J'ai développé sur TLM mon analyse de la situation économique et politique.
Lors de son interview dans le Monde le 20 Août, le président de la république a marqué un tournant dans son analyse de la situation économique en reconnaissant que « le diagnostic est implacable : il y a un problème de demande dans toute l'Europe... C'est essentiellement dû aux politiques d'austérité menées depuis plusieurs années ». S'il a demandé qu'il y ait un changement de politique économique en Europe, il a réaffirmé son souhait de continuer dans notre pays une politique de l'offre.
Or, on ne sort jamais d'une récession par une politique de l'offre pour la bonne raison qu'une récession, c'est toujours la conséquence d'un ralentissement ou d'une baisse de la demande. Et là, ce n'est pas un ralentissement, c'est un effondrement de la demande dans tous les pays européens. Certes, il fallait prendre des mesures pour la compétitivité, mais les 20 milliards du CICE étaient largement suffisant. Faire 41 Milliards d'allègements sur les entreprises et les financer par une réduction massive des dépenses publiques, c'est incohérent dans la conjoncture actuelle.
Ce cocktail - baisse du coût du travail et coupes massives dans les dépense publiques - qui peut à la rigueur réduire les déficits publics et redresser la compétitivité quand un pays est seul à le faire - a finalement conduit l'Europe dans la dépression et au bord de la déflation. Le résultat est que l'on rate les 3 cibles que l'on se fixait : le chômage augmente, le déficit public ne se réduit pas, l'impact sur le déficit extérieur est très faible et comme on approche de la déflation, la dette explose. C'est la réplique 80 ans plus tard de ce qui s'était déjà passé dans les années 30 avec les politiques de déflation en Europe.
J'ai voté la confiance au gouvernement car il s'agit d'un vote qui porte sur l'ensemble de la politique du gouvernement et qui, pour moi, traduit l'appartenance à une majorité. Par ailleurs, le discours de politique générale du premier ministre était, comme je le souhaitais, « rassembleur ». Ce vote positif n'arrête pas pour autant le débat sur la politique économique au sein de la majorité.
Ci-joint, mon intervention sur LCI à la suite du vote :
Retrouvez ci-dessous un article paru dans l'édition du 11 septembre de Libération:
Profil - Libération 11/09/2014 (pdf).
Profil: Pierre-Alain Muet, frondeur malgré lui. (Par Nathalie Raulin).
Economiste chevronné et modéré, ex-conseiller de Jospin, cet élu lyonnais a lutté durant deux ans en coulisses contre une politique de l'offre «absurde». Et se retrouve à faire cause commune avec l'aile gauche du PS.
Frondeur, Pierre-Alain Muet? Il y a encore six mois, pas un ténor socialiste n'aurait prédit que le vice président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, macro-économiste chevronné et ancien conseiller économique de Lionel Jospin, puisse faire un jour cause commune avec des députés pour la plupart issus de l'aile gauche du parti. François Hollande, dont ce néokeynésien partage les convictions mendésistes, moins que quiconque. Muet le modéré est entré en résistance. Signataire début avril de l'appel des 100. Abstentionniste fin avril sur le «pacte de responsabilité» puis, mi-juillet, sur le budget de la Sécu. Pourvoyeur de tribunes réquisitoires contre le virage économique acté le 14 janvier par le chef de l'Etat. Frondeur donc. «Je récuse ce terme dont on m'affuble aujourd'hui simplement parce que je dis ce que j'ai toujours dit, proteste le député. Mais je ne vais pas remettre en question quarante ans de publications et d'enseignement au prétexte que je suis dans une majorité», s'insurge-t-il. Et d'ajouter, accablé: «Quand le gouvernement glisse complètement à droite, jeme retrouve à gauche...»
La poursuite de la récession européenne conduit à un déficit public qui ne se réduit pas en France en 2014, comme vient de l'annoncer le Ministre des finances et du budget Michel Sapin.
Dans cette situation, le Gouvernement a raison de reporter à 2017 la réalisation de l'objectif de 3% pour ne pas ajouter de nouvelles mesures d'austérité à une stagnation, due, comme l'a rappelé le président François Hollande le 20 août, à "un problème de demande dans toute l'Europe ....résultant des politiques d'austérité menées depuis plusieurs années".
Je salue notamment le fait que la hausse de la TVA, parfois envisagée, ait été écartée.
En revanche, faut-il continuer à programmer 41 milliards d'allègements sur les entreprises dont les effets n'apparaîtront qu'à long terme, en maintenant en contrepartie l'objectif de réduction de dépenses dont l'effet dépressif est immédiat ? Cela ne semble guère réaliste au regard des réductions de dépenses réalisées antérieurement et encore moins optimal pour retrouver rapidement la croissance.
Dans cette conjoncture, il serait plus efficace d'augmenter plus fortement les emplois d'avenir et l'apprentissage et de soutenir l'investissement des collectivités locales qui est en train de s'effondrer.
Au moment où le parallélisme entre les crises de 1929 et de 2008 se prolonge de façon inquiétante en Europe, un retour sur la politique économique de l'homme dont les réformes révolutionnèrent l'Amérique et changèrent le cours de l'histoire est riche d'enseignements pour lutter contre la crise actuelle. Dans un article du numéro spécial de la revue Pouvoirs consacré à Roosevelt, j'analyse les trois changements qu'impulsa Roosevelt - régulation financière, réduction des inégalités, développement de l'intervention publique, dont la généralisation après la seconde guerre mondiale conduisit à la longue période de prospérité de l'après-guerre et qui restent aujourd'hui les réponses pertinentes à une crise née de trois décennies de libéralisme et de dérégulation.
Je souligne aussi le courage politique d'un homme issu de la grande bourgeoisie qui sut affronter la haine des grands patrons et des banquiers d'affaires, qui ne lui pardonnèrent ni l'imposition des grandes fortunes ni la régulation des banques et des marchés financiers. Une leçon à méditer quand dominent en Europe les lobbys bancaires et patronaux et une forme de « pensée unique » qui n'a rien appris de 6 années de crise.