Amendements au budget 2010 : taxe professionnelle, taxe carbone, ...

14
Oct
2009

Les réunions de la commission des finances du mardi 13 au jeudi 15 ont été consacrées aux débats sur les amendements au projet de Loi de Finances pour 2010, débats entrecoupé par la séance publique du jeudi 15 sur les propositions de Loi du Parti socialiste où je suis intervenu sur la limitation des  rémunérations excessives.

J’ai déposé de nombreux amendements dont certains cosignés avec nos collègues du groupe des Verts, notamment sur la taxe carbone. Deux extraits des mes interventions dans les débats sur les amendements publiés dans la suite de cette note :

« Tous les pays qui ont instauré une vraie taxe carbone, d’un montant suffisant, prévisible et croissant dans le temps, ont mis en oeuvre, dans le même temps, une vraie réforme fiscale. Le but d’une taxe écologique n’est pas de pénaliser les consommateurs mais de modifier un prix. Peut-être le coût s’équilibre-t-il en moyenne, mais certainement pas pour les ménages vivant en milieu rural avec des revenus modestes. La contribution climat-énergie aurait dû faire partie d’une réforme d’ensemble, avec une redistribution pour les revenus les plus bas. .....

.... Quand vous entreprenez une réforme fiscale, vous faites en sorte – c’est le cas pour la taxe professionnelle – que les perdants soient les moins nombreux possible. Or la taxe carbone frappe les ménages les plus modestes, vivant dans des banlieues ou des campagnes dépourvues de transports en commun. Ce n’est pourtant pas son objectif ! Ce qui compte, ce n’est pas la moyenne mais le fait que la redistribution au bas de l’échelle des revenus soit suffisamment forte pour que pratiquement personne ne soit touché. L’enjeu est de rendre acceptable la taxe écologique. Si la mesure rencontre des difficultés, c’est en grande partie parce que nombre de ménages ont le sentiment de subir un prélèvement sur leur pouvoir d’achat. »

Intervention de Pierre-Alain Muet à la commission des finances de  l’Assemblée nationale sur les Amendements au PLF 2010 les 13 et 14 octobre 2009

(extraits du Compte rendu)

1) Amendement pour créer une taxe exceptionnelle sur les profits des institutions financières

M. le président Didier Migaud. Cet amendement propose d’établir une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés en visant les établissements de crédit qui ont bénéficié du soutien public quand il était nécessaire. Devant leur rétablissement, grâce notamment à l’État, il semble légitime de leur demander un certain retour. Certains pays, y compris libéraux, ont d’ailleurs décidé un tel prélèvement exceptionnel.

M. le rapporteur général. Je ne serai pour autant pas très favorable à l’amendement car il existe déjà une contrepartie à la garantie que l’État a apportée aux banques, puisque les financements de la SFEF – la société de financement de l’économie française – ont fait l’objet d’une rémunération à hauteur de 8 %, laquelle a apporté, en 2009, 1,3 milliard d’euros au budget de l’État. Il est vrai que cette opération a également coûté à ce dernier et que la contribution nette des banques au titre du financement par la SFEF est plutôt de l’ordre de

600 à 700 millions d’euros (…)

M. Henri Emmanuelli. (…)Vous dites, monsieur le rapporteur général, que la garantie apportée aux banques a rapporté de l’argent sous forme d’intérêts. Qu’en serait-il si l’État avait pris une part de leur capital, comme nous l’avions réclamé ? La semaine dernière, la BNP a émis des titres d’une valeur de 40 euros pour rembourser l’État. Ce dernier n’aurait dû en débourser que 27 euros pour acquérir des actions en 2008. Songez aux plus-values ainsi réalisées !

(….)

M. Jérôme Cahuzac. (..) Aujourd’hui, on nous explique que le soutien aux banques a constitué une bonne opération puisque l’État récupère, en montant net, environ 700 millions d’euros. Pourquoi, dans ce cas, avoir renoncé à 10 milliards ? Pourquoi ce qui est bien dans un cas est mal dans l’autre ? Reconnaissez, mes chers collègues, qu’une recette de 10 milliards aurait été bonne à prendre dans un contexte où le déficit budgétaire annoncé atteint 117 milliards d’euros !

M. Pierre-Alain Muet. Il est vrai que, si l’État avait recapitalisé les établissements financiers, il serait aujourd’hui largement remboursé. Mais nous sommes dans un système asymétrique : les banques peuvent prendre tous les risques, car elles savent qu’elles sont trop grosses pour qu’on puisse les laisser faire faillite : l’État est toujours prêt à les sauver, sans rien demander en contrepartie. Si l’État était un assureur, il imposerait un malus après chaque gros sinistre. C’est exactement ce que prévoit l’amendement.

(…)

Mme Chantal Brunel. Contrairement à Marc Le Fur, je ne vois dans cet amendement aucun caractère punitif. Les banques ayant bénéficié de l’aide des contribuables, il s’agit simplement de leur demander, à titre exceptionnel, de consacrer une petite partie de ce bénéfice à la lutte contre les effets de la crise. Contrairement à ce qu’affirment certains de mes collègues, un tel prélèvement n’aurait aucun effet sur la distribution de crédit.

(...)

La Commission adopte l’amendement rectifié.

2) Amendement pour créer une contribution Climat-énergie

M. Jean Launay. Cet amendement tend, d’une part, à remplacer les mots « taxe carbone » par les mots « contribution climat-énergie » et d’autre part à inclure l’électricité dans l’assiette de la taxe carbone à hauteur de 1,30 euro le mégawatheure. Nous devons prendre des mesures susceptibles de diminuer la consommation globale d’énergie, quelle qu’en soit la source. Certes, l’électricité en France est majoritairement produite à partir du nucléaire. Mais elle n’est pas exempte d’impacts sur l’environnement, puisque les consommations de pointe utilisent l’énergie thermique, émettrice, elle, de gaz à effets de serre.

En Allemagne, où la taxe carbone existe depuis 1999, la taxe due par les ménages et les entreprises inclut l’électricité, à un taux de 2,05 centimes par kilowattheure, soit 20,50 euros par mégawatheure contre 5 euros au Royaume-Uni. En 2000, l’extension de la taxe générale sur les activités polluantes à l’électricité, qui avait été invalidée par le Conseil constitutionnel, prévoyait un montant de 13 francs le mégawatheure, soit environ 2 euros.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. En France, nous utilisons 90 % d’énergies non fossiles ; de plus, la contribution au service public de l’électricité est utilisée pour racheter de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Enfin, nos centrales thermiques sont intégrées dans le système des quotas. Les quotas gratuits n’étant pas suffisants, EDF achète des quotas sur le marché. Pour toutes ces raisons, il ne paraît pas judicieux d’intégrer l’électricité dans l’assiette de la taxe. Je rappelle que la Suède a exclu l’électricité car, comme la France, elle utilise une proportion importante d’énergies renouvelables, dont les énergies nucléaire et hydraulique.

M. François de Rugy. En tant que cosignataire de l’amendement, je tiens à souligner que le taux proposé est très faible. En matière fiscale, les assiettes larges sont préférables aux assiettes restreintes ou qui comportent de nombreuses exonérations. Le rôle d’une contribution climat-énergie n’est-il pas de favoriser la sobriété énergétique en réduisant les dépenses contraintes de nos concitoyens ? Voulons-nous que ces derniers se libèrent peu à peu de ces dépenses ou simplement qu’ils cessent de consommer des énergies fossiles ? Actuellement, 80 % des logements neufs sont équipés d’un chauffage électrique. En instaurant une taxe carbone qui exclut l’électricité, nous encourageons le chauffage électrique avec pour conséquence de rendre demain nos concitoyens prisonniers des dépenses afférentes.

M. Michel Diefenbacher. La loi a pour objectif de créer une taxe, non une contribution climat-énergie. En Allemagne, si une taxe s’applique à la production d’électricité, c’est que celle-ci est essentiellement d’origine thermique. Ce n’est pas le cas en France, où nous souhaitons promouvoir l’image d’une énergie propre, qui ne relève donc pas de la taxe carbone.

M. Pierre-Alain Muet. N’oublions pas les déchets nucléaires, dont nous ne savons que faire et qui justifieraient pleinement une taxation écologique ! Le montant de 1,30 euro par mégawatheure est parfaitement cohérent puisqu’il correspond à l’émission moyenne de gaz à effet de serre produits par l’électricité communément utilisée en France.

La Commission rejette l’amendement.

3) Trois amendements pour inscrire dans la Loi la progression de la taxe carbone

M. François de Rugy. Mon amendement tend à appliquer une progression linéaire de 4,15 euros par an au tarif de la taxe carbone. Nos concitoyens doivent être informés de cette progression.

M. Pierre-Alain Muet. Le prix de la tonne de CO2 devra atteindre 100 euros en 2030. Nous proposons par cet amendement de revaloriser les tarifs de 9,26 % par an jusqu’à cette date. Nous avons choisi une progression exponentielle, dont l’avantage est d’être indolore au début et de permettre les adaptations. Si nous voulons changer les comportements de nos concitoyens, il faut leur offrir une visibilité sur le long terme.

M. Jean Launay. Cette progression doit être inscrite dans la loi, faute de quoi elle risque d’être chaotique et d’avoir des répercussions importantes sur les générations futures.

M. le rapporteur général. Avis défavorable à ces trois amendements. Il est inutile de préciser dans la loi ce que sera le prix de la tonne de CO2 en 2030, l’exposé des motifs fixant un objectif de 100 euros/tonne à cette date.

La Commission rejette successivement les trois amendements.

4) Appliquer la taxe carbone à l’aviation

M. Marc Le Fur. Cet amendement vise lui aussi à appliquer la taxe carbone aux aéronefs, qui émettent davantage de CO2 que les voitures ou les camions. En outre, les usagers de l’avion ne font pas partie des contribuables les plus modestes !

M. Pierre-Alain Muet. Je soutiens cet amendement. Pour que la taxe carbone ait un sens, il convient que tous les pays l’adoptent. En matière de lutte contre l’effet de serre, où il s’agit de limiter le stock d’émissions, une taxe paraît plus efficace que des quotas. La négociation internationale entamée à Copenhague va durer plusieurs années. Nous devons envoyer un signal fort en direction du plus gros émetteur de gaz à effet de serre dans le domaine des transports.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Amendement pour rendre plus juste la redistribution de la taxe

M. Jérôme Cahuzac. Il s’agit de rendre plus juste la redistribution aux ménages en la calant sur les tranches du barème de l’IR. Nous proposons en outre de multiplier le crédit

d’impôt par 1,3 pour les contribuables domiciliés dans une commune non intégrée à un périmètre de transports urbains. Contrairement aux affirmations de Mme Lagarde, dans de très nombreuses villes possédant un plan de déplacements urbains, tout le territoire communal n’est pas couvert. Il est donc nécessaire de nuancer la règle proposée par le Gouvernement.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Pour les ménages des cinq premiers déciles de revenu, qu’ils soient urbains ou ruraux, le remboursement excédera le coût moyen subi au titre de la taxe carbone. L’effet redistributif, certes léger, est donc réel, ce qui répond partiellement à la préoccupation de notre collègue Cahuzac.

M. Pierre-Alain Muet. Tous les pays qui ont instauré une vraie taxe carbone, d’un montant suffisant, prévisible et croissant dans le temps, ont mis en oeuvre, dans le même temps, une vraie réforme fiscale. Le but d’une taxe écologique n’est pas de pénaliser les consommateurs mais de modifier un prix. Peut-être le coût s’équilibre-t-il en moyenne, mais certainement pas pour les ménages vivant en milieu rural avec des revenus modestes. La contribution climat-énergie aurait dû faire partie d’une réforme d’ensemble, avec une redistribution pour les revenus les plus bas.

Limiter la redistribution aux premières tranches de l’impôt sur le revenu

M. Pierre-Alain Muet. Même si ce n’est pas son objectif, une taxe carbone, de fait, constitue un prélèvement sur le revenu, en particulier pour les ménages les plus modestes, qui ne peuvent modifier immédiatement leur comportement. Une politique d’accompagnement redistributive aurait du sens car l’impact de la taxe carbone sur un ménage dépendra du niveau de ses revenus. Il s’agit donc de ne pas redistribuer de façon uniforme, de redistribuer davantage aux ménages modestes et de ne pas redistribuer aux plus riches.

M. le rapporteur général. Eu égard à son caractère forfaitaire, la compensation est automatiquement redistributive. Pour les cinq premiers déciles de revenu, en moyenne, elle est supérieure au surcoût entraîné par la taxe carbone. En revanche, pour les cinq déciles supérieurs, en moyenne, elle est inférieure à ce surcoût, à hauteur de 45 euros en milieu rural et de 21 euros en milieu urbain. Pour le dernier décile, c’est-à-dire les 10 % de ménages percevant les ressources les plus élevées, en moyenne, elle est inférieure de 27 euros à ce surcoût. Le souci de redistribution a été intégré dans le barème même.

M. Pierre-Alain Muet. Quand vous entreprenez une réforme fiscale, vous faites en sorte – c’est le cas pour la taxe professionnelle – que les perdants soient les moins nombreux

possible. Or la taxe carbone frappe les ménages les plus modestes, vivant dans des banlieues ou des campagnes dépourvues de transports en commun. Ce n’est pourtant pas son objectif ! Ce qui compte, ce n’est pas la moyenne mais le fait que la redistribution au bas de l’échelle des revenus soit suffisamment forte pour que pratiquement personne ne soit touché. L’enjeu est de rendre acceptable la taxe écologique. Si la mesure rencontre des difficultés, c’est en grande partie parce que nombre de ménages ont le sentiment de subir un prélèvement sur leur pouvoir d’achat.

M. Hervé Mariton. La proposition de Pierre-Alain Muet consiste non pas à augmenter la restitution pour les plus défavorisés, mais à la supprimer pour les plus favorisés. Or, exclure du bénéfice de la compensation de la taxe carbone les tranches les plus élevées de l’impôt le revenu aboutirait, en cas d’augmentation de la taxe ou d’extension de la fiscalité écologique à d’autres produits, à perturber profondément le sens à donner à la fiscalité écologique, qui est de créer un signal-prix. Les pays étrangers qui ont instauré une fiscalité écologique ne sont pas tombés dans cette erreur.

M. Pierre-Alain Muet. Si nous, socialistes, avions instauré une taxe carbone, nousl’aurions fait dans le cadre d’une réforme de l’imposition du revenu dont nous avons besoin. Alors que la CSG est proportionnelle, l’impôt sur le revenu est devenu une peau de chagrin. Notre fiscalité est à la fois très peu redistributive et très peu écologique. Pour y remédier, une belle réforme est à faire. Pourquoi faut-il redistribuer aux plus modestes ? Parce qu’ils n’ont pas le choix. Les dépenses des personnes à revenu faible sont contraintes. La mission d’information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales à laquelle nous avons participé tous les deux, monsieur Mariton, l’a montré. Au contraire des personnes aux revenus élevés, celles aux revenus modestes n’ont quasiment aucune possibilité de faire des choix de substitution. Construire une fiscalité écologique comportant des mécanismes de redistribution relève donc d’une vraie logique.

La Commission rejette l'amendement.