Lors du débat sur le collectif budgétaire mardi 2 février, je sui revenu sur la bombe a retardement que constitue le million de chômeurs qui vont arriver en fin de droits en 2010. Certains vont percevoir l’ASS, soit 454 euros mois, d’autres le RSA, soit 460 euros, d’autres enfin n’auront rien du tout.
C’est une catastrophe sur le plan social, mais aussi sur le plan économique, en raison de la baisse du pouvoir d’achat qui en résultera. Après avoir alerté le gouvernement depuis des mois sur ce problème des chômeurs en fin de droits, le groupe socialiste va déposer une proposition de loi prévoyant une mesure qui aurait du être prise depuis longtemps : allonger la durée d’indemnisation du chômage, dans ce contexte exceptionnel, afin que ceux qui ont perdu leur emploi ne se retrouvent pas dans cette situation de fin de droits.
Vous trouverez dans la suite de cette note l'ensemble de mon intervention.
Intervention de Pierre-Alain Muet à l'Assemblée nationale
Deuxième séance du mardi 2 février 2010
Projet de loi de finances rectificative pour 2010
Discussion générale
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M. Pierre-Alain Muet. Au cours des cinq minutes qui me sont imparties je voudrais évoquer trois sujets: l'emploi; le grand emprunt et le déficit; la taxe sur les banques.
Lors de la discussion sur le plan de relance, nous vous disions que l'emploi en était le grand oublié. L’emploi et le pouvoir d'achat sont plus que jamais d'actualité. Si la France a du mal à retrouver une croissance, c’est en grande partie parce que le chômage continue à augmenter, et parce que le pouvoir d’achat qui a bénéficié du ralentissement de l’inflation en 2009, au plus fort de la crise, va stagner dès le retour à un taux d’inflation normal.
Parmi les pays qui ont le moins souffert de la crise, la France est celui qui connaît la plus forte augmentation de son taux de chômage. Deux fois plus touchée que nous par la crise en 2009, l’Allemagne n’a pratiquement pas connu d’augmentation du chômage: comme nous, elle avait un taux de chômage harmonisé de 7,5 % en juin2008; depuis, elle est passée à 7,6 % et nous à 10 %...
Nous pourrions prendre l’exemple d’autres pays, tels que l’Italie, les Pays-Bas ou la Belgique, qui ont plus souffert que nous de la crise, sans connaître cette explosion du chômage.
Deux raisons expliquent cette explosion du chômage en France. La première tient à votre absurde politique d’heures supplémentaires: vous avez inversé tous les mécanismes qui permettaient qu’une récession ne se répercute pas immédiatement sur le chômage.
Habituellement, une récession entraîne d’abord une diminution des heures supplémentaires dans les entreprises, puis une utilisation du chômage partiel, et enfin, en dernier recours, des licenciements.
Cette fois, les entreprises ont commencé par licencier, alors qu’elles avaient recours à des heures supplémentaires. Avec votre politique absurde, la crise s’est répercutée entièrement et immédiatement sur l’emploi.
M. Jérôme Cahuzac. Très juste! C’est exactement cela.
M. Pierre-Alain Muet. Deuxième raison: une autre composante a manqué car vous n’avez mené aucune politique active de l'emploi. Les emplois aidés du secteur non marchand sont restés stables pendant toute cette période, tandis que le chômage augmentait de plus de 600000 personnes.
Nous avons aussi une bombe à retardement: près d’un million de chômeurs vont se retrouver en fin de droits en 2010. Certains vont percevoir l’ASS, soit 454 euros mois, d’autres le RSA, soit 460 euros, d’autres enfin n’auront rien du tout.
C’est une catastrophe sur le plan social, mais aussi sur le plan économique, en raison de la baisse du pouvoir d’achat qui en résultera.
Après vous avoir alertés depuis des mois sur ce problème des chômeurs en fin de droits, nous allons déposer une proposition de loi prévoyant une mesure que vous auriez pu prendre depuis longtemps: allonger la durée d’indemnisation du chômage, dans ce contexte exceptionnel, afin que ceux qui ont perdu leur emploi ne se retrouvent pas dans cette situation de fin de droits.
En ce qui concerne les déficits, nous avons assisté la semaine dernière à un débat tout à faire surréaliste: un gouvernement convoque des collectivités locales pour parler des déficits publics…
En quoi les collectivités locales sont-elles concernées? Par construction, elles n’empruntent que pour investir. Or l’examen de nos finances publiques révèle un déficit de l’État de 138 milliards d’euros, ce qui représente pratiquement la moitié des dépenses du budget général. En face, on ne trouve que 14 milliards d’euros d’investissement, tout le reste étant constitué de dépenses courantes!
Dans une situation où les neuf dixièmes du déficit financent uniquement des dépenses courantes et des intérêts de la dette, je trouve qu’il est mal venu de vouloir donner des leçons aux collectivités locales qui ne s’endettent que pour investir.
J’ai entendu le Président de la République évoquer une règle constitutionnelle selon laquelle on ne pourrait s’endetter que pour investir; je trouve paradoxal que le seul Gouvernement qui n’a respecté aucune règle se permettre d’en proposer une nouvelle. Au demeurant, comme l’a rappelé le président de la commission des finances, cette règle existe déjà en partie dans la Constitution. L’actuelle majorité est la seule à n’avoir jamais respecté, depuis 2003, la règle des 60 % pour la dette publique, laquelle explose puisqu’elle est aujourd’hui de 83 % et risque malheureusement d’atteindre 100 % dans quelques années. Cette majorité, en place depuis 2002, est la seule qui ait toujours maintenu notre économie en situation de déficit excessif, et le Gouvernement actuel est le seul qui ait abordé une récession dans cette situation: tous les autres pays avaient en effet profité de la croissance mondiale qui, je le rappelle, a été entre2002 et2008 la plus forte des vingt-cinq dernières années.
...L’Allemagne avait ainsi ramené son déficit à zéro.
Mais aucune règle n’est respectée. Ainsi notre discussion devrait s’inscrire dans le cadre budgétaire car la règle de l’unité budgétaire, que le Gouvernement ne respecte pas plus que les autres, exige une vision d’ensemble. Extraire toutes les dépenses d’avenir d’un budget qui, dès lors, ne finance que les dépenses courantes, et faire une opération de communication parce que le Président de la République l’a voulu ainsi, n’est une bonne façon ni de gérer l’économie, ni de donner confiance à nos concitoyens. Ceux-ci ont besoin de savoir où l’on va.
Or les annonces non suivies d’effets sont légion: j’en veux pour preuve les trois cents propositions de la commission Attali, dont il serait intéressant de voir ce qu’elles sont devenues. Je me souviens même que l’une d’elles visait à faire de Paris une grande place financière, sur le modèle anglais: la croissance de l’industrie financière, disait-on, étant trois fois plus rapide que celle du PIB, il serait temps que la France s’y mette. Quand on voit les résultats de la crise, on se dit que vous avez bien fait d’oublier cette proposition! Toujours est-il que ce n’est pas ainsi que vous redonnerez confiance à nos concitoyens.
Quant à la taxe sur les banques, c’est tout de même extraordinaire: alors que vous la prétendez similaire à celle de nos voisins anglais, elle est en réalité indolore et ne rapporte rien à l’État. Heureusement, la commission des finances, dans sa sagesse, l’a en partie corrigée pour que son produit soit réellement affecté au budget. Mais il faut le dire: cette taxe, comme tout le reste, c’est de la poudre aux yeux; or ce n’est pas avec de la poudre aux yeux que l’on gouverne, ni que l’on redonnera confiance à nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)