En supprimant les prélèvements libératoires sur les intérêts et dividendes et le prélèvement forfaitaire de 19 % sur les plus-values de cession de valeurs mobilières, le projet de Loi de Finances aboutira pour la première fois dans notre pays à ce que les revenus du capital soient enfin taxés comme les revenus du travail, au barème de l'impôt sur le revenu
Cette réforme a soulevé la fronde d'entrepreneurs se déclarant "pigeons", relayée aussitôt par le MEDEF. Face à cette communication habile mais simplificatrice des soi-disant pigeons, notre réponse tient en 2 mots : justice fiscale.
La justice fiscale, c'est que chacun contribue à l'impôt en fonction de ses revenus, qu'ils viennent du travail ou du capital.
Est-il normal qu'un cadre moyen soit imposé à 30 % sur chaque euro supplémentaire à partir de 2 500 € par mois, alors que celui qui réalise une plus-value de 100 000 € en revendant les actions qu'il vient d'acquérir ne le soit qu'à 19% ? Qui sont les pigeons ?
Est-il normal qu'un retraité non imposable complétant sa modeste retraite par la revente d'une partie de ses actions paie sur la plus-value qu'il réalise le même taux - 19% - que le titulaire d'un gros portefeuille d'actions disposant d'un revenu considérable? Qui est le pigeon ?
Et que dire des salariés ? Ne sont-ils pas, dans le système actuel, les seuls vrais pigeons puisque leur travail est davantage taxé que la rente ou les revenus du capital ?
Certes, les entrepreneurs méritent d'être encouragés, y compris fiscalement lorsqu'ils créent une entreprise, mais il convient de ne pas oublier que c'est aussi le travail des salariés qui fait la richesse des entreprises.
Ne nous laissons pas abuser par un discours habile certes, mais qui prend quelques libertés avec la vérité.
Dire que la taxation des plus-values résultant de la revente d'actions d'entreprises passera de 19% à 45% (et de 34 % à 60 % quand on y incorpore les prélèvements sociaux) est tout simplement inexact. Pour les contribuables qui n'atteignent pas un taux d'imposition moyen de 19 % tous revenus confondus, ce ne sera pas une hausse mais une baisse : ils sont 57 000. Pour ceux qui ont des revenus qui les mettent au-delà de ce taux, ce sera une hausse : ils sont 75 000.
Dire que cette imposition des plus-values au barème empêcherait la création d'entreprise, c'est faire fi de toutes les exonérations qui ont été mises en place ou maintenues :
- Le dirigeant actionnaire de son entreprise qui vend ses parts au moment de partir à la retraite ne paye rien : il est totalement exonéré des plus-values.
- Le créateur d'une jeune entreprise innovante cédant ses parts est exonéré en totalité des plus-values.
- Les dirigeants actionnaires de leurs entreprises qui revendent leur part et en réinvestissent au moins 80 % dans une autre société sont totalement exonérés des plus-values.
- Enfin, pour éviter qu'une plus-value ponctuelle ne conduise à un prélèvement trop important dans la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, un système de lissage sur plusieurs années est appliqué. Et un abattement progressif selon la durée de détention conduit au bout de 12 ans à une réduction de 40 % de l'imposition des plus-values.
Certes, quelques aménagements méritaient d'être apportés, tel que le fait de faire démarrer la durée de détention des titres au moment de la création d'entreprise et non au 1er janvier 2013. Le débat parlementaire actuel vise précisément à apporter de telles améliorations.
Mais abandonner la taxation des plus-values au barème reviendrait à revenir à la situation antérieure, où les pigeons de l'impôt sur le revenu étaient en fait les salariés.
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Dans le cadre de ce débat, j'étais l'invité mercredi 10 octobre de l'émission « Le Téléphone Sonne » sur France Inter, aux côtés d'Etienne Bernard du Medef et d'Olivier Mathiot, porte-parole du mouvement des pigeons.