Pouvoir d'achat : interview dans Les Echos

18
Déc
2007

L’entourage de Christine Lagarde évalue l’impact des mesures prises en faveur du pouvoir d’achat depuis l’été entre 30 et 35 milliards d’euros. Qu’en pensez-vous ?

Est-ce un chiffrage de Bercy ou de l’UMP ? Comment vérifier de tels chiffres, qui me paraissent bidons ou, au mieux, pifométriques, alors que le nouveau projet de loi comme le « paquet fiscal » de cet été n’ont été accompagnés d’aucune étude d’impact ? Nous venons de débattre au Parlement, pendant deux mois, d’un projet de loi de Finances vidé de son contenu puisque toutes les mesures importantes de politique économique ont été prises avant ou après lui. Sur le plan de la méthode, c’est profondément choquant. C’est un très mauvais fonctionnement de la démocratie.

Et sur le fond ?

Aucun milliard d’euros ne sera vraiment réinjecté dans l’économie. La prime défiscalisée de 1.000 euros ou le rachat des jours de RTT ne vont que se substituer aux augmentations de salaires. L’indexation des loyers sur l’inflation est certes positive –nous l’avions demandé- mais ce n’est qu’une petite mesure face au problème du pouvoir d’achat. Il n’y a rien pour les retraités, rien pour les salariés à temps partiel et rien pour les chômeurs. Les ménages ont le sentiment de mesures arbitraire et injustes, ce qui accroît leur inquiétude. Les 15 milliards d’euros du « paquet fiscal », n’ont créé ni choc de confiance –elle s’est au contraire effondrée -, ni choc de croissance – elle est plus faible que prévue.

Un scénario du ministère des finances présenté cet été montrait que si la croissance n’était que de 1,8 % cette année et de 2 % l’an prochain au lieu des 2 à 2,5 % prévus, le déficit public pouvait repasser la barre de 3 %. Or cette croissance faible est aujourd’hui la prévision moyenne des instituts de conjoncture. Si le gouvernement veut tenir ses engagements de déficit, c’est un plan d’austérité qui se dessine après les élections municipales.

Vous présidez une mission d’information commune à la droite et à la gauche sur les indicateurs macro-économiques...

Le but de notre mission, c’est de regarder la fiabilité des indicateurs sur lesquels nos concitoyens ont des doutes : l’emploi et le chômage, les prix et le pouvoir d’achat, et la mesure de la croissance. C’est une mission bi-partisane. Les politiques économiques de droite et de gauche sont évidemment différentes mais, il vaut mieux avoir le même thermomètre si nous voulons débattre dans la clarté.

Vous réfléchissez aussi, en parallèle du gouvernement, aux moyens d’inscrire dans le droit l’indépendance de l’Insee, qui a fait débat ces derniers mois. Y a-t-il un diagnostic partagé ?

L’indépendance de l’institut statistique est fondamentale pour que les Français aient confiance dans leurs indicateurs. En France, l’indépendance professionnelle de l’Insee n’est pas inscrite dans le droit et le directeur général de l’Insee peut, comme n’importe quel directeur d’administration, être remplacé sur décision politique. Peut-être faut-il créer un mandat à durée fixe ? De même, tous les autres instituts ont autour d’eux un conseil ou une haute autorité qui peut conforter le travail du directeur général. Nos travaux aboutiront dans le courant du prochain semestre mais ces idées font déjà consensus entre la majorité et l’opposition.

Propos recueillis par Elsa Freyssenet et Véronique Le Billon