Cette note constitue la version longue d’un article publié dans Alternatives Economiques
La première loi de finance d’un quinquennat a toujours un caractère particulier : elle est en général la traduction des engagements du Président nouvellement élu et colore la suite du quinquennat. Le paquet fiscal de l’été 2007 et le premier budget de Nicolas Sarkozy illustraient l’économie du ruissellement, multipliant les cadeaux fiscaux aux plus fortunés, jusqu’à ce que cette politique s’écrase sur le mur de la crise. Le budget de François Hollande pour 2013 introduisait certains éléments de justice du programme du candidat, mais la frénésie fiscale de Jérôme Cahuzac, multipliant les prélèvements pour boucler un budget censé respecter la règle des 3 %, aboutit au « ras-le bol-fiscal » conduisant le Président Hollande à abandonner toute réforme significative de l’impôt sur le revenu. Le Projet de Loi de Finances pour 2018 reprend les principales propositions du candidat Macron en étalant certaines mesures pour respecter la contrainte budgétaire. Le résultat est un budget pour 2018 qui a un parfum de 2007 : les grands gagnants sont clairement les plus fortunés de nos concitoyens et même la petite minorité des plus grandes fortunes de France.
La commission des finances a voté à la quasi-unanimité l'avis de la Rapporteure générale du budget Valérie Rabault demandant au gouvernement de supprimer les annulations de crédits concernant le secteur de la recherche. La pratique qui consiste à boucler un collectif budgétaire ou un décret d'avance en prélevant sur les trésoreries excédentaires de centres qui ont une autonomie de gestion est une très mauvaise méthode qui sacrifie l'avenir à des considérations de court terme. S'agissant en outre de la recherche fondamentale, le signal qui est donné est calamiteux, laissant entendre que la recherche est une variable d'ajustement de la politique budgétaire. Le CNRS, le CEA, l'INSERM sont des centres prestigieux, il faut leur laisser l'autonomie de gestion qui leur a permis d'agir depuis plus de 50 ans avec beaucoup de succès.
L'Assemblée vient d'adopter le budget de la culture. Ayant plaidé inlassablement ces dernières années pour que le ce budget soit sanctuarisé, j'ai salué dans mon rapport l'augmentation de ce budget et son inscription dans les priorités du gouvernement.
Parce que l'art contribue de façon majeure au patrimoine d'une nation et en est le ciment le plus fondamental, c'est un investissement encore plus indispensable en temps de crise. C'est pourquoi j'ai soutenu ces dernières années le beau projet de Philharmonie de Paris qui, par son architecture, son inscription dans l'espace urbain, et la qualité de son acoustique, représente aujourd'hui une révolution comparable à ce qu'a été, dans les années 60, la Philharmonie de Berlin.
Je souligné également deux projets d'investissement importants pour nos grandes institutions culturelle :
- La rénovation des Ateliers Berthier, créés par Garnier pour concevoir les décors de l'Opéra de Paris. Dans un quartier en plein développement – la ZAC de Clichy-Batignolles – ce projet pourrait rassembler 4 opérateurs majeurs du spectacle vivant : l'Opéra, l'Odéon, la Comédie française et le Conservatoire National supérieur d'art dramatique en mutualisant des espaces de création, de répétition et de spectacle. Il y a là un formidable potentiel dans un lieu exceptionnel.
- L'extension des locaux du Conservatoire national supérieur de musique et danse de Lyon qui, comme son homologue parisien, est le seul établissement supérieur culturel placé sous tutelle exclusive de l'Etat. Celui-ci ne possède qu'une petite salle publique de 250 places qui n'est adaptée ni à la danse, ni au lyrique, ni à un véritable ensemble symphonique, alors même que des terrains appartenant à des entités publiques sont disponibles autour du Conservatoire et permettraient son extension.
Ci-joint mon intervention et la réponse de la Ministre sur ces 2 sujets.
J'ai voté la confiance au gouvernement le 16 septembre, mais j'avais indiqué que je voterai chaque texte en fonction de son contenu.
Ce n'est pas en appliquant le cocktail - même atténué - "baisse des dépenses / baisse du coût du travail", qui a conduit l'Europe dans la dépression et au bord de la déflation, que l'on peut sortir rapidement de la récession et convaincre nos partenaires européens de la nécessité de changer de politique.
Avec 12 Milliards € d'allègements sur les entreprises, mal calibrés, mal ciblés, dont l'impact sera au mieux lent à apparaître, et 21 Milliards € de coupes dans les dépenses publiques dont l'effet dépressif sera immédiat, le budget et la loi de financement de la sécurité sociale mettent en œuvre une politique inadaptée à la situation conjoncturelle de notre pays.
Au terme de 3 années de récession européenne, l'effondrement de la demande en France et en Europe atteint désormais le même niveau que lors de la récession qui suivit la crise financière. Cette situation appellerait en Europe la même politique économique que celle qui fut impulsée à l'échelle mondiale par le FMI en 2009 : une stimulation de l'investissement privé quand cela est possible, public dans tous les cas, comme je l'explique dans l'intervention ci-jointe lors du débat budgétaire (vidéo ci-dessous).
La politique économique lancée en début d'année avec le pacte de "responsabilité" dont la contrepartie est, aujourd'hui, la réduction d'un certain nombre de dépenses sociales, conduit en outre à une perte de repères, comme l'illustre le débat sur la baisse des allocations familiales.
Cette baisse n'aurait jamais été envisagée, comme d'ailleurs la forte réduction des dotations aux collectivités locales qui freinera leur investissement, si l'on avait calibré les allègements sur les entreprises à un montant raisonnable et non à 12 milliards. Substituer à cette baisse une modulation des allocations n'est guère plus satisfaisant.
C'est pourquoi malgré des aspects positifs sur la fiscalité des ménages et l'éducation, je me suis abstenu sur le vote du budget.
Dans mon intervention sur le Projet de Loi de Finances, je suis revenu sur la situation dramatique de l'Europe, conséquence « des politiques erronées que les dirigeants européens s'entêtent à poursuivre, bien qu'il soit évident que ce sont des mauvais remèdes » comme le rappelait l'éditorial du New York Times du 17 août.
Ces mauvais remèdes sont un cocktail de politiques économiques faites de coupes massives dans les dépenses publiques, de baisses du coût du travail, et, dans les pays d'Europe du Sud, de baisses des salaires. Un cocktail qui a plongé l'Europe dans la dépression et dans la déflation. Cette politique est la négation de ce qu'a été l'Union européenne depuis sa création : une Europe qui grâce à la solidarité (notamment les fonds structurels) a toujours tiré vers le haut tous les pays qui la rejoignaient. C'est la première fois dans l'histoire, depuis les déflations des années trente, que l'Europe fait un ajustement par le bas qui est le contraire de ce qu'elle a su faire pendant plus d'un demi-siècle.
Dans la suite de cette note, le texte de mon intervention...
Dans cet entretien avec Hubert Huertas et Laurent Mauduit de Médiapart, je plaide pour que le gouvernement de Manuel Valls mette en cohérence la politique nationale avec un diagnostic qui reconnaît - enfin - que la récession résulte de l'effondrement de la demande dû aux politiques massives d'austérité conduites dans l'ensemble de l'Europe.
Pierre-Alain Muet est tout le contraire d'un ultra. Très jeune, en 1983, il approuve le virage économique de François Mitterrand. À partir de 1997, il conseille Lionel Jospin à Matignon. En 2007, Pierre-Alain Muet soutient Ségolène Royal, et en 2012, après avoir travaillé avec Martine Aubry pendant la primaire, il rejoint François Hollande devenu « le » candidat. Autant dire que Muet est d'abord légitimiste.
Or ce social-démocrate, qui ne rêve que d'unité du PS et de la gauche en général, est devenu un « frondeur » malgré lui. Après avoir signé l'appel des 100 en faveur d'un changement de politique économique, il n'a pas voté le pacte de responsabilité, et pas davantage le budget de la Sécurité sociale. Et quand on lui demande s'il a soudainement viré à gauche, il répond que c'est le gouvernement qui est allé à droite.
Son diagnostic est implacable : « François Hollande a dit au mois d'août qu'il y a un problème de demande dans toute l'Europe, et que c'est la conséquence des politiques d'austérité conduites depuis plusieurs années. Très bien ! Mais il termine en disant : "Mais nous continuerons notre politique de l'offre." Il y a une divergence profonde entre le discours qu'il a tenu et la politique qui est conduite en France. »
Retrouvez ci-dessous mon interview sur le budget et l'orientation de la politique économique, ce jeudi 2 octobre sur RFI.
La poursuite de la récession européenne conduit à un déficit public qui ne se réduit pas en France en 2014, comme vient de l'annoncer le Ministre des finances et du budget Michel Sapin.
Dans cette situation, le Gouvernement a raison de reporter à 2017 la réalisation de l'objectif de 3% pour ne pas ajouter de nouvelles mesures d'austérité à une stagnation, due, comme l'a rappelé le président François Hollande le 20 août, à "un problème de demande dans toute l'Europe ....résultant des politiques d'austérité menées depuis plusieurs années".
Je salue notamment le fait que la hausse de la TVA, parfois envisagée, ait été écartée.
En revanche, faut-il continuer à programmer 41 milliards d'allègements sur les entreprises dont les effets n'apparaîtront qu'à long terme, en maintenant en contrepartie l'objectif de réduction de dépenses dont l'effet dépressif est immédiat ? Cela ne semble guère réaliste au regard des réductions de dépenses réalisées antérieurement et encore moins optimal pour retrouver rapidement la croissance.
Dans cette conjoncture, il serait plus efficace d'augmenter plus fortement les emplois d'avenir et l'apprentissage et de soutenir l'investissement des collectivités locales qui est en train de s'effondrer.
J'ai écouté le Premier ministre et reconnais qu'il y a des avancées - modestes - sur le pouvoir d'achat des petites retraites et le maintien du plan de lutte contre la pauvreté. Mais l'économiste que je suis reste en désaccord avec la nouvelle orientation de politique économique que traduit ce programme de stabilité.
Ce désaccord ne porte pas sur la nécessaire réduction des déficits ; j'y souscris ! Mais est-il raisonnable de programmer 41 milliards d'allégements fiscaux sur les entreprises quand nous devons donner priorité à la réduction des déficits ? On peut demander des efforts importants à nos concitoyens quand il s'agit de réduire le déficit et d'arrêter l'hémorragie de la dette. Mais quand ces efforts servent à financer une autre forme de dépense - fiscale cette fois - cela me parait plus discutable. Car les 50 milliards de réduction des dépenses publiques vont servir en grande partie à financer les nouveaux allégements.
Pour les entreprises très fortement impliquées dans l'échange international, un allégement de fiscalité peut conduire assez rapidement à une hausse de l'emploi et de l'investissement, en raison des gains de compétitivité qui en résultent. Mais moins du tiers des allégements concernent les entreprises industrielles. Quant à la grande majorité des autres, elles n'augmenteront l'investissement et l'emploi que si les perspectives de demande s'améliorent. Au moment où l'économie sort péniblement de 3 ans de récession due à l'effondrement de la demande, l'effet dépressif rapide des réductions de dépenses risque de peser sur la reprise.
Mais c'est surtout un tout autre univers politique que dessine ce programme de stabilité. Le chiffrage des 60 propositions de François Hollande sur lequel nous avons été élus représentait « 20 milliards d'euros à l'horizon 2017 ». Certes, il manquait dans le programme présidentiel des mesures sur la compétitivité et elles sont nécessaires, mais est-il raisonnable qu'elles soient presque deux fois supérieures au coût des 60 engagements du Président, au point de bouleverser complètement l'équilibre de notre programme et de devenir l'alpha et l'oméga de la politique économique du gouvernement ? Je ne le pense pas.
Mon abstention n'est pas un vote de défiance à l'égard du Premier ministre ; j'ai voté la confiance sans hésiter et si pour la première fois je n'apporte pas mon suffrage au gouvernement issu de la majorité à laquelle j'appartiens, c'est dans l'espoir de continuer à l'infléchir pour mieux répondre à ce qui reste notre engagement à tous : le redressement dans la justice.
Après l'audition de Didier Migaud, Président du Haut Conseil des Finances Publiques, Michel Sapin et Christian Eckert ont été auditionnés sur le Programme de Stabilité. Retrouvez ci-dessous mon intervention dans le débat qui a suivi.