Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est soumis au vote du Parlement par un amendement au collectif budgétaire de fin d'année, discuté en commission des Finances puis en séance dès ce lundi 3 décembre.
Contrairement à la proposition du Rapport Gallois d'un allégement de cotisations sociales transféré sur la CSG ou la TVA, à laquelle je me suis opposé car il aurait eu un effet dépressif sur la consommation des ménages et la croissance en 2013, le Crédit d'impôt à un double avantage :
- Il impulse l'investissement en 2013 sans peser sur la consommation des ménages, en raison de son financement différé en 2014,
- Sa traçabilité permet d'en contrôler l'utilisation et la gouvernance,
Conformément aux réflexions du groupe de travail sur les contreparties du CICE que j'ai animé au sein du groupe socialiste, plusieurs amendements ont été présentés pour permettre à la négociation sociale de jouer son rôle dans le contrôle et la gouvernance du CICE. Fruits d'une longue négociation entre le gouvernement et le groupe socialiste, ils ont été adoptés en commission mercredi 28 Novembre et sont exposés dans la suite de cette note. J'ai également répondu lors de la matinale de BFM-Business aux questions de Grégoire Favet.
"Amendement sur le Crédit d'Impôt" - Pierre-Alain MUET sur BFM Business
Un crédit d'impôt qui ne pèse pas sur la consommation...
Un allègement de cotisation financé par la CSG ou la TVA tel que proposé par le rapport Gallois aurait certes desserré la contrainte financière des entreprises, mais en pesant immédiatement sur le revenu et la consommation des Ménages il aurait eu un impact fortement dépressif dans une situation actuelle où la faiblesse de la consommation limite la demande adressé aux entreprises. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons annulé la TVA sociale qui serait intervenue en octobre de cette année. Le crédit d'impôt est au contraire bien adapté à la situation conjoncturelle puisqu'il entre dans la comptabilité des entreprises dès 2013 et permet donc aux entreprises d'investir en 2013, mais son financement (et donc la contrepartie sous forme de modulation de la TVA et de réduction supplémentaire des dépenses) n'intervient qu'en 2014, de sorte qu'il préserve la demande de ménages et les débouchés des entreprises.
... et dont l'utilisation peut faire l'objet d'un suivi par les partenaires sociaux
Contrairement à un allègement de cotisation qui ne peut pas être retracé dans les comptes de l'entreprise, le montant du crédit d'impôt (égal à 6 % de la masse salariale jusqu'à 2,5 Smic) est connu lors de sa déduction de l'IS. Il peut donc, soit être soumis à des conditions « ex-ante », soit être soumis à un contrôle des partenaires sociaux « ex-post ». C'est ce choix pertinent de gouvernance par la négociation sociale qu'a fait le Gouvernement. Ce choix donne ainsi à la négociation sociale un rôle décisif et il est mieux adapté à la réalité de chaque entreprise que des conditions fixées a priori dans la Loi. On aurait pu en effet par exemple fixer dans la Loi l'obligation de ne pas réduire l'emploi ou la masse salariale, mais serait-il pertinent d'exclure du CICE une entreprise en difficulté obligée de mettre en place un plan social ? Evidemment non. C'est pourquoi le contrôle par les partenaires sociaux de la bonne utilisation du CICE est la méthode la plus efficace. En cela c'est une vraie révolution copernicienne dans la politique économique de notre pays.
Dans ce contexte, le groupe de travail que j'ai animé a proposé plusieurs amendements pour que le législateur précise l'objectif du crédit d'impôt et la mise en oeuvre de sa gouvernance par les partenaires sociaux.
Le premier énonce que le crédit d'impôt « a pour objet le financement de l'amélioration de la compétitivité des entreprises, à travers notamment des efforts d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, d'embauche, de conquête de nouveaux marchés ou la reconstitution de fonds de roulement ». Le second énonce que le crédit d'impôt ne peut être utilisé pour accroitre la part des bénéfices distribués ou augmenter les rémunérations des dirigeants.
Les amendements suivants précisent le rôle de la négociation et de la Loi dans la mise en œuvre de la gouvernance du CICE par les partenaires sociaux et la transparence dans l'utilisation et le suivi du CICE. « Après concertation avec les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national, une loi peut fixer les conditions d'information des institutions représentatives du personnel ainsi que les modalités du contrôle par les partenaires sociaux de l'utilisation du crédit d'impôt afin que celui-ci puisse concourir effectivement à l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise ». Un comité de suivi placé auprès du Premier ministre et composé pour moitié de représentants des partenaires sociaux et pour moitié de représentants de l'administration est chargé de veiller au suivi et à l'évaluation du CICE, ainsi que des comités de suivi régionaux de composition identique. Enfin l'entreprise retrace dans ses comptes annuels l'utilisation du CICE conformément aux objectifs définis précédemment.
Un dernier amendement élargit les conditions d'accès au crédit d'impôt (prise en compte de la taxe sur les salaires) pour mettre sur un pied d'égalité les associations et autres organismes non lucratifsqui n'en bénéficieraient pas (établissements de santé par exemple) alors qu'elles sont en concurrence avec des entreprises soumises à l'IS.
La politique économique du gouvernement est bien adaptée la situation conjoncturelle de l'année 2013 marquée à la fois par un déficit massif de demande et un défaut d'offre compétitive. Il est rare en effet que les deux coexistent simultanément. Il est encore plus rare d'avoir à les résoudre alors que la réduction de la dette appelle celle, rapide, des déficits publics. Le Projet de Loi de Finances pour 2013 s'attaque à la dette et au chômage en réduisant le déficit sans peser sur la consommation des ménages et privilégiant simultanément l'emploi. Le CICE favorise l'investissement, l'emploi et la compétitivité dès 2013, sans affecter la consommation de cette même année. C'est une politique cohérente qui permet à terme de réduire les 4 déficits qui caractérisent notre pays : la dette, le chômage, le déficit de croissance et de compétitivité.