Vous pouvez lire ci-dessous mon discours à la Conférence des parlements de l'Union européenne (Bruxelles, Parlement européen, 4 février 2015):
La dernière table ronde de ces journées parlementaires européennes est consacrée au renforcement de la dimension sociale de l'union monétaire. On ne peut pas évoquer aujourd'hui la dimension sociale sans revenir sur ce qui a été l'essentiel de notre débat au cours de ces journées : comment sortir de la récession que nous avons laissée se développer au cœur même de l'Europe.
Car la première condition pour renforcer la dimension sociale de l'union monétaire, c'est notre capacité, au sein de l'union, à conduire des politiques macroéconomiques qui préservent l'ensemble des objectifs d'une politique économique : la stabilité financière certes, mais aussi l'emploi, la croissance, la cohésion sociale. Une politique qui permette d'éviter ce que nous avons connu : plus de 6 millions de personnes perdant leur emploi, le PIB de certains de nos états-membres amputé de plus de 25 %, le taux de chômage des jeunes atteignant des niveaux insupportables dans certains de nos états.
Lors de sa conférence à l'Assemblée nationale le 13 janvier 2015, Joseph Stiglitz, l'un des plus grands économistes contemporains, prix Nobel d'économie, a dressé un panorama affligeant de l'idéologie dominante en Europe et des politiques économiques stupides qu'elle a inspirées, enfonçant l'Europe dans la dépression et la déflation.
Citant le diagnostic allemand selon lequel les déficits budgétaires excessifs et les rigidités structurelles seraient responsables de la crise, il l'a qualifié en s'excusant de s'exprimer clairement, dans un langage « ni diplomatique, ni académique : c'est une aberration totale ! L'Espagne et l'Irlande avaient des excédents et un faible ratio d'endettement avant la crise. La crise a provoqué les déficits, et non l'inverse. La raison pour laquelle les États-Unis s'en tirent mieux que l'Europe, c'est que nous n'avons pas succombé au crédo de l'austérité, tout du moins pas dans la même mesure. »
« ... L'idée que les problèmes structurels au sein des différents pays sont à l'origine des mauvaises performances économiques est une pure absurdité. La croissance de la productivité horaire en France avant la crise était honorable, et même aujourd'hui, dans certains secteurs comme la santé, la productivité française est incomparablement meilleure que celle des États-Unis. Ce ne sont pas les rigidités structurelles qui ont causé les bulles immobilières aux États-Unis et en Espagne. Ce ne sont pas les rigidités structurelles qui ont donné lieu aux excès du secteur financier, qui sont à la racine de la crise dont nous souffrons encore. »
« Bon nombre des soi-disant réformes structurelles qui sont demandées ne sont rien d'autre que des politiques qui réduisent le niveau de vie par le biais de salaires plus bas, d'une insécurité croissante de l'emploi et de prestations sociales inférieures. Comment peut-on prétendre que la meilleure façon d'élever le niveau de vie est d'adopter des politiques visant à les abaisser pour la grande majorité des citoyens? Ou encore des politiques qui augmentent le niveau déjà très élevé des inégalités, avec une distribution de la richesse plus inéquitable encore – en violation de l'un des principes clés de la Révolution française »
« Le problème auquel sont confrontés la France, l'Europe, et le monde est un déficit de demande globale (dû aux politiques d'austérité). Ce n'est pas un problème d'offre. Ainsi, bon nombre de ces réformes structurelles pourraient aggraver le malaise de l'Europe, en augmentant l'écart entre l'offre et la demande, aggravant ainsi la menace actuelle de déflation en France. »
« Les dévaluations internes (par la baisse du coût du travail) n'ont jamais marché, tout comme l'austérité n'a jamais marché. Si cela avait été le cas, l'étalon or n'aurait présenté aucun problème durant la Grande Dépression... Les améliorations qui se sont produites ces dernières années dans la balance courante ont été en grande partie la conséquence de la baisse des importations – résultant des efforts concertés pour affaiblir les niveaux de vie dans ces pays – et non de la hausse des exportations. »
Il critique les déréglementations aveugles qui peuvent nuire aux performances économiques, comme cela a été le cas dans le secteur financier, ainsi que les accords commerciaux nouvellement proposés qui se développent à l'écart d'un débat démocratique et peuvent avoir des effets néfastes sur l'emploi dans la conjoncture mondiale actuelle. Enfin, il plaide pour de vraies réformes structurelles corrigeant les défaillances les plus criantes de l'union monétaire
Dans la suite de cette note, l'intégralité de son intervention.
L'équipe de Charlie Hebdo et les policiers qui la protégeaient ont été lâchement assassinés parce qu'ils n'ont jamais cédé aux menaces de l'obscurantisme.
A travers eux, c'est la liberté de penser et de s'exprimer qui était la cible des assassins.
Wolinski, Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Bernard Maris, ces combattants de la liberté avec leurs plumes et leurs crayons, ne sont plus là... Mais Charlie vivra.
En se rassemblant spontanément et silencieusement par milliers dans toutes nos villes, debout contre la barbarie, nos compatriotes ont montré hier soir, et montreront dimanche encore, que face à un peuple libre le terrorisme ne gagnera jamais.
Hier soir, c'est la République qui s'est dressée contre la barbarie.
« Rien d'étonnant à ce que l'Europe s'enfonce à nouveau dans le marasme, c'est le résultat entièrement prévisible des politiques erronées que conduisent les dirigeants européens et qui sont de mauvais remèdes »
Editorial du New York Times, 17 Aout 2014
Comme dans les années 30, la crise financière a éclaté aux Etats-Unis mais produit ses résultats les plus catastrophiques en Europe où se déclencha dans la zone Euro une crise des dettes souveraines. La zone Euro était pourtant beaucoup moins endettée que les Etats-Unis et le Japon, mais c'était le continent le plus vulnérable aux attaques spéculatives. En laissant planer des doutes sur la solidarité qui les unissait, les dirigeants européens ont transformé le sauvetage de la Grèce en une crise généralisée de la zone euro, alors même que ce pays représente moins de 3 % du PIB de l'Union.
En appliquant ensuite un cocktail de politique économique fait de coupes massives dans les dépenses publiques et de baisse de coût du travail, qui peut être efficace quand un pays est seul à le faire mais conduit à des catastrophes quand tous le pratiquent, l'Europe s'est enfoncée dans la récession et la déflation. Il y a urgence à réorienter les politiques européennes pour sortir d'une crise dont le seul précédent aura été les politiques de déflations des années 30.
Cette analyse, je l'ai développée en conclusion de la réunion organisée lundi 8 décembre à Paris par la Fondation Jean Jaurès et la Fondation Friedrich Ebert (SPD), puis sous forme plus condensée dans mon intervention à l'Assemblée lors de l'audition de Guillaume Duval et Jean Pisani Ferry le 17 décembre (vidéo ci-dessous).
Commission d’enquête : « les 35 heures, un pacte de responsabilité qui a réussi » (Barbara Romagnan)
La commission d'enquête sur les 35 heures vient de publier son rapport. La rapporteur Barbara Romagnan rappelle que les Lois Aubry ont créé 350 000 emplois entre 1998 et 2000 sans dégrader ni la profitabilité des entreprises ni la compétitivité, pour un coût net de 2,5 Milliards d'euros pour les finances publiques soit 12 800 euros par emploi créé. Ce coût net est 3 fois inférieur à celui d'un allègement de cotisation sur les bas salaires et sans comparaison avec le coût exorbitant des 41 milliards d'allègements de toute nature qui composent le pacte dit de « responsabilité ». Contrairement au « pacte de responsabilité » qui n'est qu'une accumulation d'allègements fiscaux sans contrepartie dans la négociation, les 35 heures sont une sorte de « pacte de responsabilité qui a réussi : en échange d'une baisse de cotisation sociale et d'une plus grande flexibilité, les entreprises ont embauché ». (Interview de Barbara Romagnan : 20minutes.fr : Les 35 heures efficaces contre le chômage, selon un rapport parlementaire)
Il est temps de sortir du débat idéologique pour engager une vraie réflexion sur l'organisation des différents temps de la vie. Tout d'abord et contrairement aux idées 100 fois répétées s'appuyant sur la durée du travail des seuls salariés à temps complet, la France est parmi les pays développés d'Europe ayant la plus longue durée hebdomadaire : 37,5 heures en moyenne en 2013 contre 36,5 au Royaume Uni, 35,3 heures en Allemagne et en Suisse, 33,5 heures au Danemark et 30 heures aux Pays Bas, champions du temps partiel.
Mais surtout, toute l'histoire du développement économique depuis la révolution industrielle est une augmentation continue de la productivité du travail conjuguée à une baisse tout aussi continue de la durée annuelle du travail. On produit en une heure de travail 20 fois plus qu'en 1870 et on travaille 2 fois moins longtemps. C'est aussi dans les pays les plus développés que la durée hebdomadaire du travail y est la plus faible et dans les moins développés qu'elle est la plus longue : moins de 35 heures en Europe du Nord, plus de 40 heures dans l'Est de l'Europe et près de 50 heures en Turquie.
La tendance séculaire à la réduction de la durée annuelle du travail est appelée à se poursuivre. Et la vraie question n'est pas la durée hebdomadaire du travail mais la profonde inégalité entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas et la répartition du travail au cours du cycle de vie. Le travail est concentré dans notre pays entre 25 et 55 ans, alors que l'augmentation de la durée de vie appellerait une interpénétration plus forte des différents temps de la vie et non comme aujourd'hui leur succession brutale.
Vous trouverez dans la suite de cette note ma contribution à ce rapport.