Colloque de la confédération européenne des employeurs du spectacle vivant, Opéra de Lyon

24
Nov
2014

Invité à l'ouverture du colloque de la Confédération européenne des employeurs du spectacle vivant, j'ai insisté sur l'exception culturelle et l'importance de l'investissement culturel en période de difficulté économique.

Dans la suite de cette note, le texte mon intervention, également disponible en pdf (en version française et anglaise)

 

Intervention au colloque sur le spectacle vivant à l'heure du numérique,

Lyon, 28 Novembre 2014

Pierre-Alain Muet

Député de Lyon, Vice-président de la commission des finances,

Monsieur le président, Monsieur le directeur General, cher Serge Dorny, Monsieur l'adjoint au maire chargé de la culture, monsieur le conseiller de la ministre de la culture, mesdames, messieurs.

Je suis très heureux que Pearle (Performing arts employers associations League Europe) ait choisi Lyon pour tenir ce colloque sur le spectacle vivant à l'heure du numérique et que ce colloque se tienne ici, dans ce lieu superbe de l'Opéra de Lyon.

L'action culturelle à Lyon illustre parfaitement le rôle majeur de la culture dans le développement des Villes. La culture est un facteur déterminant de l'attractivité des grandes métropoles et certains grands projets culturels ont même été ou sont des facteurs décisifs du renouvellement urbain comme Guggenheim à Bilbao ou le Louvre à Lens. Cela a été bien compris par toutes les grandes métropoles européennes qui consacrent - toutes - une part importante de leur budget à la culture. Comme ici à Lyon, où la culture représente 20 % du budget de la Ville.

Dans la période difficile que traverse l'Europe, le rôle des acteurs publics - Etats et pouvoirs locaux - est de soutenir et d'initier de de grands projets culturels et ne pas se contenter d'une vision budgétaire et comptable. Renoncer au nom de l'austérité budgétaire à de grands investissements culturels n'est pas plus justifié dans la crise que renoncer à de grands investissements technologiques.

Car les financements alloués à la culture constituent des investissements fondamentaux d'une société au même titre que ceux consacrés au système éducatif à l'enseignement supérieur et à la recherche. C'est pourquoi dans ces années difficiles où nous devons réduire les déficits publics j'ai inlassablement plaidé pour que le budget de la culture soit sanctuarisé et qu'on ne retarde pas par exemple ce beau projet de la Philarmonie de Paris.

Je parlerai peu du numérique même si c'est un sujet qui a toujours passionné l'économiste que je suis. Certes le spectacle vivant comme tous les domaines de la vie est concerné par la révolution numérique. J'ai eu l'occasion ici à Lyon de voir par exemple comment l'intégration du numérique dans un spectacle de danse peut arriver à inverser un ordre qui semblait immuable et aboutir à ce que ce soit le mouvement du danseur qui crée ou du moins qui modifie la musique.

De même la captation et la diffusion numérique des grandes oeuvres théatrales ou lyriques permet dans des villes plus petites qui ne disposent pas d'un opéra comme ce bel opéra, de pouvoir accéder en direct aux spectacles. Enfin le numérique entraine un changement fondamental dans la diffusion de la musique et génère un nouveau partage entre auteurs, interprètes et maison de disques. L'écoute de la musique sous format dématérialisés concerne aujourd'hui 70 % des français qu'il s'agisse de fichiers téléchargés ou de streaming.

Si nos concitoyens lisent de moins en moins sur support classique (livre ou presse), ils sortent de plus en plus puisque le spectacle vivant est passé en 20 ans de 12 % à 16 % de la valeur ajoutée culturelle et la fréquentation des musées a connu une évolution comparable.

Le spectacle vivant a en effet une caractéristique immuable que la révolution numérique ne changera pas : il est d'abord vivant et rien ne remplace la participation directe au spectacle. Et cette caractéristique nous impose à nous, politiques, une responsabilité particulière et ce sera l'essentiel de mon propos.

C'est grâce à l'action publique que nous avons gardé un réseau de libraires actif et que la vitalité du cinéma français se maintien là où le cinéma européen s'est effondré. De même si la création se perpétue dans le spectacle vivant, c'est grâce au soutien public à la création et à ce que je considère comme l'un des acquis fondamentaux de l'exception culturelle française : le régime des intermittents du spectacle.

Car les dépenses qui concernent le spectacle vivant, sont soumises à ce que les économistes appellent la « Loi de Baumol ». Les gains de productivité du travail y sont quasiment inexistants. L'interprétation de la « Flûte enchantée » nécessite la même quantité de travail aujourd'hui qu'à l'époque de Mozart, alors même qu'on produit 20 fois plus de biens en une heure de travail qu'au début de la révolution industrielle et que les salaires ont augmenté dans les mêmes proportions. En d'autres termes ce secteur est confronté par essence à des coûts croissants. On ne peut donc le préserver qu'en acceptant non seulement un financement public important mais aussi un financement croissant.

Ce soutien au spectacle vivant passe aussi par ce qui est l'un des acquis fondamentaux de l'exception culturelle française : le régime des intermittents du spectacle.

Ce régime ne devrait pas être considéré comme une simple assurance chômage, mais comme une contribution indirecte à la création culturelle dans un domaine caractérisé par une précarité inhérente à une économie création et donc de projet.

En outre, les artistes, comme les scientifiques, ont non seulement une mission de création mais aussi une mission d'éducation et cela devrait être mieux reconnu dans le régime des intermittents. Au moment où nous relançons l'éducation artistique à l'école partout en France, il me parait important qu'un plus grand nombre d'heures d'enseignement puissent être prises en compte au titre de ce régime.

L'apprentissage des arts tisse du lien social et de la confiance. Il suffit de voir les enfants jouer et danser le hip hop devant cet opéra pour comprendre ce que l'art peut apporter au lien social. Parce que l'art contribue de façon majeure au capital social d'une nation et en constitue le ciment le plus fondamental, c'est un investissement encore plus indispensable en temps de crise.

L'ancien ministre de la culture Jack Lang ne disait pas autre chose en 1982 dans un célèbre discours, je le cite, « il n'y aura de renaissance économique que si chacun de nos pays croit en l'avenir, est prêt à investir dans l'intelligence et l'imagination, croyant d'abord en lui-même avant de se soumettre à la fatalité de prétendues lois internationales ». 30 ans plus tard ce discours est toujours d'actualité.

Je vous souhaite un travail fructueux et un agréable séjour à Lyon

pdfPdf Discours Français

pdfPdf Discours Anglais