Débat toute la journée de jeudi sur le projet de Loi de régulation bancaire. Un projet de Loi tiré des oubliettes avec le rebondissement de la crise. En matière de régulation, comme je l’ai dit dans la discussion générale « les États-Unis agissent, l’Europe réfléchit et la France attend ». Ce n’est pas la meilleure façon de répondre à la crise. Dans la suite de cette note des extraits des débats sur les principaux sujets. Quant à l’interdiction des ventes à découvert « A l’heure où l’Europe et la zone euro traversent une crise sans précédent de spéculation contre les dettes souveraines, où les marchés financiers ne croient plus aux annonces des gouvernements, où le Président de la République française et la chancelière allemande écrivent à la Commission européenne qu’il faut prendre une mesure forte en Europe en interdisant les ventes à découvert à nu, on retiendra que la chancelière allemande conforme ses actes à ses paroles, mais que le Président de la République s’en tient aux discours et que les actes ne suivent pas ».
Ci-dessous, des extraits de mes différentes interventions:
Interventions de Pierre-Alain Muet à l'Assemblée nationale
Régulation bancaire et financière
Première séance du jeudi 10 juin 2010
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Explication de vote de la motion de rejet préalable
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
M. Pierre-Alain Muet. Après la brillante démonstration de M. Eckert, j’exposerai les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable.
Ce projet s’est fait attendre. S’il a été remis au Parlement au mois de décembre dernier, il est probable que, sans la crise grecque, il n’aurait pas encore été soumis à notre examen. En pleine crise, le Gouvernement s’est souvenu qu’il existait un texte dont les premiers articles n’allaient pas très loin puisqu’il s’agissait de transposer des directives européennes. Ensuite, le rapporteur a ajouté quelques éléments. Mais quand on compare ce projet à ce qui se fait aux États-Unis notamment, on s’aperçoit qu’il est très en retrait en matière de régulation.
Madame Lagarde, les textes en discussion aux États-Unis ne sont pas des petits textes puisqu’il s’agit de changer radicalement la régulation bancaire, de procéder à la séparation, dans un nouvel univers, des banques de dépôt et des banques d’affaires, et d’instaurer des taxes significatives sur les banques. La France, pour sa part, prévoit seulement de transposer quelques directives et de prendre quelques mesures supplémentaires.
Vous nous avez dit également que l’AMF pourra poursuivre ce qu’elle a fait dans une période de crise, c’est-à-dire interdire un certain nombre de ventes à découvert. Quand l’Allemagne a pris la décision, le 18 mai dernier, d’interdire des ventes à découvert sur les titres souverains, cela avait un vrai sens. Si la France avait immédiatement emboîté le pas à l’Allemagne, on aurait retrouvé ce couple franco-allemand qui agissait rapidement. Du coup, les autres pays auraient suivi. Or nous ne savons toujours pas si vous allez suivre la commission des finances sur les ventes à découvert.
Les États-Unis vont créer une taxe sur les banques, et l’Allemagne va sans doute faire de même. Et la France ? Cela fait très longtemps que le groupe socialiste propose d’instaurer une taxe de 10 % sur les profits bancaires au motif qu’il n’est pas possible d’accepter que les citoyens, à travers les États, interviennent pour sauver les banques sans retour, c’est-à-dire que ce soit eux qui payent l’addition à travers des déficits publics.
La Cour des comptes indique que, si la France était entrée dans le capital des banques, elle aurait gagné 5,8 milliards d’euros. Elle ne l’a pas fait. Vous nous répondez que la démarche suivie n’a rien coûté, et qu’elle a même rapporté un peu. Mais cela aurait dû rapporter 5,8 milliards d’euros ! Dès lors que ce n’est pas le cas, il faut créer une taxe sur les banques. Voilà pourquoi nous proposerons par amendement d’instaurer une taxe de 15 %, ce qui pourrait rapporter 3 milliards d’euros.
S’agissant des agences de notation, il faut réformer un mode de rémunération absurde puisque c’est celui qui est noté qui finance l’agence qui le note. Où a-t-on vu un tel fonctionnement ? Par ailleurs, les agences de notation exercent à la fois une activité de conseil et de notation. Pour leur part, les États-Unis progressent sur la question de la séparation des activités de conseil et de notation. L’Europe avance doucement, quant à elle.
Pour résumer ce qui se passe en matière de régulation financière, je dirai que les États-Unis agissent, que l’Europe réfléchit et que la France attend. Ce n’est pas ainsi que l’on répond à une crise de cette importance. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
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Explication de vote de la motion de renvoi en commission
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
M. Pierre-Alain Muet. Notre groupe votera évidemment cette motion de renvoi en commission brillamment défendue par Jean-Pierre Brard, avec son humour légendaire.
Il a souligné à juste titre que le texte ne comporte que sept articles qui concernent la régulation ; tout le reste, c’est de l’habillage pour en faire une loi présentable. On se demande en particulier ce que viennent faire les articles 19 et 20 qui créent de nouveaux instruments financiers alors qu’il est au contraire question de réguler.
Il a également souligné à juste titre les risques d’une économie-casino. Keynes le disait déjà après la crise de 1929 en montrant que, quand le casino l’emporte sur l’économie réelle, on peut se trouver dans des situations catastrophiques. C’est ce qui se passe aussi dans cette crise.
Je ne donnerai que deux chiffres pour illustrer mon propos : le taux de rendement du système bancaire sur fonds propres, dans les années cinquante à quatre-vingts, se situait autour de 6 %, exactement comme dans l’économie réelle ; et alors que ce taux n’a pas changé dans le secteur non bancaire, il est monté, dans le secteur bancaire, dans les années qui ont précédé la crise, à 20 %. C’est une situation absurde, un prélèvement sur l’économie réelle.
Il faut absolument remettre en place une vraie régulation du secteur financier pour que celui-ci fasse son travail, à savoir contribuer au financement de l’économie, et non prélever une rente sur le reste de l’économie. C’est tout l’enjeu de la régulation. Or ce projet de loi ne constitue qu’un tout petit bout de la régulation à faire ; il y manque beaucoup de choses : une régulation des bonus, une vraie régulation du système bancaire. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de nos amendements.
M. Giscard d’Estaing a souligné l’avancée des États-Unis en matière de régulation, mais la comparaison entre l’Europe et les États-Unis me fait craindre une réplique de ce qui s’est passé dans les années trente. À l’époque, un pays avait en effet changé les règles de la régulation : les États-Unis sous l’autorité du Président Roosevelt. Les règles que ce dernier avait instituées – séparation entre banques d’affaires et banques d’investissement, New Deal – se sont généralisées partout dans le monde après la Seconde guerre mondiale, ce qui a conduit à une longue période de stabilité. Cependant, à la même époque, l’Europe s’enfonçait dans des politiques de déflation.
Il faut retenir les leçons de l’histoire. Nous avons absolument besoin d’une vraie régulation et d’une vraie réflexion sur la coordination des politiques économiques pour ne pas répliquer les erreurs du passé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Deuxième séance du jeudi 10 juin 2010
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Discussion générale
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M. le président. Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, dernier orateur inscrit.
M. Jean-Pierre Brard. On a gardé le meilleur pour la fin ! (Sourires.)
M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de régulation il y a loin des discours aux actes. À la fin de cette matinée, Sandrine Mazetier faisait le parallèle entre le discours de Toulon et les réalisations. Force est de reconnaître que, dans cette crise, la France et les pays européens n’ont pas pris la mesure des réformes qu’il fallait mettre en œuvre pour y répondre.
La régulation fondamentale consiste à obtenir que les banques fassent leur métier. Or le métier de banquier, c’est de gérer des dépôts, c’est d’accorder des crédits aux entreprises et aux consommateurs, ce n’est pas de spéculer sur les marchés financiers.
Les États-Unis ont pris à bras-le-corps cette question. Le président Barack Obama a proposé une séparation des activités de dépôt et d’investissement, reproduisant – dans un contexte nouveau‚– ce qui avait été fait en son temps par Roosevelt après la crise de 1929. Ce dernier avait notamment séparé les banques de dépôt des banques d’affaires, avec une idée très simple : les banques de dépôt ont une mission de service public : gérer des dépôts et attribuer des crédits.
Les États-Unis avancent en matière de régulation et nous, en Europe, nous bougeons peu. Madame Lagarde, vous nous disiez ce matin que les États-Unis avançaient lentement parce que les lois en question sont en discussion. Mais que dire de celle-ci ! Proposée par le Gouvernement en décembre, elle est discutée seulement maintenant et je pense que, si elle est redevenue d’actualité, c’est en partie parce que la crise l’a ramenée à l’ordre du jour. Quant aux conclusions, elles seront adoptées de façon définitive en septembre. Cela ressemble étrangement à la façon dont l’Europe réagit à cette crise : toujours avec un temps de retard.
Le secteur financier – Henri Emmanuelli le disait ce matin‚– est un secteur prédateur. Quand il ne fait pas ce pour quoi il a été fait, c’est-à-dire assurer le financement de l’économie, mais qu’il passe son temps à spéculer sur les marchés financiers, il ne crée pas de richesses : il ne fait que s’accaparer une rente à travers la spéculation. En effet, le résultat de la spéculation, c’est une rente, comme le montrent les chiffres : sur la longue période, la rentabilité du secteur réel, c’est-à-dire celle des fonds propres, n’a pas bougé en cinquante ans – elle se situe toujours autour de 6 à 7 %. Au contraire, celle du secteur financier a explosé jusqu’à la crise, passant d’un ordre de grandeur semblable au précédent – de 6 à 7 %‚– à près de 20 %. Ces chiffres s’appliquent notamment au Royaume-Uni, pour lequel on dispose des données sur une longue période.
Réagir face à la spéculation, madame la ministre, c’est en finir avec les ventes à découvert. Nous subissons depuis trois mois une spéculation sur les dettes souveraines. Il est totalement absurde de maintenir cette pratique qui permet à un acteur économique ne disposant pas de titres de dettes souveraines de spéculer à la baisse sur ces titres : il les vend sans les posséder et il les rachète quand leur valeur a baissé.
Cela ne sert qu’à la spéculation, car j’aimerais bien que l’on m’explique l’utilité, en dehors de mécanismes spéculatifs, des ventes à découvert à nu.
M. Jean-Pierre Brard. Très juste !
M. Pierre-Alain Muet. En tout cas, dans une période de spéculation, il faut les empêcher. Les Allemands l’ont fait le 19 mai. Il était très simple pour la France d’emboîter le pas à l’Allemagne.
Si la France et l’Allemagne avaient, à un jour d’intervalle, pris la même mesure, les pays européens se seraient engagés vers la suppression des ventes à découvert. Notre commission des finances a voté un amendement sur le sujet ; nous attendons toujours la réponse du Gouvernement. Mais il est clair que la France a manqué de réactivité.
En ce qui concerne les banques, nous proposons depuis des mois que l’on mette en place une taxe sur les profits bancaires, avec un argument très simple, que l’on entend dans d’autres pays, aux États-Unis par exemple : les États – donc les citoyens – sont venus au secours des banques. Bien sûr, ils devaient le faire, mais il est juste qu’ils ne soient pas les seuls à en supporter les conséquences. Il est normal que les banques contribuent à la réduction des déficits, dont le paiement dans le futur repose, pour l’instant, sur les seuls citoyens. Les banques auraient pu y contribuer de façon très simple si vous aviez fait, à l’époque, ce que nous proposions, c’est-à-dire entrer dans le capital. Si vous aviez soutenu les banques en achetant des actions – le rapport qui vient d’être publié par la Cour des comptes le montre‚–, l’État aurait pu bénéficier de 5,8 milliards d’euros de plus-value, ce qui aurait été une contribution normale étant donné l’action entreprise par le Gouvernement, qui a permis aux banques de continuer leurs activités et de se redresser.
En matière de régulation, il faut aussi que l’on aille beaucoup plus loin, en Europe, que ce qui est proposé. Je me souviens que, lorsque M. de Larosière est venu devant la commission des finances et la commission des affaires européennes expliquer ce qu’il faisait, il nous a dit qu’il était parti avec l’idée d’obliger les banques à garder 10 % de leurs crédits dans leurs comptes. C’était déjà très peu : autrefois, elles gardaient l’essentiel des crédits dans leurs comptes. Il s’agissait d’éviter qu’elles titrisent la plupart de ces crédits, qu’elles s’en défaussent en les plaçant sur les marchés financiers. Or M. de Larosière a obtenu finalement 5 %. Aujourd’hui, si l’on veut réellement empêcher que des crises se renouvellent, il faudrait porter ce ratio à 20 ou 30 %.
Les agences de notation pourraient contribuer à la régulation, mais c’est l’inverse qu’elles ont fait : en dégradant des notes souveraines à des moments inopportuns, elles ont contribué à accentuer la spéculation. Alors, oui, il faut réguler les agences de notation.
Il faut aussi changer la façon dont elles sont rémunérées : il est absurde que ce soit l’établissement noté qui rémunère l’agence de notation. Il faut envisager la création d’une agence publique européenne de notation. Il convient, par ailleurs, que le régulateur ne s’appuie pas sur les travaux des agences de notation pour réguler les banques : ce sont celles-ci qui doivent expliquer au régulateur les dispositifs qu’elles mettent en place. De son côté, le régulateur ne doit pas s’appuyer sur des notes, dont on voit bien toute l’imperfection, pour vérifier si la banque se conforme aux règles de bonne conduite – qui restent d’ailleurs à établir.
S’agissant des bonus, on ne peut pas rester dans une situation où, dès que les banques ont rétabli leur santé, elles se mettent à en verser de nouveau aux traders , alors que ce sont tous les citoyens qui sont appelés à participer à la réduction des déficits publics.
Nous vous proposerons des amendements pour mettre un peu d’ordre, aussi bien dans les bonus que dans les agences de notation, mais je voudrais, pour terminer, évoquer la situation de l’Europe et des États-Unis dans cette crise.
Je crains qu’on ne voie se reproduire l’histoire. En effet, après la crise de 1929, le seul pays qui ait changé complètement les règles, c’est les États-Unis : en 1933, le président Roosevelt a modifié le système de régulation bancaire. Les règles édictées se sont imposées pendant près de cinquante ans après la Seconde guerre mondiale. Il a aussi changé complètement la fiscalité aux États-Unis, en imposant très fortement les rémunérations les plus élevées. Enfin, il a lancé le New Deal . C’est cette association de trois changements fondamentaux qui, pendant une cinquantaine d’années en Europe, après la guerre, s’est généralisée et a permis que l’économie fonctionne et ne soit pas sous la tutelle des marchés financiers.
Il ne faudrait pas que l’histoire se répète, parce que, après la crise de 1929, dans les années trente, et alors que les États-Unis mettaient en place une régulation, comme le fait le président Obama aujourd’hui, l’Europe s’est quant à elle enfoncée dans des politiques de déflation. Je pense qu’au sein de la zone euro il y a aujourd’hui le même risque.
Je redirai donc, comme ce matin, que, dans la période actuelle, les États-Unis agissent tandis que l’Europe réfléchit et que la France attend. Eh bien, il est temps que l’Europe se réveille et que la France joue son rôle, pas seulement dans des discours ou dans des lettres, mais par des actes, et vous avez l’opportunité de le faire, madame la ministre, notamment aujourd’hui en ce qui concerne les ventes à découvert. Je trouve que le texte qui nous est proposé n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux : il faut une réponse bien plus forte à cette crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je ne répondrai dans le détail à l’ensemble des questions évoquées lors de la discussion générale qu’à l’occasion de l’examen des amendements. Je m’en tiendrai donc pour l’instant à un bref exercice qui se limitera aux points les plus décisifs abordés par les orateurs.
Vous avez été au moins deux à évoquer le soutien consenti par la France au système financier, à propos de la perte d’une potentielle plus-value de 5 milliards d’euros. Mais, monsieur Pierre-Alain Muet, vous m’accorderez que tout est une question de calendrier, parce que, selon la date à laquelle on aurait disposé des actions que l’on aurait été obligé d’acquérir dans le cadre d’une prise de participation au capital, on aurait réalisé soit une moins-value, soit une plus-value.
M. Henri Emmanuelli. Parce que vous auriez vendu à perte ? La belle idée !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Si nous avions cédé les actions – toujours dans le cadre de cette hypothétique prise de participation au capital, à hauteur de 5 milliards d’euros‚– nous aurions réalisé en octobre 2009, un an plus tard, un milliard d’euros de perte, c’est-à-dire de moins-value !
M. Pierre-Alain Muet. Je pense que vous auriez attendu !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il est exact que, si nous avions attendu, nous aurions peut-être réalisé une plus-value.
M. Pierre-Alain Muet. Voilà ! C’est un principe de gestion élémentaire.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Et si cela avait duré un peu plus longtemps, peut-être le résultat aurait-il été encore différent.
C’est précisément sur ce point que nous sommes en désaccord, parce que notre gouvernement a préféré prêter, en s’assurant que l’argent des Français était placé à un taux d’intérêt fort rémunérateur. Or, s’il est une chose que le rapport de la Cour des comptes, sous l’autorité de son président, M. Migaud, précise bien, c’est que des intérêts ont été réalisés, à concurrence d’un peu plus de 2 milliards d’euros.
M. Henri Emmanuelli. Vous avez surtout fait un sacré cadeau aux actionnaires !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Un certain nombre d’autres considérations entrent en jeu dans le raisonnement de la Cour des comptes mais, sur la réalisation des intérêts, en tout cas, il n’y a pas l’ombre d’un doute.
M. Jean-Pierre Brard. Quatre milliards pour les actionnaires ! Si au moins ils vous avaient remerciée !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point-là, c’est tout. Nous n’avons pas voulu spéculer avec l’argent des Français. Nous n’avons voulu prendre ni le risque de la perte, ni celui du gain.
M. Henri Emmanuelli. Donc vous couvrez les pertes et vous ne prenez pas les bénéfices !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous avons préféré la sécurité de la réalisation de l’intérêt sur les prêts que nous avions consentis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais maintenant faire un point rapide sur la rémunération des opérateurs de marchés. Vous considérez, monsieur Pierre-Alain Muet – et je le regrette, même si c’est votre droit le plus strict – que la France attend, pendant que l’Europe réfléchit et que les États-Unis agissent. C’est une magnifique critique, mais vous lisez l’histoire à l’envers : c’est la France qui agit, c’est l’Europe qui réfléchit – même si, c’est vrai, quelques-uns de nos partenaires ont agi avec nous – et ce sont les Américains qui suivent. Souvenez-vous : en matière de rémunération des opérateurs de marché, la France était bien isolée au mois d’août 2009 pour recommander qu’une réglementation soit mise en place et que les États interfèrent dans le mode de fixation des rémunérations. Dans ce que l’on appelle la culture anglo-saxonne des entreprises privées, c’est tout à fait contre-intuitif ! C’est bien grâce à l’action de la France qu’on a interdit les bonus garantis, qu’on a mis en place un mécanisme pour différer la rémunération sur une période de trois ans, avec l’obligation de rémunérer à concurrence de 50 % en actions, et qu’on a instauré un système de malus, si d’aventure les activités au titre desquelles un bonus est attribué se révèlent ultérieurement génératrices de pertes.
M. Christian Eckert. Et qu’est-ce que ça a changé ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est donc bien la France qui était à la manœuvre, et c’est bien la France qui, au mois de novembre 2009, a fait entrer dans son arsenal réglementaire les mécanismes de respect des règles. Ces mêmes principes figureront dans la directive européenne « Fonds propres réglementaires » – dite CRD 3 – qui entrera en vigueur au mois d’octobre prochain. De la même façon, la France a demandé que l’on trouve dans la directive relative aux gérants de fonds dits alternatifs des mécanismes permettant d’encadrer les rémunérations.
La France agit ; la France prend les devants. Cela ne vous fait peut-être pas plaisir, car cela contredit votre thèse,…
M. Pierre-Alain Muet. Cela me fait très plaisir : j’espère que vous allez aussi approuver nos amendements !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …mais c’est la réalité de ce que nous avons fait.
M. Henri Emmanuelli. Mais quels résultats avez-vous obtenus ? Les marchés vous répondent !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Quels résultats ? L’encadrement des rémunérations des opérateurs de crédit que nous avons mis en place a entraîné, nonobstant des réalisations d’opérations nettes extrêmement profitables pour les établissements bancaires, une diminution proportionnelle du montant des sommes versées à titre de rémunération variable.
Le mécanisme a donc fonctionné. Nous l’avons mis en place les premiers. Je dois à la vérité de dire que cela n’a toujours pas été fait aux quatre coins de la planète, y compris dans des territoires dont vous avez vanté le caractère innovateur, voire pionnier, comme les États-Unis.
M. Henri Emmanuelli. Tout le monde est émerveillé, ce doit être pour cela que le spread augmente.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En matière de taxation, je voudrais également souligner que la France n’a pas à rougir de ce qu’elle n’aurait pas fait. Nous avons été les premiers, avec les Britanniques – c’était un accord entre le Premier ministre Gordon Brown et le Président de la République Nicolas Sarkozy – à proposer, dès l’été dernier, un mécanisme de taxation non pas des opérateurs de marché mais des banques, afin de taxer 50 % des sommes versées à titre de bonus, au-delà de 27 500 euros par opérateur. C’est ce qui se passe.
Monsieur le président de la commission des finances, vous m’interrogez sur les montants en cause. Nous avions prévu que ce mécanisme rapporte 360 millions d’euros, qui seraient affectés à OSEO, financeur des petites et moyennes entreprises et bras armé de l’État.
M. Henri Emmanuelli. Pour que vous le fassiez, il a fallu insister !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Mais je fais toujours tout ce que vous me dites, monsieur Emmanuelli ! Je suis étonnée que vous ne l’ayez pas remarqué. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
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Discussion des articles :
amendements relatifs aux règles de déontologie applicables aux membres de l 'AMF
Après l'article 2 quinquies
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 94 portant article additionnel après l’article 2 quinquies .
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit d’adapter aux membres de l’Autorité des marchés financiers les obligations du code de procédure pénale qui pèsent sur les magistrats, donc d’interdire à un membre de l’AMF de « délibérer dans une affaire s’il a eu lui-même, son conjoint, ses parents ou alliés avec une des parties un lien direct ou indirect susceptible de faire peser une suspicion légitime de partialité ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Des dispositions sont déjà prévues dans le code pénal. En outre, l’adoption de cet amendement risquerait d’avoir l’effet exactement inverse de celui recherché par son auteur : le tribunal pourrait être conduit à estimer que seuls les liens familiaux mentionnés sont susceptibles de donner lieu à un conflit d’intérêts. Il me semble plus sage de laisser la jurisprudence faire son œuvre, en l’occurrence celle des conflits d’intérêts, et donc de ne pas accepter l’amendement de M. Muet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je comprends parfaitement l’esprit dans lequel vous proposez cet amendement, monsieur Muet. J’ai une proposition à vous faire, même si mon avis sur l’inscription de cet amendement dans le présent texte n’est pas favorable.
Nous partageons bien évidemment votre souci d’éviter les conflits d’intérêts, dans l’intérêt même des personnes qui participent aux instructions dans quelque commission que ce soit au sein de l’Autorité des marchés financiers.
(l'amendement est retiré)
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M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 90.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à élargir les incompatibilités des membres du collège de l’AMF en précisant que cette fonction est incompatible avec l’exercice d’un mandat d’administrateur ou de dirigeant d’une société anonyme. Il me paraît en effet naturel de faire en sorte que l’autorité de régulation ne puisse avoir de conflits d’intérêts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Défavorable.
Tout d’abord, s’agissant de la discussion précédente, que se passe-t-il si la proximité familiale est mise en cause ? La commission des sanctions de l’AMF prend une décision. Celle-ci est contestée par la société qui a fait l’objet d’une enquête et elle est déférée au tribunal au prétexte que la commission des sanctions, voire le collège de l’AMF, n’a pu délibérer valablement en raison d’une proximité familiale. Qu’aurait fait la justice ? Elle aurait vérifié si la proximité familiale était réelle et de nature à entacher l’indépendance de la personne en cause. Puis elle aurait jugé et cela aurait fait jurisprudence. Intégrer la disposition en question dans le code monétaire et financier n’empêcherait pas la justice civile, voire la justice pénale, de se prononcer. Je suis en phase avec Mme la ministre lorsqu’elle dit vouloir demander à l’AMF de réglementer mais, même sans cela, la jurisprudence judiciaire aurait parfaitement pu qualifier la proximité, Dieu merci !
M. Christian Eckert. Si on peut s’épargner un procès !
M. Jérôme Chartier, rapporteur . La justice devra de toute façon se prononcer. Quant à l’amendement n° 90, il n’a pas de lien direct avec le précédent, mais il est très important. La question est de savoir s’il peut y avoir, dans le collège de l’AMF, des personnes qualifiées pour examiner une enquête en cours, c’est-à-dire qui puissent avoir un jugement éclairé sur la nature des faits reprochés à la personne subissant l’enquête. Or comment avoir un jugement éclairé sinon en exerçant des responsabilités éminentes ou en les ayant exercées depuis suffisamment peu de temps pour être au fait des affaires économiques et financières ? Exercer un mandat d’administrateur permet aussi de rester au contact de ces affaires.
S’agissant des personnes cumulant des responsabilités d’administrateur et de membre du collège de l’AMF, le code monétaire et financier est là aussi très précis, pour que celles qui pourraient être en conflit d’intérêts ne puissent pas avoir de lien direct avec l’enquête en cours. C’est l’un des éléments que le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers vérifie avant de lancer chaque enquête, afin qu’il ne puisse pas y avoir, de près ou de loin, de conflit d’intérêts : de près, si la société dont l’un des membres du collège est administrateur est mise en cause ; de loin, si c’est l’une des filiales ou une filiale de filiale qui est concernée.
En revanche, il me semble nécessaire pour l’Autorité des marchés financiers que puissent siéger au collège des personnes susceptibles de rendre un avis éclairé du fait de leurs responsabilités professionnelles passées ou, le cas échéant, de l’exercice d’un mandat d’administrateur. Si tel n’était pas le cas, les décisions pourraient être prises par des personnes déconnectées de la réalité économique et financière et risqueraient d’être nettement moins fondées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Il est en effet bon qu’il y ait, au sein de l’Autorité des marchés financiers, des personnes ayant exercé des mandats de ce type, mais quand on a la responsabilité de juger, de trancher certains sujets, il ne doit pas y avoir de mélange avec des responsabilités privées. C’est une tradition ancienne dans notre pays et il n’y a aucune raison pour que l’Autorité des marchés financiers ne s’y soumette pas.
(l'amendement n'est pas adopté)
séparation des activités de dépôt et des investissements
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 49.
M. Pierre-Alain Muet. Avec votre permission, monsieur le président, je souhaiterais revenir un instant au débat sur le précédent amendement. En France, les frais bancaires sont bien plus élevés que partout ailleurs. La tenue de compte, c’est 150 euros. Dans la plupart des autres pays, c’est une quarantaine d’euros.
Quant à la transparence de l’information, on peut constater, en lisant les documents fournis par les banques, que, contrairement à ce que nous a dit Mme la ministre, on est en très loin. On en arrive à des situations complètement aberrantes, qui ont été relevées par l’UFC-Que Choisir : pour un découvert de l’ordre de trente euros, le taux d’intérêt effectif, frais inclus, dépasse de très loin le taux de l’usure – je rappelle que celui-ci est actuellement de 19,45 % –, puisqu’il atteint parfois 40 %. C’est donc un débat important, que nous devons reprendre et que nous reprendrons.
L’amendement n° 49 porte sur un sujet qui me paraît fondamental. Si l’on veut sortir de cette crise, il faut que les banques se remettent à faire leur métier, qui consiste à détenir des dépôts et à consentir des prêts en étant attentives à ce qu’elles font. D’où la nécessité de reprendre ce débat sur la séparation entre les activités de dépôt et celles d’investissement, ou de placement.
C’est l’objet d’un texte qui est actuellement en discussion aux États-Unis. Nous, nous demandons seulement que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce sujet. Il n’est pas possible d’écarter ce sujet après la crise financière que l’on a connue ! L’activité de dépôt, c’est une mission de service public. Cela suppose que la banque qui remplit cette mission le fasse en étant attentive aux fonds qu’elle collecte, c’est-à-dire en ne transformant pas cette fonction en une activité de spéculation. Sur un tel sujet, demander qu’un rapport soit présenté à notre assemblée, c’est un minimum.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Cette question de la séparation entre les activités de banque de dépôt et de banque d’investissement, c’est un vieux sujet. C’est ce qu’on appelle, dans les médias, un « marronnier ». Il revient régulièrement.
M. Henri Emmanuelli. Non. Il revient depuis un an.
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Certains se demandent si ce n’est pas la bonne solution pour échapper à la crise financière. Je voudrais recadrer le débat à partir de quelques exemples.
Aux États-Unis, depuis les années trente, le système bancaire est marqué par la séparation entre les banques de dépôt et les banques d’investissement.
M. Henri Emmanuelli. Il l’était !
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Non, je suis désolé. Il l’est. Au niveau des États, les petites banques ont certes une activité de placement et d’investissement, mais qui est relativement modeste, car ces banques régionales sont, à l’origine, des banques de dépôt. Quant aux banques d’investissement, ce sont des banques importantes, qui ont une activité à l’échelle nationale. Elles ont essentiellement une activité d’investissement. Ainsi, en raison de ce qui est un héritage de l’histoire, il s’est instauré une sorte de séparation de fait entre les banques de dépôt et les banques d’investissement.
Cela ne veut pas dire, monsieur Emmanuelli, que les banques de dépôt ne font pas de l’investissement. Cela veut dire que l’organisation bancaire n’est pas celle de l’universalité. C’est la différence majeure avec la France.
Pourquoi le système américain est-il davantage systémique que le système français ? Cela tient tout simplement à une question d’exposition aux risques. Lorsqu’un groupe bancaire est très puissant et très diversifié, les risques qu’il prend sont eux-mêmes diversifiés, d’où une moindre exposition à des phénomènes systémiques qu’une banque très spécialisée, qui exerce dans un domaine particulier.
Les exemples sont nombreux. Le premier auquel on pense est celui d’AIG.
M. Henri Emmanuelli. La Société Générale, le procès Kerviel, ça vous dit quelque chose ?
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Monsieur Emmanuelli ! Cela n’a rien à voir, et vous le savez bien.
AIG et les CDS : voilà l’exemple même d’une activité de réassurance qui s’est développée et qui a conduit cet établissement au bord de la faillite. Le gouvernement américain a dû intervenir pour l’éviter, afin que le système puisse se maintenir. La faillite d’AIG aurait provoqué celle du système financier tout entier. Lehman Brothers, à côté, ce n’était rien ! Le rachat d’AIG était absolument indispensable, et lorsque Bank of America…
M. le président. Monsieur le rapporteur,…
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Pardonnez-moi d’être long, monsieur le président. Mais sur cette question qui revient régulièrement, j’essaie d’être complet et d’expliquer les raisons pour lesquelles il ne me semble pas opportun de demander un rapport de plus. Sur un sujet qui a été amplement traité, on pourrait peut-être éviter à un certain nombre de fonctionnaires de consacrer du temps à la rédaction d’un rapport qui, de toute façon, arrivera toujours à la même conclusion. Et quelle est cette conclusion ? C’est qu’il n’y a pas d’intérêt à instaurer une séparation entre les activités de dépôt et d’investissement. Ces deux activités sont nécessairement liées. Et de surcroît, ce lien est un excellent moyen de résistance à la crise systémique, précisément du fait de la diversité du risque.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Dans l’esprit de leurs auteurs – du moins en ce qui concerne l’amendement n° 122 rectifié –, cette distinction entre les banques d’investissement, d’une part, et les banques de dépôt, de l’autre, est destinée à éviter les risques systémiques, un peu dans l’esprit des propositions Volcker. Mais qui retrouve-t-on parmi les banques qui sont à l’origine du risque systémique survenu aux États-Unis ? On retrouve Bear Stearns, Merrill Lynch, Lehman Brothers. Ces trois banques ne relevaient pas de l’autorité bancaire. Elles n’étaient pas, en tant que telles, des banques de détail. Elles ne faisaient pas de dépôt. C’étaient purement des banques d’investissement. Or ce sont elles qui sont à l’origine du risque.
De la même manière, en Grande-Bretagne, Northern Rock est une des banques qui a été à l’origine des difficultés dès 2007 et qui a dû être nationalisée. Or elle ne faisait pas d’opérations de trading , mais du dépôt et du financement de collectivités locales. La distinction préconisée pour éviter le risque systémique ne semble donc pas opérante, en tout cas pas vérifiée par les faits.
Je suis d’accord avec vous, monsieur Muet, les banques doivent se concentrer sur leur cœur de métier. Celui-ci consiste à gérer du temps, c’est-à-dire, pour simplifier, à prendre des dépôts et à les convertir en financement de l’économie. Mais il faut arriver à distinguer entre ce cœur de métier d’activité bancaire et un certain nombre d’autres opérations. Par exemple, quand une banque couvre des opérations pour l’un de ses clients corporate , est-ce du trading ou du banking ? Ce n’est pas toujours évident.
À supposer que l’on ait franchi la première étape, pour la deuxième, qui consisterait à distinguer entre banques qui font du dépôt et banques qui font de l’investissement, la frontière serait extrêmement difficile à délimiter.
M. Henri Emmanuelli. C’est vrai !
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est la raison pour laquelle il ne me paraît pas opportun de créer une distinction institutionnelle entre les deux. En revanche, il est déterminant et nécessaire, et j’espère que c’est l’orientation que prendra Bâle 3, d’exiger des banques plus de réserves et de garanties pour leurs activités de trading , et ce dans des proportions importantes.
Le rapport que M. Lepetit m’a rendu sur l’étude du risque systémique et les moyens de l’éviter contient une série de propositions auxquelles j’entends donner suite. Sont notamment proposés des régimes de taxation qui seraient assis sur les activités à plus forts risques dans des proportions bien plus importantes que les activités traditionnelles de banking .
J’espère vous avoir, non pas convaincu – j’y renonce (Sourires) –, mais en tout cas éclairé sur les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur Chartier, vous nous avez fait un rappel historique quelque peu tronqué. Aux États-Unis, la distinction n’existait pas jusqu’à ce que M. Roosevelt l’impose après la crise de 1929. Puis, dans les années 1970, un sénateur américain a fait voter un texte qui faisait sauter ce distinguo. Et nous nous sommes retrouvés dans la situation problématique d’aujourd’hui.
Le sujet est certes difficile, mais vos réponses ne sont pas convaincantes. On est en plein procès Société générale contre Kerviel. Cette banque de dépôt avait aussi une activité de marché qui a présenté tout d’un coup – mais ce sera aux juges de le dire – un risque monumental. Qui, s’il n’y avait pas eu la puissance publique pour les garantir, aurait assumé le risque sinon les déposants ? Au minimum, on devrait dire que, pour les banques de dépôt, les activités de marché ne sont pas tolérées au-delà d’une certaine proportion. Car il est vrai que la frontière est difficile à tracer.
Je m’interroge. Alors que M. Obama va essayer, et ce ne sera pas facile pour lui, de pousser les États-Unis dans ce sens et que M. Guaino dit qu’il faudrait le faire, pourquoi tout d’un coup, ici, à l’Assemblée nationale, nous répond-on, sur un ton sentencieux, comme si l’on parlait à des gens pas tout à fait analphabètes mais n’ayant pas dépassé le niveau primaire, que le sujet n’est plus d’actualité ? Je crois que la raison de l’opposition à ce distinguo n’est ni économique ni financière ; elle relève de la sociologie des rémunérations.
Qu’est-ce qui est le plus rémunéré dans les banques ? Les activités de marché et les traders. C’est la haute rémunération de ces traders qui justifie ensuite les rémunérations monumentales, exorbitantes, des managers de banques. Revenir à un distinguo entre banque d’affaires et banque de dépôts remettrait en question cet eldorado qu’ils se sont fabriqué au cours des années. Vous devriez y réfléchir, madame la ministre, car une fois qu’on a pensé à cela, il est difficile de se l’enlever de la tête. Sinon, on ne voit pas pourquoi des banques, dont le rôle économique est de transformer de l’épargne à court terme en prêts à moyen et long terme, se mettraient tout d’un coup à spéculer.
Quel sens économique peut bien avoir le high frequency trading ? Aucun ! Pourtant, il représente jusqu’à 40 % des recettes d’activité de marché. Des esprits brillants pourraient-ils nous expliquer à quoi ça sert ? Je ne le sais pas, personne ne le sait. Ou plutôt si, cela sert à rapporter à des gens. Il y a d’ailleurs forcément des contreparties qui se font plumer en face, mais comme elles sont extrêmement nombreuses et dispersées, on ne s’en aperçoit pas. Ne dites donc pas qu’il n’y a pas un problème d’organisation du système financier. Il y en a un et, quelle que soit la position qu’on adopte aujourd’hui, il faudra bien finir par le régler.
M. Christian Eckert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Je me livrerai, moi aussi, à un petit rappel historique. Les banques américaines universelles avançaient exactement les mêmes arguments que ceux que l’on entend aujourd’hui lorsque, en 1933, Roosevelt a pris la décision de les séparer. Depuis dix ans, les États-Unis sont revenus sur ce système. Ils ont eu tort, comme beaucoup de pays ont eu tort de laisser des banques de dépôt, au lieu de faire leur métier de banquier, s’amuser à faire des placements inconsidérés sur les marchés financiers.
Les banques sont plus robustes, dit M. Chartier. Évidemment ! Si une pure banque d’investissement fait faillite à cause de ses placements financiers, il n’y a aucune raison qu’un État la soutienne, à condition toutefois de n’être pas assez importante pour entraîner avec elle l’ensemble du système financier.
La logique de la séparation place, d’un côté, une mission bancaire de service public, de l’autre côté, la spéculation soumise à une loi : quand on se trompe, on assume soi-même ses pertes. Nous ne proposons pas de séparer les banques de dépôt des banques d’investissement, mais de séparer les activités, par exemple en interdisant le trading pour le compte propre des banques. Que ces dernières réalisent des placements financiers pour leurs clients, c’est naturel : s’ils se trompent dans la spéculation, ce sont eux qui le supporteront et c’est normal. Ce qui n’est pas normal, c’est que les déposants, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens, soient mis en danger par des activités de banques mal régulées en interne et sans doute en externe. À cet égard, l’affaire Jérôme Kerviel est tout à fait édifiante, qui a mis en danger tous les déposants de la banque en perdant cinq milliards en un week-end.
Il y a là un vrai sujet. Le Gouvernement peut refuser de nous soumettre un rapport sur l’opportunité d’interdire le trading pour compte propre aux banques à activité principale de dépôt. J’observe toutefois qu’aux États-Unis et dans le monde entier, tout le monde se pose la question. Vous-même finirez peut-être par vous interroger. En tout cas, je pense que tant qu’on ne répondra pas sérieusement à cette question, on ne pourra pas apporter de vraie réponse à la crise.
Amendements sur l'interdiction de la vente à découvert à nu
Article 7 quater (précédemment réservé)
M. le président. Sur l’article 4 quater , je suis saisi de trois amendements, n os 1 deuxième rectification, 87 et 43 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le président de la commission, pour défendre l’amendement n° 1 deuxième rectification.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Cet amendement a un but, que notre pays se dote au moins d’un moyen – je ne prétends pas que ce soit le seul – pour lutter contre ce que je juge intolérable, c'est-à-dire la spéculation contre des titres de dette souveraine et contre les certificats d’assurance qui y sont attachés.
Certes, l’activité spéculative est sûrement très difficile à éradiquer partout, c’est d’ailleurs une activité probablement vieille comme le monde, et il est probable que ce n’est pas notre assemblée qui y mettra un terme dans le monde entier, mais ce n’est pas une raison, me semble-t-il, pour baisser les bras et ne vouloir rien faire.
En outre, plus personne aujourd’hui ne défend l’idée qu’une activité spéculative puisse avoir une quelconque utilité, comme cela a pu être parfois le cas il y a une vingtaine d’années, certains ayant théorisé la spéculation comme une façon pour les marchés de revenir à une forme d’équilibre. Plus personne ne défend cette option car tout le monde sait aujourd’hui que la spéculation, si elle est profitable pour certains, est nuisible pour le plus grand nombre.
Ceci étant posé, il me semble que cette activité spéculative est particulièrement nuisible quand elle concerne des titres de dette souveraine et les certificats d’assurance, qu’on appelle les CDS, qui sont attachés à ces titres de dette.
Sur ces deux préliminaires, il me semble que nous pouvons tous être d’accord.
Là où nous risquons de diverger, c’est sur la déclinaison de ces deux principes. On sait que les ventes à découvert à nu des titres de dette ou des certificats, mais des titres de dette en réalité, ont menacé des pays de la zone euro. On se réjouit que cette activité n’ait pas menacé la dette souveraine française et, objectivement, nous pensons que le risque n’était pas grand. L’Allemagne, qui était dans la même position, a quand même adopté une disposition interdisant la vente à découvert à nu des titres de dette de l’Allemagne ainsi que des certificats attachés à ces titres de dette.
Je crois qu’il serait bon que le Parlement adopte cet amendement, pour plusieurs raisons.
Premièrement parce que, objectivement, ce serait un moyen de lutter contre la spéculation, même si nous savons qu’en l’adoptant nous ne garantirions pas que cette activité spéculative serait interdite partout et pour tout le monde. Au moins notre pays aurait envoyé un signal assez fort, refusant par cette adoption que la dette souveraine française puisse faire l’objet de mouvements spéculatifs.
Deuxièmement, parce que l’Allemagne a déjà pris cette mesure. L’Allemagne et la France, qui ont conduit l’Europe, ont vocation à la conduire à nouveau. Il me semble que si la France rejoint l’Allemagne dans ces dispositions, l’exemple serait ainsi donné de manière très forte, non seulement au sein de la zone euro mais au sein de l’Europe elle-même, engageant les autres pays à adopter des mesures comparables. Si l’Europe adoptait à la longue ce type de disposition, luttant contre la spéculation dont sont l’objet les dettes souveraines, il me semble qu’elle aurait avancé, qu’elle aurait manifesté une certaine unité, qu’elle aurait également envoyé un signal au marché qui ne me paraît pas mince par les temps que nous vivons.
Une telle mesure est-elle possible en France ? Oui, car ce type d’interdiction existe déjà. Elle fut énoncée avec des principes juridiques contestables, mais qui ne furent pas contestés et ce fut heureux. Donc le principe lui-même de l’adoption d’une telle disposition n’est pas contestable puisque c’est sous l’empire de cette interdiction qu’un certain nombre de titres de banques qui ont été aidées au moment de la crise sont encore interdits aujourd’hui. Ce genre d’interdiction a déjà été utilisée en France pour certains produits, elle est toujours d’actualité, son principe n’est donc pas contestable.
...
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je remercie les auteurs des différents amendements pour leur détermination à expliquer les motivations qui les animent.
Je suis, au fond, plutôt d’accord avec la plupart de ces propositions. En revanche, je suis en désaccord avec la mécanique proposée par l’amendement du président de la commission des finances et par celui de Mme Montchamp. En effet, dans la foulée de l’initiative prise par le Président de la République et la Chancelière Merkel, mon souhait profond et la raison pour laquelle je combats au quotidien, c’est que nous arrivions à une solution qui soit européenne. J’accueille évidemment avec une infinie satisfaction la démarche franco-allemande consistant à demander au président de la Commission européenne de faire accélérer la manœuvre par son commissaire au marché intérieur, qui n’est autre que Michel Barnier, la lettre lui demandant très précisément de fournir certaines pistes avant l’ECOFIN du mois de juillet – c’est vous dire la brièveté du délai dans lequel nous demandons que son action soit encadrée. Lorsque, à l’occasion de l’ECOFIN de mardi dernier, j’en ai parlé avec Michel Barnier, celui-ci a indiqué très clairement, même s’il ne l’a pas encore fait par écrit à ce jour parce qu’il n’avait pas encore été saisi formellement par le président Barroso, son accord pour accélérer le processus concernant ces projets sur les ventes de CDS à découvert pur ou à découvert « à nu », ce qui est plus grave, et pour explorer toutes les pistes sollicitées par le Président de la République et la Chancelière Merkel.
Je souhaite que nous restions sur cette ligne, d’abord parce que cela me semble la bonne approche dans un contexte européen ; ensuite, parce que cela renforce l’action concertée franco-allemande, dont on connaît l’importance considérable dans les avancées rapides des travaux, y compris dans une Europe à vingt-sept ; ensuite, parce que cela consacre le fait que nos partenaires et amis allemands souhaitent parvenir à une solution dans le cadre européen plutôt que prendre de simples mesures allemandes comme celles qui ont été annoncées le 19 mai puis évoquées lors du dernier conseil des ministres allemand, et dont la portée est singulièrement réduite par rapport au champ qui avait été consacré par la médiatisation. On a en effet affaire exclusivement à des titres qui sont cotés sur les marchés allemands, et de manière restrictive puisque les spécialistes en valeurs du Trésor ne sont pas concernés par les interdictions éventuelles.
Il faut que nous restions dans cette logique européenne, dans un contexte franco-allemand et avec le souci d’éviter les volatilités considérables qui risquent de se produire si on s’amuse à faire cavalier seul, fût-ce après les annonces faites par l’Allemagne au mois de mai.
Donc avis défavorable à ces amendements.
M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 1 deuxième rectification, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Sur ce sujet important il faut rappeler qu’il n’y a pas, aujourd’hui, de justification aux ventes à découvert « à nu ». À l’époque où ces ventes ont été inventées, certains économistes pensaient que la spéculation pouvait être stabilisatrice et conduire à l’équilibre des marchés, mais on voit que cela n’est pas vrai. La spéculation consiste en effet à anticiper ce que vont penser les marchés demain et cela peut conduire à des situations catastrophiques totalement aberrantes et très éloignées de l’équilibre d’une parité, d’une monnaie ou d’un titre.
Il faut bien sûr interdire les ventes à découvert « à nu », parce que l’on voit bien à quoi elles servent : c’est l’instrument de spéculation par excellence. Vous vendez quelque chose que vous n’avez pas, que vous allez acheter quand cela aura baissé, c’est-à-dire quand votre vente aura fait en sorte que cela baisse. Autoriser aujourd’hui des ventes à découvert sur des titres publics alors que l’Europe connaît une crise de la dette souveraine, c’est absurde.
Je sais bien que tout le monde partage cette analyse, mais comment peut-on se contenter de dire qu’il faut lancer les choses en Europe, écrire une lettre, faire des annonces ? Les marchés ne croient pas aux annonces. Les marchés croient dans les mesures qui sont effectivement prises. Dans ce domaine, certes, l’Allemagne a fait cavalier seul, et elle aurait mieux fait de se joindre à d’autres. Mais l’avoir fait, c’est un vrai signal au marché, c’est le signal qu’il ne s’agit pas que de propositions, mais d’actes. Je continue à dire que si la France avait suivi tout de suite l’Allemagne, on aurait compris que le couple franco-allemand était en marche, que l’Europe était prête à changer les choses, et cela aurait eu de l’influence.
Se contenter d’une lettre disant que nous allons négocier, c’est exactement comme le temps qu’a mis l’Europe entre le moment où elle a décidé d’intervenir pour la Grèce et le moment où elle l’a effectivement fait. Trois mois se sont écoulés, alors que la spéculation peut changer complètement les conditions en quelques jours, voire en quelques heures, ce n’est pas un délai responsable, et il faut que nous allions beaucoup plus vite. Voter cet amendement y contribuera.
...
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°81.
Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement est relatif à un point qui a apparemment également été abordé dans le courrier d’Angela Merkel et du Président de la République : il s’agit d’interdire une autre forme de vente à découvert à nu, qui consiste à spéculer à l’aide des CDS sans avoir les titres en sa possession. Les CDS sont un facteur d’assurance, mais comme tous les facteurs d’assurance et de couverture, ils sont fréquemment utilisés pour spéculer, ce qui n’est pas leur fonction initiale. Si l’on ne dispose pas des titres en question, c’est une forme de vente à découvert qu’il faut également interdire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Je le disais tout à l’heure en citant les chiffres, il s’agit de l’un des plus caractéristiques détournements d’objet de produits financiers très utiles au marché. Mais, je le répète, et le cas allemand est très significatif, prendre une décision en sachant qu’elle n’est pas applicable dans les faits, parce que les marchés de gré à gré ne sont pas appréhendables aujourd’hui dans la connaissance du marché par les régulateurs, c’est certes intéressant mais c’est insuffisant.
C'est la raison pour laquelle le seul vrai moyen d’action, et non uniquement de communication, est l’engagement européen, et la démarche solidaire franco-allemande. Voilà la raison pour laquelle je m’inscris dans cette démarche. Certes, nous aurions pu faire une déclaration de l’Assemblée marquant notre volonté de lutter contre la spéculation. On l’a dit et redit ce soir, et c’est dans l’esprit de tous nos collègues qui sont présents, ainsi que des collègues qui n’ont malheureusement pu se joindre à nous par manque de temps ou de possibilité de le faire.
Oui, les CDS, c’est un des sujets qui nous occupent le plus. Oui, l’interdiction que les CDS puissent faire l’objet de transactions à nu, c’est essentiel. Il faut qu’un CDS soit obligatoirement associé à un titre assuré : c’est la moindre des sécurités.
Chers collègues, nous sommes déjà allés très loin dans la réduction des ventes à découvert en réduisant le délai à J +1. Nous n’avons pas parlé de cette mesure parce qu’elle a été adoptée en commission et qu’elle figure désormais dans le texte que nous examinons, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une avancée significative. C’est même un progrès considérable qui permet de réduire la partie spéculative du marché des titres actions.
Savez-vous que la moitié des transactions effectuées sur la place de Paris ne sont pas dénouées in fine ? En fait, ces transactions sont tout simplement « recédées » entre le moment où elles s’effectuent et le moment où, en principe, elles devraient être livrées et réglées. Voilà un seul chiffre marquant qui illustre bien la réalité. Il s’agit d’une forme d’animation détournée à des fins spéculatives.
La commission des finances est engagée dans une démarche de fond visant à réduire la spéculation. Cette démarche trouvera une issue très favorable grâce à l’engagement franco-allemand pris par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pour pousser l’Europe à mettre fin à la spéculation sur les marchés financiers. C’est en tout cas mon vœu le plus cher.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je crois qu’il faut utiliser certains arguments avec prudence.
C’est certainement une bonne chose d’avoir réduit de J +3 à J +1 les délais de dénouement des contrats ; toutefois je fais remarquer au rapporteur que la disposition votée ne s’appliquera qu’en France. Cela relativise l’argument de ceux qui s’opposent à l’interdiction des ventes à nu en prétendant que nous ne pouvons pas légiférer parce que la loi ne s’appliquerait qu’en France.
M. Pierre-Alain Muet. Très juste !
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Ce n’est pas du tout la même chose !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Le Parlement se contente d’interdire ce qui n’a aucune chance de se reproduire. Si nous devons interdire uniquement lorsque nous avons la certitude que nos interdits auront une efficacité absolue sans jamais souffrir aucune exception, je ne suis pas certain que nous pourrons encore le faire souvent.
Pour conclure, je précise que l’amendement n° 81 reprend les termes exacts de la première recommandation du groupe de travail bipartisan sur la régulation financière, formé entre l’Assemblée nationale et le Sénat à la suite d’un souhait exprimé par le Président de la République.
M. Jérôme Chartier, rapporteur . Je reste défavorable à l’amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 81.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29 Nombre de suffrages exprimés 28 Majorité absolue 15 Pour l’adoption 8 Contre 20 (L'amendement n° 81 n’est pas adopté.) (L'article 7 quater est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Troisième séance du jeudi 10 juin 2010
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Explications de vote
M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, mes chers collègues, à l’heure où l’Europe et la zone euro traversent une crise sans précédent de spéculation contre les dettes souveraines, où les marchés financiers ne croient plus aux annonces des gouvernements, où le Président de la République française et la chancelière allemande écrivent à la Commission européenne qu’il faut prendre une mesure forte en Europe en interdisant les ventes à découvert à nu, on retiendra que la chancelière allemande conforme ses actes à ses paroles, mais que le Président de la République s’en tient aux discours et que les actes ne suivent pas.
Certes, en France, nous le savons déjà. Mais, dans la situation que connaît aujourd’hui l’Europe, on ne pouvait adresser pire message aux marchés. Cette décision qu’ont prise le Gouvernement et sa majorité décrédibilise la parole du Président de la République et la parole de la France sur les marchés.
Bien évidemment, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)