Pour satisfaire la volonté du président de la république un certain nombre de parlementaires UMP ont déposé une proposition de Loi sur le travail du dimanche qui sera discutée en séance publique la semaine prochaine. Avec un titre trompeur, elle prétend n'autoriser le travail du dimanche que dans quelques zones seulement et sur la base du volontariat et d'une compensation salariale.
En réalité, en faisant sauter tous les verrous que le législateur avait mis précédemment au travail du dimanche dans les communes touristiques (limitation des commerces concernés, limitation de la durée d'ouverture aux périodes touristiques ...), la proposition de Loi institue une généralisation totale du travail dominical dans plus de 500 communes dont toutes les grandes agglomérations : Paris, Lyon, Marseille, Nantes, Toulouse,....
Dans toutes ces zones touristiques, l'ouverture des commerces le dimanche sera de plein droit, sans aucune contrepartie pour les salariés. Il n'y aura, pour eux, ni volontariat, ni salaire double, ni repos compensateurs. Ce sera une obligation et, en cas de refus, le salarié sera passible d'un licenciement.
Non seulement Lyon est concernée par l'ouverture dominicale, mais cette généralisation qui touchera à terme à plusieurs milliers de communes ouvre une véritable brèche dans le principe du repos dominical nécessaire à la vie familiale, sociale, culturelle, spirituelle, sportive .... Je ne veux pas d'une société où les jeunes déserterons les stades et les centres culturels pour parcourir les centres commerciaux, pas plus que je ne souhaite voir disparaître un commerce de proximité si nécessaire à la qualité de la vie dans nos villes au profit de centres commerciaux périphériques qui dénaturent nos agglomérations.
Rappelons d'abord que, dans ce domaine, le code du travail ne réglemente que l'activité des salariés. Il ne prohibe pas l'ouverture d'un commerce dès lors que seul l'employeur et les membres de sa famille employés dans le cadre de l'entraide familiale y travaillent.
La législation actuelle est équilibrée. Elle permet les activités indispensables (hôpitaux, transports en commun...), ou les activités qui répondent aux besoins spécifiques du public (commerces alimentaires le matin, hôtels, cafés, restaurants, fleuristes, musées ...). Un premier accroc a été porté à cet équilibre par la Loi Chatel de janvier 2008 qui autorise l'ouverture le dimanche pour les commerces de détail d'ameublement.
Dans les communes touristiques ou des les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement, pendant les périodes d'activité touristique et pour les établissements liés à cette activité touristique ou culturelle. Elle est à la fois limitée dans le temps et dans les activités concernées.
Dans tous les établissements où le travail le dimanche constitue une dérogation de plein droit, la loi ne prévoit aucune contrepartie.
La législation autorise également des périodes d'ouverture exceptionnelles qui peuvent être accordées par le maire pour 5 dimanches par an (les demandes ont toujours été inférieures à 5 dimanches à Lyon).
La proposition de Loi introduit deux brèches dans cette législation.
1°) Elle fait sauter toutes les contraintes d'ouverture dans les communes et les zones touristiques. Dans toutes ces zones, l'ouverture des commerces le dimanche sera donc de plein droit, sans aucune contrepartie pour les salariés (il n'y aura donc ni volontariat, ni salaire double, ni repos compensateurs). Comme 500 autres communes, Lyon est donc concerné par cette généralisation. A l'occasion de la parution du décret redéfinissant la notion de commune touristique, la lettre du cadre territorial indiquait qu'il « existe aujourd'hui 3 500 communes touristiques et 523 stations classées et que le potentiel est de 6 000 communes à vocation touristiques en France » en indiquant des critères peu contraignants pour obtenir ce classement.
2°) Dans les unités urbaines de plus de 1 million d'habitant, la proposition de Loi introduit l'ouverture dominicale dans des « périmètres d'usage de consommation exceptionnel (PUCE) caractérisés par des habitudes de consommation de fin de semaine ».
Les 4 unités urbaines concernées (plus d'un million d'habitants) sont les agglomérations de Paris, Marseille, Lyon et Lille. L'exposé des motifs indique « qu'il n'existe pas d'usage de consommation le samedi et le dimanche dans l'agglomération lyonnaise » (c'est d'ailleurs faux pour le samedi), mais cet exposé des motifs n'a aucune valeur juridique. On ne légifère pas sur des critères flous : Sur quelle base par exemple peut-on affirmer qu'il « n'existe pas d'usage de consommation de fin de semaine » ? Il suffira qu'un commerce d'ameublement ouvre le dimanche comme l'autorise maintenant la Loi Chatel (par l'amendement dit « Conforama-Ikea »), pour qu'une autre enseigne fasse une recours en arguant des différences de traitement avec Paris et Marseille et elle sera sure de gagner.
Si Nicolas Sarkozy tient à ce point au travail le dimanche au point de forcer sa majorité à avaler la potion amère, pourquoi n'a t-il pas choisi un projet de Loi ? Est-ce parce que le fait de choisir une proposition de Loi parlementaire est une façon de contourner l'obligation de consulter les partenaires sociaux ?
Cette proposition de Loi dont le but est de légaliser des pratiques illégales d'ouverture le dimanche dans les agglomérations Parisienne et Marseillaise est un signal qui indique que pour le gouvernement, ne pas respecter la Loi n'est pas un problème ; il est toujours prêt à la changer pour satisfaire les désirs des grandes surfaces qui se moquent pas mal de la qualité de la vie dans nos agglomérations.