Tout en reconnaissant l'avancée que représente le compte personnel d'activité qui repose sur l'idée juste de sécuriser la transition d'un emploi à l'autre dans une économie plus mobile, j'ai critiqué les deux idées fausses empruntées à l'idéologie dominante en Europe qui sous-tendent les mesures de la Loi travail sur les licenciements et la hiérarchie des normes. Il n'y a pas de lien entre protection de l'emploi et chômage, et ouvrir une brèche dans notre modèle social en inversant la hiérarchie des normes risque de tirer notre économie vers le bas.
Ci-dessous, la vidéo de mon intervention et le texte correspondant dans la suite de la note:
Intervention de Pierre-Alain Muet sur l'article 1er du projet de loi « Travail »
Première séance du mercredi 4 mai 2016
La philosophie de ce texte repose sur une idée juste, importante mais aussi deux idées fausses. L'idée juste est que dans une économie plus mobile où l'emploi à vie n'est plus garanti, c'est la mobilité du salarié et la transition d'un emploi à l'autre qu'il faut sécuriser. Ce projet de sécurité sociale professionnelle que nous portons à gauche depuis longtemps est esquissé par le Compte personnel d'activité. J'approuve également le rôle accru de la négociation sociale pour laquelle j'ai toujours plaidé et voté.
Les deux idées fausses sont inspirées de l'idéologie dominante en Europe dont le moins que l'on puisse dire est que les résultats n'en sont guère probants.
La première, c'est de croire que la protection de l'emploi serait la cause du chômage, alors que celui-ci résulte d'abord des politiques macro-économiques inadaptées conduites en Europe depuis plusieurs années et dont nous sommes heureusement en train de sortir lentement.
En matière de protection de l'emploi, le seul résultat bien établi, y compris par l'OCDE, peu suspecte dans ce domaine, c'est qu'il n'y a - je cite - « aucune preuve empirique d'un impact de la protection de l'emploi sur le chômage ». Il suffit d'ailleurs d'observer le cas de l'Allemagne pour s'en convaincre. C'est le pays européen qui a l'une des plus fortes protections de l'emploi en CDI et l'un des plus faibles taux de chômage.
La seconde erreur est de croire que l'on peut s'en remettre à la seule négociation d'entreprise en inversant la hiérarchie des normes et en réservant aux branches un rôle accessoire, alors que celles-ci sont essentielles pour que la concurrence ne tire pas les salaires et les conditions de travail vers le bas.
La hiérarchie des normes et le principe de faveur, ce n'est pas seulement la protection de notre modèle social - c'est déjà beaucoup -, c'est aussi favoriser la bonne compétitivité, celle qui privilégie l'innovation économique et sociale et non l'ajustement vers le bas.
Si on ouvre des brèches dans nos protections sociales, d'autres – nombreux à droite - s'y engouffreront. Il est encore temps de choisir le bon chemin et j'espère que notre débat y contribuera.