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Pourquoi j'ai décidé de m'abstenir sur le programme de stabilité

29
Avr
2014

J'ai écouté le Premier ministre et reconnais qu'il y a des avancées - modestes - sur le pouvoir d'achat des petites retraites et le maintien du plan de lutte contre la pauvreté. Mais l'économiste que je suis reste en désaccord avec la nouvelle orientation de politique économique que traduit ce programme de stabilité.

Ce désaccord ne porte pas sur la nécessaire réduction des déficits ; j'y souscris ! Mais est-il raisonnable de programmer 41 milliards d'allégements fiscaux sur les entreprises quand nous devons donner priorité à la réduction des déficits ? On peut demander des efforts importants à nos concitoyens quand il s'agit de réduire le déficit et d'arrêter l'hémorragie de la dette. Mais quand ces efforts servent à financer une autre forme de dépense - fiscale cette fois - cela me parait plus discutable. Car les 50 milliards de réduction des dépenses publiques vont servir en grande partie à financer les nouveaux allégements.

Pour les entreprises très fortement impliquées dans l'échange international, un allégement de fiscalité peut conduire assez rapidement à une hausse de l'emploi et de l'investissement, en raison des gains de compétitivité qui en résultent. Mais moins du tiers des allégements concernent les entreprises industrielles. Quant à la grande majorité des autres, elles n'augmenteront l'investissement et l'emploi que si les perspectives de demande s'améliorent. Au moment où l'économie sort péniblement de 3 ans de récession due à l'effondrement de la demande, l'effet dépressif rapide des réductions de dépenses risque de peser sur la reprise.

Mais c'est surtout un tout autre univers politique que dessine ce programme de stabilité. Le chiffrage des 60 propositions de François Hollande sur lequel nous avons été élus représentait « 20 milliards d'euros à l'horizon 2017 ». Certes, il manquait dans le programme présidentiel des mesures sur la compétitivité et elles sont nécessaires, mais est-il raisonnable qu'elles soient presque deux fois supérieures au coût des 60 engagements du Président, au point de bouleverser complètement l'équilibre de notre programme et de devenir l'alpha et l'oméga de la politique économique du gouvernement ? Je ne le pense pas.

Mon abstention n'est pas un vote de défiance à l'égard du Premier ministre ; j'ai voté la confiance sans hésiter et si pour la première fois je n'apporte pas mon suffrage au gouvernement issu de la majorité à laquelle j'appartiens, c'est dans l'espoir de continuer à l'infléchir pour mieux répondre à ce qui reste notre engagement à tous : le redressement dans la justice.