La rapporteure générale du budget présente dans les pages 12 et 29 de son rapport les simulations (faites par la Direction Générale du Trésor et des Finances publiques du Ministère des Finances) de l'impact du pacte de responsabilité et de sa contrepartie, les 50 milliards de réduction des dépenses publiques. Alors que le ministre des Finances ne cesse de répéter que ce pacte va créer des emplois et accélérer la croissance, c'est l'inverse que démontrent les simulations :
- les 21 milliards d'allègements supplémentaires du pacte de responsabilité et de solidarité augmenteraient l'emploi de 40 000 en 2015 et 190 000 en 2017, l'essentiel de l'effet emploi (150 000) résultant des 4,5 Mds d'allègement sur les bas salaires ; l'impact serait très faible sur la croissance (0,25 % de croissance supplémentaire par an en moyenne)
- la réduction de 50 milliards des dépenses publiques sur 3 ans aurait un effet fortement dépressif (- 0,7 % de croissance en moins chaque année) et une destruction de 250 000 emplois à l'horizon 2017.
Au total, c'est presqu'un demi-point de croissance de moins chaque année et une perte de 60 000 emplois en 2017. Cet impact négatif sur la croissance résulte d'une réduction des dépenses plus de deux fois supérieure aux allègements. Cet effet pourrait être atténué, et surtout l'impact sur l'emploi pourrait être inversé, par une action forte sur les emplois d'avenir et l'apprentissage. Il y a donc urgence à rééquilibrer le pacte !
Ci-dessous, mon intervention du 23 juin à l'Assemblée sur ce thème, dans laquelle je conclus que si l'on revenait au pari du Président de la République d'inverser rapidement la courbe du chômage à travers un effort considérable pour les emplois d'avenir et l'apprentissage, on trouverait le chaînon qui manque actuellement à la stratégie du gouvernement.
Pierre-Alain Muet, Projet de loi de finances... par pamuet
Extrait du compte rendu de la deuxième séance du lundi 23 juin 2014
Projet de loi de finances rectificatif pour 2014
M. Pierre-Alain Muet. Pour enchaîner sur les propos de Karine Berger, la décomposition en solde structurel et solde conjoncturel permet de savoir à quel niveau on se situe en termes de déficit dans le cycle. Si l'effort considérable de réduction du déficit structurel que nous avons mené depuis deux ans ne se traduit pas dans le déficit effectif, c'est tout simplement parce que, comme dans le reste de l'Europe, nous avons traversé trois années de récession : même si nous sommes en train d'en sortir, nous nous retrouvons avec un déficit conjoncturel important.
Dans cette situation, il faut évidemment des politiques structurelles comme conjoncturelles. Ce qui m'amène aux chiffres des simulations élaborées par le ministère des finances et présentées par la rapporteure générale. Je pense qu'ils sont sérieux – ce sont ceux que donnent la plupart des modèles macroéconomiques. Aujourd'hui, ces sujets sont bien maîtrisés par les économistes : cela fait plus de trente ans que l'on sait construire des modèles et les évaluer. Lorsqu'on débat d'une politique économique au Parlement, celle-ci doit s'accompagner de chiffrages de cette nature.
Certes, les allégements – 21 milliards d'euros pour les entreprises et 5 milliards pour les ménages – créent des emplois, surtout les allégements sur les bas salaires : 190 000 emplois ont été créés, nous disent les simulations, avec une stimulation de la croissance d'un quart de point de PIB par an, ce qui est cohérent avec le montant des allégements. Mais d'un autre côté, on prévoit 50 milliards de réduction de dépenses, soit deux fois plus que les allégements, qui ont un effet dépressif pratiquement deux fois plus élevé : perte de 0,7 point de PIB et de 250 000 emplois, selon le modèle. Cela n'a rien d'étonnant : dès lors que les réductions de dépenses servent à la fois à des allégements qui stimulent la croissance et à des réductions de déficit qui ont un effet dépressif, il n'est pas surprenant d'aboutir à ce résultat !
Il manque un élément à la politique du Gouvernement : il faut raccorder les politiques structurelles avec les politiques conjoncturelles. Je plaide pour cela sans relâche. Il y a une politique très simple à mettre en œuvre, pas très coûteuse, qui consiste à proposer massivement des emplois aidés. Appliquée par la gauche en 1997 et par M. Borloo en 2006, elle s'est révélée efficace dans les deux cas parce qu'elle correspondait à des situations conjoncturelles nécessitant de relancer les emplois aidés afin de donner de la confiance et du revenu. Je pense que si l'on en revenait au pari du Président de la République d'inverser rapidement la courbe du chômage...avec un effort considérable pour les emplois d'avenir et l'apprentissage, on trouverait le chaînon qui manque actuellement à la stratégie du Gouvernement.