La fin du Marathon budgétaire

20
Déc
2012

Le terme de Marathon budgétaire aura pris tout son sens en cette fin d'année. En raison du rejet par le Sénat du projet de Budget pour 2013, de la Loi de Programmation des finances publiques 2013-2017 et du collectif budgétaire de fin d'année adoptés en première lecture respectivement les 20 novembre et 11 décembre par l'Assemblée, les 3 textes sont revenus en 2ème lecture à l'Assemblée du 13 au 18 décembre. Après un nouveau rejet des textes au Sénat, l'adoption définitive par l'Assemblée s'est tenue dans la soirée 19 décembre pour le collectif budgétaire et la matinée du jeudi 20 décembre pour le Budget 2013 et la Loi de programmation  des finances publiques.

Ce fut l'occasion lors des explications de vote du groupe socialiste, d'insister sur la cohérence de la politique conduite depuis 6 mois,  réduisant le déficit et soutenant l'emploi dans le budget et favorisant l'investissement, l'emploi et la compétitivité avec le Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi (CICE) dans le collectif budgétaire. C'est cette politique cohérente qui permettra à notre pays de sortir rapidement de la spirale de la dette, de la désindustrialisation et du chômage qui a marqué la mandature précédente et de tracer le chemin de la croissance de l'emploi et de la justice fiscale.

Ces lectures définitives ont permis également de rappeler la position adoptée sur ma proposition par le groupe socialiste et acceptée par le gouvernement de revoir les périmètres respectifs des 3 taux de TVA (5, 10 et 20 %) et de la fiscalité écologique finançant le CICE de façon à augmenter la part de la fiscalité écologique et à réduire celle de la TVA (notamment en passant un certain nombre de produits au taux minimum à 5 %), tout en respectant le montant global de 10 milliards.

Dans la vidéo ci-après, une brève mise en perspective de la politique économique du gouvernement en réponse à la motion de rejet de l'opposition le 18 décembre et dans la suite de cette note, mes explications de vote du groupe socialiste sur le collectif budgétaire le 19 décembre et le budget le 20 décembre.

 


"La cohérence de la politique économique du gouvernement par pamuet

Explication de vote du groupe SRC lors de la lecture définitive du Collectif budgetaire, 19 décembre 2012

Mme laprésidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif budgétaire confirme une fois de plus les propos que nous tenions dans l'opposition. Le président de la commission des finances disait alors : la réduction des déficits n'est pas une affaire de règle mais une affaire de volonté politique.

Si le déficit est conforme aux prévisions – 4,5 % du PIB – c'est parce que dès le mois de juillet, dès les premières mesures du premier collectif budgétaire, le Gouvernement a fait les efforts nécessaires pour atteindre cet objectif.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien !

M. Pierre-Alain Muet. Le risque de dérapage estimé à 2 milliards d'euros par la Cour des comptes s'est avéré : il a atteint 2,1 milliards d'euros. Malgré cela, le déficit a été ramené dans l'épure, grâce aux mesures qui ont été prises.

La deuxième qualité de ce collectif budgétaire est de comporter de nombreuses mesures de lutte contre la fraude fiscale dont nous avons beaucoup parlé sur ces bancs.

Surtout, il va marquer enfin un changement dans la politique de notre pays. Rappelons que la balance commerciale de la France était excédentaire de 10 à 20 milliards d'euros par an jusqu'en 2003 et que, depuis cette date, son déficit se creuse et va atteindre le record de 75 milliards d'euros. Au cours de cette période, hormis à la veille des élections, je n'ai pas vu une seule mesure de redressement de la compétitivité de la France.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, qui s'inscrit dans le pacte de compétitivité présenté par le Gouvernement, apporte le souffle nécessaire pour que l'investissement redémarre sans peser sur la croissance de l'année 2013. En effet, les entreprises vont pouvoir commencer à investir dans ce cadre fiscal, mais le financement du crédit d'impôt n'interviendra qu'en 2014.

Deuxième avantage du CICE : sa traçabilité permet un contrôle. Le Gouvernement a fait en sorte – choix judicieux et important – que les partenaires sociaux se saisissent du contrôle et de la gouvernance de ce crédit d'impôt.

S'inscrivant dans cette logique, le groupe socialiste a proposé une série d'amendements visant à donner des lignes directrices pour la négociation sociale, concernant l'objet du CICE. Celui-ci doit favoriser l'investissement, la recherche, l'innovation, l'embauche et la conquête de nouveau marchés ; il n'est pas fait pour augmenter les dividendes ou la rémunération des dirigeants.

Outre ce dispositif de contrôle, le collectif budgétaire institue un système d'évaluation qui permettra aux partenaires sociaux de se saisir pleinement de ce sujet et de transcrire les règles de la gouvernance de ce crédit d'impôt dans la loi qui va intervenir en janvier.

Le financement de cette mesure sera assuré par la TVA – dont les taux sont fixés à 5 %, 10 % et 20 % – et la fiscalité écologique à hauteur de 10 milliards d'euros, et je remercie le Gouvernement d'avoir accepté que le partage entre ces deux ressources puisse être modifié. La majorité a bien l'intention de travailler sur ce sujet car la France doit faire un effort supplémentaire pour rattraper son retard en matière de fiscalité écologique. Une telle modification permettra d'alléger la part de la TVA, en tout cas d'avoir un taux à 5 % qui pourra inclure de nombreuses demandes qui ont été formulées sur ces bancs.

Je voudrais m'associer aux remerciements adressés par le rapporteur général à la présidence et aux personnels de cette assemblée qui font toujours un travail remarquable. Je voudrais aussi vous remercier tout particulièrement, monsieur le ministre, car la qualité de nos débats vous doit beaucoup : vous êtes toujours présent, vous intervenez toujours avec le talent...

M. Dominique Baert. Remarquable !

M. Pierre-Alain Muet. ...que l'on vous connaît pour répondre à toutes les questions, aussi bien celles de la majorité que celles de l'opposition. C'est une qualité rare qu'il faut saluer : merci ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. Merci, monsieur Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je n'ai pas tout à fait terminé, madame la présidente.

C'est cette politique cohérente qui permettra à notre pays de sortir rapidement de la spirale de la dette, de la désindustrialisation et du chômage. Comme je l'ai dit hier soir – et ma collègue Karine Berger y reviendra dans son intervention – le taux de croissance de 0,8 % qui est affiché pour l'année 2013 peut être atteint, voire dépassé.

Ce collectif budgétaire comme le projet de loi de finances trace réellement le chemin de la croissance, de l'emploi et de la justice fiscale dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Explication de vote du  groupe SRC lors de la lecture définitive du Budget pour 2013 ; Jeudi 20 décembre 2012

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au terme de ce long débat commencé au mois d'octobre, je voudrais tout d'abord remercier la présidence et les services de l'Assemblée, en particulier ceux de la commission des finances, pour le remarquable travail qu'ils ont fait.

Je veux aussi remercier le rapporteur général et le ministre. La présence, la solidité du rapporteur général,...

M. Dominique Baert. C'est un roc !

M. Pierre-Alain Muet. ...sa pédagogie, le fait qu'il réponde à chacune des questions de façon détaillée ont contribué à la qualité du débat.

J'adresse le même remerciement au ministre, parce que, très souvent, les ministres du budget se contentent de dire qu'ils sont du même avis que le rapporteur général.

M. Dominique Baert. Cela n'a pas toujours été le cas.

M. Pierre-Alain Muet. Jérôme Cahuzac, sur tous les sujets, a toujours explicité la position du Gouvernement, et ce dialogue fructueux a beaucoup contribué à la qualité de nos débats.

J'en viens au fond. Ce budget a une première vertu : il corrige dix années de dérive budgétaire, dix années qui ont vu la dette de notre pays doubler, qui ont vu les gouvernements qui se sont succédé accumuler autant de dettes que tous ceux qui les ont précédés. J'entendais M. Mariton dire : « Si un retournement se produisait, que feriez-vous ? » Mais j'ai quand même un souvenir : la France et l'Allemagne avaient le même déficit vers 2005. C'était un déficit excessif, supérieur à 3 % du PIB. L'Allemagne, dans la période de croissance qui a précédé la crise, a ramené son déficit à zéro ; la France est restée en déficit excessif et même en déficit structurel excessif, de sorte qu'elle a abordé la crise dans une situation telle que notre dette a explosé.

Eh bien, nous faisons le contraire, parce que la qualité de ce budget c'est effectivement le redressement de nos finances publiques.

Dix années qui ont vu aussi les inégalités exploser, en raison notamment des cadeaux fiscaux qui ont été faits, tout au long de ces années, pour l'essentiel aux Français les plus fortunés, et qui nous conduisent aujourd'hui à remettre de l'égalité dans notre fiscalité.

Dix années qui ont vu notre déficit extérieur se creuser : nous avions un excédent de 10 à 20 milliards jusqu'en 2003, et à partir de 2003 le déficit n'a cessé de se creuser, pour atteindre 75 milliards d'euros. Voilà dans quel contexte s'inscrit ce budget.

Réduire le déficit, redresser notre pays, c'est évidemment s'attaquer à tous ces déficits : le déficit des finances publiques, le déficit d'emplois c'est-à-dire le chômage, le déficit du commerce extérieur.

S'agissant du chômage, là encore je rappelle qu'avant la crise, à l'été 2008, France et Allemagne avaient le même taux de chômage : 7,5 % dans nos deux pays. Le nôtre a continuellement augmenté, il est à plus de 10 % aujourd'hui ; l'Allemagne est à 6 %, tout simplement parce qu'elle a appliqué une politique cohérente, réduisant le temps de travail quand c'était nécessaire, utilisant massivement le travail court – Kurzarbeit – pour préserver l'emploi, quand la France subventionnait par exemple les heures supplémentaires.

Si nous en sommes là, s'il faut ce budget de redressement de 30 milliards d'euros, c'est en grande partie l'héritage de la politique antérieure.

Alors, j'en viens à ce budget. Dans la situation difficile de nos finances publiques, nous sommes confrontés à la nécessité, bien sûr, de réduire le déficit, mais aussi de ne pas peser sur la demande, parce que la raison pour laquelle la croissance est aussi faible aujourd'hui, en France comme en Europe, c'est essentiellement un déficit de demande, qu'atteste le niveau très élevé des taux de sous-utilisation des capacités de production.

Mme Karine Berger. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Et cela se conjugue à un problème d'offre compétitive. Il est rare d'avoir à résoudre à la fois un déficit de demande et un problème d'offre compétitive, et il faut le faire de façon cohérente, fine, subtile : c'est ce que fait ce budget.

Il réduit le déficit sans peser sur la croissance. Il réduit les dépenses publiques de 10 milliards d'euros, pas du tout par des coupes systématiques, par un coup de rabot comme on l'a entendu autrefois, par la réduction de tous les budgets : non, il le fait de façon sélective, en préservant trois budgets essentiels, l'emploi, le logement, et j'aurais aimé aussi la culture...

Mme Karine Berger. C'est l'éducation qui a été choisie !

M. Pierre-Alain Muet. Merci, mais les deux vont ensemble. J'aurais aimé qu'il préserve aussi la culture, mais ce sera sans doute le cas des budgets des années suivantes.

Il le fait du côté des recettes, en ne pratiquant pas de hausse générale des impôts, mais au contraire par la suppression de niches injustes et inefficaces. Il rétablit la progressivité de notre impôt. Il corrige des inégalités, par exemple entre les grandes sociétés et les petites : non qu'on souhaite faire reposer la fiscalité sur les grandes entreprises, mais quand on analyse notre fiscalité des entreprises, on s'aperçoit que le taux de 33 % est effectivement payé par les PME, qui n'utilisent pas de niches fiscales, mais pas par les grandes entreprises. On sait très bien que, pour les entreprises du CAC 40, c'était 8 %, et que pour les deux plus grandes c'est zéro. Il était donc nécessaire de corriger cela. C'est ce que fait ce budget, en réduisant des niches connues, comme la niche Copé ou d'autres, comme celle qui permettait de déduire tous les intérêts d'emprunt du bénéfice imposable, ce qui est un écart important par rapport à nos voisins allemands, qui plafonnent.

Cette réforme fiscale introduit aussi un changement fondamental dans notre fiscalité, puisque – et je pense que c'est ce qui restera à long terme –, pour la première fois les revenus du capital seront enfin taxés comme les revenus du travail. En supprimant le prélèvement libératoire sur les intérêts et dividendes, en supprimant le prélèvement forfaitaire sur les plus-values, ce budget aboutira pour la première fois à ce que les revenus du capital soient taxés comme les revenus du travail, ce qui est au fond la définition de la justice fiscale.

Évidemment, le débat s'est beaucoup développé sur les plus-values, et je rappelle que, dans le projet initial du Gouvernement, tout ce qui préservait l'entreprenariat était pris en compte. Dans le projet final, nous préserverons encore mieux l'entreprenariat, puisque des ajustements qui méritaient d'être faits l'ont été, de sorte que la taxation des plus-values, pour l'essentiel, concerne les plus-values de la rente, si je peux dire, et non pas les plus-values de l'entreprenariat. C'est profondément juste, parce que qui peut trouver normal qu'un retraité qui complète sa modeste retraite par la vente d'une partie de son portefeuille d'actions, chaque mois, soit taxé à 19 % sur ses plus-values alors qu'il n'est pas imposable ? Dans le nouveau système, ce retraité, s'il est non imposable, restera non imposable : nous, nous disons que c'est la justice fiscale.

Et puis, quand un cadre supérieur, ou un cadre moyen, à partir de 2 500 euros paie 30 % sur chaque euro supplémentaire, puisqu'il est au barème de l'impôt sur le revenu, alors que quelqu'un qui dispose d'une grande fortune et qui vend des actions pour un montant considérable n'est imposé qu'à 19 %, certains peuvent trouver que c'est juste ; nous, nous disons : « c'est injuste », et ce budget corrige cela. Il remet donc de la justice fiscale.

Justice fiscale, préservation de la croissance : ce sont les deux qualités de ce budget.

Je voudrais dire un mot de la croissance. J'ai entendu nos collègues de l'opposition dire : « votre budget est insincère, parce que 0,8 % de croissance, cela ne se produira pas. » Quand le budget a été construit, c'était complètement adapté à la situation européenne, mais l'on a vu se dégrader la situation européenne et donc la situation de l'ensemble de nos partenaires au cours de ces derniers mois. Ce qui pouvait conduire à dire qu'il serait difficile d'atteindre 0,8 %. Mais il y a des choses qu'il ne faut pas oublier : quand la situation économique se dégrade, cela entraîne en général une baisse des prix des matières premières, une baisse des prix des produits importés, qui compense en partie, mais avec un décalage, la dégradation de la situation. Quand on regarde l'environnement international potentiel pour les années qui viennent, il est à peu près comparable à celui dans lequel a été construit ce budget. C'est pour cela que je dis aujourd'hui que ce chiffre de 0,8 % de croissance est possible et cohérent, pas pour les mêmes raisons qu'il y a quatre mois, parce que la croissance européenne est plus faible, mais parce qu'il y a une compensation du côté de l'environnement international : on voit qu'il y a une baisse de l'inflation, qui va redonner du pouvoir d'achat ; donc je pense que la question de la sincérité, sur laquelle il faut toujours être prudent, n'est pas pertinente.

M. Philippe Vigier. Nous verrons !

M. Pierre-Alain Muet. Nous verrons, vous avez raison.

Je termine, madame la présidente. Le redressement des comptes publics, le soutien à l'emploi et donc au pouvoir d'achat, la justice fiscale, c'est ce qui caractérise ce budget. Et puisque nous avons un maître mot pour décrire notre politique économique, « le redressement dans la justice », je dirai que s'il y a un texte auquel on peut parfaitement l'appliquer, c'est bien ce budget, que le groupe SRC votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)