Préserver la croissance dans la conjoncture actuelle marquée par une stagnation de la demande et une sous-utilisation massive des capacités de production, c'est ne rien faire qui puisse nuire à la consommation des ménages. Le PLF pour 2013 a une cohérence : il réduit le déficit sans peser sur la consommation. S'engager dans un soi-disant choc de compétitivité remettrait en cause cette cohérence avec le risque de plonger notre économie dans la récession. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons supprimé en juillet la TVA sociale qui devait prendre effet au 1er octobre.
Dans ce contexte en effet, transférer des cotisations patronales sur les ménages via la CSG ou la TVA exercerait un choc dépressif à court terme sur la consommation et la croissance, pour un gain incertain à moyen terme et inexistant à long terme. Cela pour plusieurs raisons, comme je l'explique dans la suite de cette note.
Ce n'est pas le montant du salaire qui mesure la compétitivité, mais son rapport à la productivité du travail : même avec un salaire 2 fois supérieur à celui d'un autre pays, le coût du travail reste parfaitement compétitif si la productivité est 2 fois supérieure. Dans l'histoire, ce n'est pas la baisse du coût salarial, mais la hausse continue de la productivité du travail qui a fait la compétitivité et le développement économique des grandes nations.
Que viennent faire les cotisations sociales dans ce débat ? Elles étaient les mêmes qu'aujourd'hui quand, avant 2003, la France avait un excédent extérieur compris entre 1 et 2 % du PIB. Le transfert des cotisations patronales sur les ménages n'est en réalité - comme une dévaluation - que le cache sexe d'une baisse de salaire.
Pour avoir souvent dans le passé rétabli notre compétitivité par la facilité des dévaluations - qui ne sont rien d'autre qu'une dévalorisation du prix du travail - nous avons fini par nous spécialiser dans des secteurs où la concurrence avec des pays à bas salaire reste forte, là ou d'autres (l'Allemagne notamment) sont au contraire montés en gamme. Poursuivre dans cette voie sous une autre forme n'est pas la meilleure façon de construire une compétitivité durable.
Ce n'est pas d'un ajustement par le bas – comparable aux politiques de déflation des années 30 - dont notre économie et l'Europe ont besoin aujourd'hui, mais d'un ajustement par le haut, par l'investissement, l'innovation et la montée en gamme de nos produits. Si un allègement de la fiscalité des entreprises a un sens dans la conjoncture actuelle, c'est par le biais d'une déduction fiscale ou une modulation de l'IS favorisant l'investissement. Ce serait doublement bénéfique : à court terme sur la demande dont l'investissement est l'autre composante, à long terme sur la productivité et la compétitivité.
Quels transferts peuvent-être envisagés sans nuire à la croissance ?
Transférer des cotisations salariales sur la CSG, est en revanche compatible avec la situation conjoncturelle, puisque c'est un transfert de revenu au sein des ménages. Mais en matière de cotisations salariales, il ne reste pour l'essentiel que des cotisations assurantielles (chômage et vieillesse) et seulement ¾ de point de cotisations universelles (maladie). En outre, cela n'agit pas sur la compétitivité.
Enfin si, comme on peut l'espérer, on augmente de façon régulière la fiscalité écologique (y compris une contribution climat-énergie pour lutter contre le réchauffement climatique), on peut compenser la montée en puissance de la fiscalité écologique sur les entreprises par des allègements de cotisations patronales. Ce transfert, qui reste au sein des entreprises, est source de bonne compétitivité favorisant l'innovation dans une économie verte et allégeant le coût du travail en contrepartie.
En résumé, on peut transférer des cotisations sur l'impôt sans nuire à la croissance dans la conjoncture actuelle, à condition de le faire de façon étanche au sein des Entreprises ou au sein des Ménages et en évitant tout transfert de l'un vers l'autre.