récession.

Un autre problème se pose : l’Europe de l’Est est prise en tenailles entre la nécessité de relancer l’économie et sa volonté de respecter les critères de Maastricht afin de pouvoir entrer un jour dans l’union monétaire. Il est donc nécessaire d’avoir une réflexion d’ensemble sur l’action à conduire, à l’échelle de l’Europe, pour trouver une réponse adaptée à la situation économique européenne tenant compte des difficultés spécifiques des pays qui ne sont pas membres de l’union monétaire.

L’Europe doit être plus active en matière de régulation financière car elle constitue un pôle de stabilité, appelé à jouer un rôle considérable dans le développement d’une régulation mondiale. Mais elle doit également pleinement jouer son rôle en matière de grands projets d’investissement, qui constituent pour l’instant une petite composante des projets de la Commission européenne. Il s’agirait de réactiver les dispositifs que Jacques Delors avait lancés en son temps, car ils seraient parfaitement adaptés à la situation actuelle.

Si vous voulez répondre réellement à la crise, vous devez mettre en place un vrai plan de relance. Celui que vous nous proposez ne comporte qu’une des trois composantes de ce que constitue un vrai plan de relance : celle de l’investissement public. Manquent l’emploi et le pouvoir d’achat. Dans ce domaine, il vous faut mener une véritable révolution culturelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)car on ne peut répondre à la crise avec un plan unijambiste, qui empêche d’agir rapidement face à une situation qui se dégrade très vite. Au cours du dernier trimestre 2008, le PIB aura connu une baisse proche de 1 % et nous risquons de connaître le même phénomène au premier trimestre de cette année. Votre plan produira des petits effets dans six mois mais si vous voulez apporter une véritable réponse, il faut vous préoccuper du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)