Retrouvez ci-dessous la vidéo et le texte intégral de mon intervention à la tribune de l'Assemblée sur le budget. Un budget qui vise à corriger dix années de dérive financière tout en préservant les moteurs de la reprise que sont l'emploi et la consommation, et qui comporte en outre l'une des plus importantes réformes fiscales de ces dernières années.
Pierre Alain Muet, intervention du 17 octobre sur le budget par pamuet
M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la première vertu de ce budget, c'est de commencer à corriger dix années de dérive financière.
Dix années qui ont vu la dette de notre pays doubler, c'est-à-dire qu'en dix ans, les gouvernements de droite qui se sont succédé ont accumulé autant de dette que tous les gouvernements qui les ont précédés dans l'Histoire ;
Dix années qui ont vu notre excédent extérieur fondre et notre déficit se creuser tous les ans à partir de 2004 pour atteindre le montant abyssal de 74 milliards d'euros ;
Dix années qui ont vu les inégalités s'accroître au même rythme que les déficits, en raison des cadeaux fiscaux faits aux plus fortunés ;
Dix années qui ont vu le chômage exploser dans notre pays quand il baissait en Allemagne qui connaissait pourtant le même taux de chômage que nous avant la crise.
M. Philippe Le Ray. On verra où vous en serez dans un an !
M. Pierre-Alain Muet. Redresser notre pays exige certes de réduire tous ces déficits, mais il faut le faire de façon ordonnée, sélective et adaptée à la situation conjoncturelle. C'est cette voie étroite, difficile, courageuse que trace ce budget.
Monsieur le ministre, le projet de loi de finances a deux vertus.
Tout d'abord, il réduit la dette en préservant les moteurs de la reprise que sont l'emploi et la consommation. Ensuite, il réalise la plus importante réforme de la fiscalité faite depuis longtemps.
Le Gouvernement a raison de tenir l'objectif de 3 % de déficit non seulement parce qu'il s'agit d'un engagement européen, mais aussi, parce qu'il s'agit du seuil de déficit qui permet d'arrêter l'explosion de la dette et de commencer à la réduire.
Préserver la croissance dans la conjoncture actuelle marquée par une stagnation de la demande et par un excédent considérable des capacités de production, c'est ne rien faire qui puisse peser sur la consommation des ménages. C'est pour cette raison que nous avons supprimé la TVA dite sociale non parce qu'il s'agissait de TVA – encore que cela le justifie en partie –, mais surtout parce qu'il s'agissait d'un transfert d'impôts des entreprises vers les ménages, qui aurait enfoncé notre économie dans la récession. Et ce qui était vrai en juillet le reste aujourd'hui.
Ce budget réduit les dépenses de 10 milliards d'euros, non par des mesures aveugles d'austérité, par un rabot uniforme qui fut l'instrument utilisé pendant des années, ni par des coupes brutales dans les dépenses. Il le fait par une politique sélective supprimant des dépenses inefficaces tout en affirmant trois priorités : l'emploi, l'éducation et le logement.
L'emploi est bien une priorité dans la conjoncture actuelle, et je salue un budget qui non seulement maintient les crédits de la politique de l'emploi, mais qui crée 100 000 emplois d'avenir pour l'année 2013. Ainsi, il soutient la croissance en répondant à la fois à une urgence sociale et à une urgence économique. Parce qu'en créant un emploi d'avenir on donne un revenu durable à un jeune et on redonne confiance à la jeunesse et aux familles.
M. Jean-Marc Germain. C'est très vrai !
M. Pierre-Alain Muet. Du côté des recettes, je relève que ce budget ne propose aucune hausse générale d'impôts, que ce soit sur les ménages ou sur les entreprises.
M. Charles de Courson. 28 milliards, ce n'est pas rien !
M. Pierre-Alain Muet. En revanche, il supprime des niches injustes et inefficaces. Il rétablit aussi, j'allais dire « enfin », la progressivité de l'impôt sur le revenu. Il corrige les grandes inégalités devant l'impôt, caractéristiques de notre fiscalité : celle qui existe entre les grandes entreprises et les plus petites, celle entre les fiscalités du travail et du capital. En faisant porter l'effort sur les revenus les plus élevés, il rétablit la justice fiscale tout en préservant la consommation et la croissance.
Seconde vertu de ce budget : il comporte l'une des plus importantes réformes fiscales réalisées ces dernières années.
Notre fiscalité est à la fois opaque et injuste. Elle est opaque parce qu'elle est truffée de niches fiscales – dont nous avons beaucoup parlé dans cet hémicycle – avec, en conséquence, des taux d'imposition affichés qui ne correspondent pas du tout à la réalité de l'imposition.
M. Philippe Vigier. C'est vrai !
M. Charles de Courson. Mais quelles mesures prenez-vous pour y remédier ?
M. Pierre-Alain Muet. Notre fiscalité est injuste parce ces niches concernent, pour l'essentiel, l'épargne ou les relations entre les grandes entreprises et leurs filiales, de sorte que ceux qui en bénéficient sont les personnes qui ont les revenus les plus élevés et les entreprises les plus grosses.
M. Charles de Courson. Que faites-vous donc contre cela ?
M. Pierre-Alain Muet. Notre fiscalité est injuste, enfin, parce que la progressivité de l'impôt sur le revenu ne concerne que les revenus du travail.
Nous savons tous parfaitement ce qui résulte de ce mitage et de ces injustices : si l'impôt sur le revenu est bien progressif quand le revenu des salariés augmente, il n'en est plus de même quand on atteint de très hauts niveaux constitués de revenus du capital. Le taux d'imposition effectif est alors en baisse. Le paradoxe est que les dix plus gros contribuables du pays sont ainsi soumis à un taux moyen d'imposition qui n'est guère supérieur à 20 %, ce qui est tout de même très éloigné des taux marginaux que nous votons.
La situation est identique pour les entreprises, qui devraient toutes être assujetties à un taux d'impôt sur les sociétés de 33 %. Or nous savons bien que si cela se vérifie pour les PME, il n'en est rien pour les grandes entreprises : celles de plus de 2 000 salariés ont un taux moyen d'imposition de 12 % et celles appartenant au CAC 40 de 8 %. Quand au deux plus grandes d'entre elles, dans les faits, elles ne sont pas imposées au titre de l'impôt sur les sociétés.
En supprimant les prélèvements libératoires sur les intérêts et dividendes et le prélèvement forfaitaire sur les plus-values de cession de valeurs mobilières, le projet de loi de finances aboutira pour la première fois dans notre pays à ce que les revenus du capital soient enfin taxés comme les revenus du travail au barème de l'impôt sur le revenu.
Cette réforme des plus-values a soulevé la fronde d'entrepreneurs se déclarant « pigeons », relayée aussitôt par le MEDEF. Il s'agit là d'une communication habile, mais qui prend toutefois quelques arrangements avec la vérité.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. Pierre-Alain Muet. Trouvez-vous normal, chers collègues, qu'un cadre moyen soit imposé à 30 % sur chaque euro supplémentaire à partir de 2 500 euros par mois, alors que celui qui réalise une plus-value considérable ne sera imposé qu'à 19 %, quel que soit le montant considéré ? Certains peuvent trouver cela juste ; nous, nous disons que c'est injuste, et nous allons corriger cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Eckert,rapporteur général. Très bien !
M. Pierre-Alain Muet. Chers collègues, trouvez-vous normal qu'un retraité non imposable complétant sa modeste retraite par la vente d'une partie de ses actions paie sur la plus-value qu'il réalise le même taux de 19 % que le titulaire d'un gros portefeuille d'actions disposant d'un revenu considérable – alors même que l'opération effectuée par ce retraité, soumise au barème de l'impôt sur le revenu comme nous le proposons, aurait des chances de ne pas être imposée ? Certains trouvent cela juste ; nous, nous considérons que c'est injuste et nous réformerons cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La justice fiscale, c'est que chacun contribue à l'impôt en fonction de ses revenus, qu'ils proviennent du travail ou du capital.
Dire que la taxation des plus-values augmente la pression fiscale est inexact. Pour les contribuables qui n'atteignent pas un taux d'imposition moyen de 19 %, correspondant au prélèvement forfaitaire, ce ne sera pas une hausse, mais une baisse : ils sont 57 000. Pour ceux qui ont des revenus qui les mettent au-delà de ce taux, ce sera une hausse, une hausse naturelle s'inscrivant dans le barème de l'impôt sur le revenu :...
M. Jean-Marc Germain. Un retour à la normale !
M. Pierre-Alain Muet. ...ils sont 75 000.
Dire que l'imposition des plus-values au barème empêcherait la création d'entreprise, c'est oublier toutes les exonérations qui ont été mises en place ou maintenues : le dirigeant actionnaire de son entreprise qui vend ses parts au moment de partir à la retraite reste totalement exonéré ; le créateur d'une jeune entreprise innovante cédant ses parts est exonéré en totalité sur sa plus-value ; le dirigeant actionnaire de son entreprise qui revend ses parts pour réinvestir dans une autre société et qui continue à être chef d'entreprise, c'est-à-dire à créer et à diriger une entreprise, est totalement exonéré.
Par ailleurs, un système de lissage sur plusieurs années est appliqué auquel s'ajoute un abattement en fonction de la durée de détention. Certes, des aménagements méritent d'être apportés, par exemple en faisant démarrer la durée de détention des titres au moment de la création d'entreprise, ou encore en ajustant le profil des abattements. Mais revenir en arrière en abandonnant la taxation des plus-values au barème, ce serait perpétuer la situation qui voit les salariés supporter l'essentiel de l'impôt.
Ce budget est remarquablement construit, pertinent, juste et bien calibré. Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi d'exprimer un regret : j'aurais aimé que le budget de la culture soit mieux préservé. (Murmures sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Et si je comprends que certains de nos collègues souhaitent intégrer les œuvres d'art dans l'ISF, j'y suis pour ma part opposé, car le signal serait profondément négatif pour un bénéfice insignifiant. (Mêmes mouvements.)
En conclusion, le groupe socialiste votera un budget marqué par le courage, la justice et l'efficacité économique. Il faut le répéter : dans la situation conjoncturelle de notre pays, la justice fiscale se conjugue parfaitement avec l'efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)