Contre l’inscription de la déchéance de nationalité dans la constitution

30
Déc
2015

L'extension de la déchéance de nationalité pour des binationaux nés en France n'est d'aucune efficacité pour lutter contre le terrorisme et insupportable sur le plan des symboles, en ce qu'elle transforme la question des mesures nécessaires pour lutter contre le terrorisme en un débat nauséabond sur l'identité nationale. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette proposition est portée depuis longtemps par le Front national. Ce qui est stupéfiant, c'est qu'elle ait pu être reprise par un gouvernement de gauche.

La question n'est pas en effet la lutte contre le terrorisme. Cette mesure n'aura dans ce domaine aucune efficacité comme l'a reconnu d'ailleurs le Premier ministre lors de présentation du projet de loi constitutionnelle : « L'efficacité ici - et tout le monde l'aura compris - n'est pas l'enjeu premier. C'est une mesure - je l'ai déjà dit - hautement symbolique. »

Venons-en alors au symbole. C'est le pire des symboles. Si la sanction en question pouvait être appliquée à tout terroriste français condamné, comme a pu l'être l'indignité nationale instaurée à la Libération, elle ne poserait pas de problème. Mais comme il est impossible de déchoir de sa nationalité un Français n'ayant pas d'autre nationalité, puisque l'ONU interdit de créer des apatrides, cette déchéance ne pourrait s'appliquer qu'aux Français nés en France et possédant une autre nationalité. C'est contraire au principe d'égalité puisque ce n'est plus le crime qui détermine la peine mais l'origine de la personne. C'est surtout laisser entendre que ces Français binationaux ne sont pas des Français comme les autres.

Il est encore temps de se reprendre. Les voix de Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry, Pierre Joxe, Anne Hidalgo et bien d'autres, et l'appel du Mouvement des Jeunes Socialistes montrent que la gauche, celle qui croit aux valeurs, est encore bien vivante. Car, n'en déplaise au Premier ministre, c'est en oubliant les valeurs qui sont les nôtres, qu'en d'autres temps, des dirigeants socialistes se sont égarés et ont déconsidéré la gauche. Quant à l'argument sur les sondages, il est tout simplement choquant de la part de responsables politiques. De Gaulle en 1940 et Mitterrand sur la peine de mort en 1981 ont pris des décisions qui étaient très minoritaires à l'époque, mais qui ont fait l'histoire. On ne gouverne pas un pays avec de petits calculs politiciens.

Dans la suite de cette note, deux témoignages de militants de ma circonscription parmi les nombreux reçus qui me confortent dans la décision que j'ai prise dès mercredi 23 décembre quand, après avoir salué la veille sur twitter l'annonce du retrait de cette proposition, j'ai découvert avec stupéfaction qu'elle figurait dans le projet de Loi.

C'est pourquoi, si cet article sur la déchéance de nationalité était maintenu dans sa forme actuelle, je voterais contre le projet de loi constitutionnelle.

 

Lucien Orange (PS Lyon 1er/4ème)

(...) Il y a quatre ans j'ai fait campagne pour des élections, présidentielles.

C'est pas loin quatre ans, et pourtant ça parait faire une éternité. J'ai encore les papiers, des reliques autant dire, on pouvait y lire que les étrangers auraient le droit de voter aux municipales, que la finance était l'adversaire sans visage, sans droit de vote, sans parti, qui ne présentera jamais sa candidature, et ne sera jamais élu, et pourtant il gouverne, concluait le candidat socialiste d'alors.

Car ce candidat pour lequel, je, tu, nous, avons fait campagne, il était Socialiste, je le jure ce n'était pas un rêve ni une illusion je l'ai vu de mes propres yeux, à Lyon au Palais des sports dans un meeting où tous nous étions enthousiasmés, il disait La France, Ma France, regrettant que celui qu'il souhaitait remplacer l'ait abîmée, salie, par ses actes et ses discours, celui de Grenoble tout particulièrement.

Il avait qualifié de violation le fait de créer une distinction entre les citoyens d'origine étrangère et les Français dits "de souche" : "Est-ce que c'est conforme à notre histoire, nos traditions, notre Constitution, quand on sait que depuis 1889, la nationalité française s'exerce par la naissance et s'acquiert par mariage au bout de quelques années après un contrôle?"

C'est pourquoi aujourd'hui je suis en proie au doute (...)

Le plus lamentable c'est de lire ou d'entendre que ce président ne pense qu'a sa réélection en 2017 et que son souci est de manoeuvrer pour qu'au second tour il se retrouve face à Marine Le Pen pour l'emporter avec un grand coup de Front républicain, à la façon de Chirac en 2002. (...)

 

Olivier Fontanille (PS Lyon 1er/4ème)

(...) J'ai toujours voté socialiste, j'ai adhéré au PS quelques semaines après le discours de Grenoble de Sarkozy et l'été de chasse aux Roms qu'il a offert aux médias. Je sors après le discours de Hollande devant le Congrès. Les mesures annoncées sont inutiles parce qu'elles n'auront aucun effet sur le problème qu'on souhaite résoudre, scandaleuses parce qu'elles portent atteinte aux principes républicains, défendues par des arguments aux limites de l'inculture politique et historique.

Bush faisait la guerre pour gagner les élections, Sarkozy changeait les lois et faisait la guerre pour gagner les élections, Hollande fait la guerre et souhaite changer la constitution - mais il perdra malgré tout les élections. En tout cas, il y a de fortes chances pour que mon bulletin de vote "s'égare au nom de grandes valeurs" pour reprendre la sortie du Premier ministre. Certains, comme Pierre-Alain, ont pris position et sauvent l'honneur; je pense que ça n'est plus suffisant à ce stade. Socialiste, je quitte ce parti qui ne l'est plus. (..)