La Gauche et la réforme fiscale - 1ère partie : de l’échec de la CSG dégressive à la « révolution fiscale » du candidat Hollande

03
Déc
2019

Le combat de la gauche pour une réforme fiscale tire son origine du constat d’une imposition des revenus devenue profondément injuste avec la création puis la montée en charge de la CSG et la réduction quasi continue de l’impôt sur le revenu. Constituée de deux impôts profondément différents, l’IR et la CSG, notre imposition des revenus commence en effet à un taux moyen très élevé (le taux de la CSG) qui pèse fortement sur la moitié la plus modeste de nos concitoyens. Elle n’est progressive que pour l’autre moitié (qui paye l’impôt sur le revenu), confortant en outre l’idée fausse que seule une moitié des Français paieraient un impôt sur le revenu, alors que tous payent la CSG.

C’est ce constat d’une imposition injuste et le rejet par le conseil constitutionnel de la dégressivité de la CSG pour les revenus modestes sous le gouvernement Jospin qui firent émerger à gauche la proposition d’une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG pour créer un impôt unifié, prélevé à la source, assurant une véritable progressivité de l’ensemble de notre imposition des revenus.

Porté pendant plusieurs années par le PS, cette réforme deviendra le thème majeur de la campagne présidentielle de François Hollande. Le discours qu’il prononça en ce sens à Périgueux lors de sa précampagne présidentielle serait resté un moment fondateur du quinquennat si la réforme avait été réalisée. Mais au pouvoir, c’est un tout autre programme fiscal qu’il mit en œuvre.

La question de la réforme fiscale rebondira lors de la campagne présidentielle de 2017 avec la proposition novatrice de revenu universel portée par Benoit Hamon. Mal comprise pendant la campagne présidentielle, la fusion du revenu universel dans un impôt sur le revenu rénové est pourtant à la fois la réponse pertinente à l’injustice de notre imposition des revenus et le socle d’une protection sociale adaptée au XXI siècle.

C’est cette brève histoire que je développe en 3 parties :

  • 1ère partie : de l’échec de la CSG dégressive à la « révolution fiscale » du candidat Hollande,
  • 2ème partie : Comment le candidat de la « révolution fiscale » devint le président du bricolage fiscal
  • 3ème partie : une fiscalité et une protection sociale pour le XXIème siècle: la fusion du revenu universel et de l’impôt sur le revenu

La suite de cette note traite de la première partie : depuis l’échec de la CSG dégressive sous le gouvernement de Lionel Jospin jusqu’à la « révolution fiscale » du candidat Hollande.

 

Lionel Jospin : impôt négatif ou CSG dégressive ?

Depuis sa création en 1991, la CSG avait fortement augmenté, dépassant progressivement l’impôt sur le revenu. Cette augmentation résultait de la volonté des gouvernements successifs de remplacer le financement d’une protection sociale universelle (l’assurance maladie) qui pesait essentiellement sur les salaires par un financement lui aussi universel pesant sur l’ensemble des revenus. La plus forte hausse eût lieu en 1998. Comme il s’y était engagé dans la campagne législative, Lionel Jospin remplaça 4,75 points de cotisation maladie par 4,1 points de CSG, augmentant ainsi fortement le pouvoir d’achat des salariés. Pour les retraités et les chômeurs, l'opération était blanche car la CSG augmentait du montant de la cotisation qu’elle remplaçait. Seuls les revenus de l’épargne s’en trouvaient plus fortement imposés.

Parallèlement à ce transfert, l’idée de réduire l’imposition des salariés les plus modestes avait été proposée par le Parti socialiste dans les années précédant la campagne législative de 1997 sous la forme d’une franchise de CSG. Elle fut abandonnée pour des raisons de faisabilité au début du mandat, mais la volonté de réduire l’impôt des salariés modestes resta une préoccupation constante du gouvernement, confortée par les travaux du Conseil d’analyse économique.

Dans un rapport du CAE publié en 1998, « Fiscalité et redistribution », François Bourguignon montrait en effet que, si la redistribution en France était substantielle en raison de l’importance des prestations, la redistribution par la fiscalité était faible du fait de l’étroitesse de l’impôt sur le revenu. Il plaidait en conclusion pour la mise en place d’un « impôt négatif » d’autant plus pertinent que la CSG était devenue aussi importante que l’impôt sur le revenu. Un second rapport de François Bourguignon et Dominique Bureau sur « l’architecture des prélèvements en France », présenté au Premier ministre en juillet 1999, montrait que le passage du RMI à une activité à temps partiel faiblement rémunérée n’entraînait aucun gain et que la perte des avantages familiaux liés au RMI pouvait même entraîner une baisse de revenu.

A l’été 2000, Matignon explorait deux pistes pour faire en sorte que le passage du RMI à l’activité conduise à une augmentation significative de revenu : le prolongement de la période de cumul entre le RMI et les revenus d’activité (l’intéressement qui fut prolongé en 2001) et l’idée d’une prestation nouvelle prenant la forme d’un impôt négatif pour les revenus proche du SMIC.[1] Dans les débats internes au gouvernement et à la majorité, le terme « impôt négatif » qui déplaisait à une partie de la gauche était remplacé par « remboursement de CSG » dans la mesure où il corrigeait également le taux élevé de CSG.

Toutefois sous l’influence du Président de la Commission des Finances de l’Assemblée, Henri Emmanuelli, le gouvernement choisit finalement dans le projet de Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 la solution plus directe d’une ristourne dégressive de CSG (de 1 à 1,4 SMIC), sur le modèle de la ristourne de cotisation employeur. Ne prenant pas en compte les facultés contributives de chaque foyer, cette ristourne fut censurée par le Conseil Constitutionnel au motif d’une rupture de l'égalité devant l'impôt. Le gouvernement revint donc en janvier 2001 à l’idée initiale d’un « impôt négatif » baptisé alors « Prime pour l’emploi ».

La Prime pour l’emploi corrigeait la perte de revenu résultant du passage du RMI a un revenu d’activité, mais elle restait un dispositif trop modeste pour abaisser fortement le taux marginal élevé qui pesait sur les faibles revenus. Sa cible était moins la pauvreté (qui était la cible du RMI), que les classes populaires. Elle avait l’avantage d’être un dispositif fiscal accordé automatiquement en fonction de la déclaration de revenu : il suffisait de cocher une case dans la déclaration de revenu pour la percevoir. Il n’y avait pratiquement pas de non recours. Elle avait en revanche l’inconvénient inhérent à l’impôt sur le revenu d’être perçue avec une année de décalage, alors qu’elle aurait été automatiquement intégrée tous les mois dans un impôt prélevé à la source.

La réforme fiscale resta une des priorités du programme présidentiel de Lionel Jospin pour 2002 qui soulignait la nécessité du prélèvement à la source et d’une modernisation de l’IR : « Nous sommes le dernier Etat à ne pas prélever à la source l’impôt sur le revenu. De la même manière notre impôt sur le revenu est mal adapté aux accidents de la vie professionnelle (chômage, baisse des revenus) ou familiale (changement de statut, séparation) et peut pénaliser le travail des femmes ».

La genèse de la fusion IR-CSG à gauche

C’est au congrès du Parti socialiste qui suit l’élection présidentielle, en mai 2003 à Dijon, que s’affirme à gauche l’idée d’une fusion de l’Impôt sur le revenu et de la CSG. Comme il est d’usage au Parti socialiste, plusieurs courants s’y affrontent à travers des textes d’orientations (motions). La motion majoritaire emmenée par François Hollande et qui rassemble les principaux leaders (Martine Aubry, Laurent Fabius, DSK) se contente, en une phrase ambigüe, d’évoquer l’objectif d’une « fusion de l’impôt sur le revenu en un seul impôt ». La gauche du PS, regroupée autour d’Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, évoque également dans sa motion la création d’un grand impôt sur le revenu, progressif, prélevé à la source, débarrassé des niches fiscales et dont « l’assiette serait élargie à tous les revenus du capital qui y échappent aujourd’hui ». Mais elle n’évoque pas la CSG et, prolongeant le débat qui vit la création de la PPE, « refuse le principe de l’impôt négatif, catégorie dont fait partie la Prime pour l’emploi ».

C’est du côté du « Nouveau Parti Socialiste » d’Arnaud Montebourg, Yvette Roudy et Vincent Peillon, qu’apparaît la proposition la plus originale : « un Big Bang Fiscal qui créera par la fusion d’impôts existants (CSG, IRPP et impôts locaux) un seul impôt universel, transparent, vraiment progressif, à l’assiette élargie. ». Un long chapitre de la motion, baptisé « La révolution fiscale » souligne que « la réforme fera passer d’un IR actuel à 3 % du PIB à un IR à 8,5 % ... qu’il sera possible de faire disparaitre le quotient familial et le quotient conjugal, ouvrant la voie à une imposition séparée... » et que « le prélèvement à la source de l’impôt sera facilité par cette réforme ». Enfin pour répondre à l’exigence d’autonomie fiscale des collectivités locales, le nouvel impôt devrait prévoir « la possibilité d’une modulation locale, votée sous forme d’euros additionnels par les assemblées délibérantes ».

Si la réforme fiscale a joué un rôle mineur dans les débats du congrès de Dijon, elle deviendra un des thèmes importants du congrès suivant qui se tient au Mans en novembre 2005. Lors des débats préparatoires au congrès, le clivage révélé par le référendum sur la constitution européenne a été déterminant pour la recomposition des courants : Fabius et Mélenchon qui ont porté le combat contre la ratification du traité constitutionnel font motion commune, Hollande, Aubry et DSK regroupent dans leur motion tous ceux qui ont soutenu le oui, Emmanuelli et Benoît Hamon rejoignent la motion du Nouveau Parti socialiste portée par Montebourg et Peilllon, qui rassemble également de nombreux partisans du non au référendum.

L’opposition frontale entre François Hollande et Laurent Fabius qui s’est cristallisée lors du référendum sur l’Europe se retrouve en filigrane des motions. Sous le titre « dire la vérité sur l’impôt », la motion Hollande énonce « Nous ne pouvons plus être les champions de la réforme fiscale dans l’opposition (progressivité de l’impôt direct, baisse de la fiscalité indirecte et refonte des prélèvements locaux) et les gestionnaires des archaïsmes fiscaux au pouvoir quand certains d’entre nous ne se font pas les chantres de la baisse de l’impôt ». La pique est dirigée contre Laurent Fabius et les baisses d’impôts de 2001, mais elle résonne avec une toute autre sonorité après le quinquennat Hollande.

Les 3 principales motions se retrouvent néanmoins sur la même position en ce qui concerne la réforme fiscale. La synthèse finale qui rassemble les principaux courants du PS  proposera « la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ce qui aura pour effet de rendre notre système de prélèvement plus progressif et donc plus juste », tout en y intégrant la Prime pour l’emploi. Elle sera reprise en 2006 dans le projet élaboré par le PS pour la campagne présidentielle qui évoque la perspective « d’un impôt citoyen sur le revenu, harmonisant les bases fiscales de l’impôt sur le revenu avec celles de la CSG».

Cette proposition d’un impôt citoyen sur le revenu prélevé à la source et exprimé en taux moyen et non en taux marginaux, comme sous le Front populaire, a été développée et approfondie dans un rapport d’information de l’Assemblée nationale de Didier Migaud publié début 2007 : « Le prélèvement à la source de l’IR et le rapprochement puis la fusion de l’IR et de la CSG ». Elle était reprise dans la contribution sur le budget et la fiscalité que Dominique Strauss-Kahn, François Marc et Didier Migaud remettent à Ségolène Royal pour la campagne présidentielle de 2007. Curieusement, parmi les 100 propositions de la candidate, aucune ne concernait la réforme fiscale ! La candidate attentive aux sondages, comme d’ailleurs son adversaire Nicolas Sarkozy, ne pouvait guère s’intéresser à une réforme difficile et n’apportant pas de satisfaction en termes électoraux.

Les textes du PS se bornaient à proposer la fusion sans en approfondir les conditions de réalisation. Le rapport Parlementaire de Didier Migaud, appuyé sur des travaux commandés à l’OFCE, va apporter au contraire une analyse approfondie des faiblesses et des archaïsmes de notre imposition des revenus et proposer une démarche progressive pour aboutir à un impôt réunifié.

Didier Migaud considère que le préalable à toute réforme importante de l’imposition du revenu est le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, puis le rapprochement progressif des 2 assiettes, en supprimant notamment les nombreuses niches qui mitent l’assiette de l’IR. C’est aussi le point de vue de l’étude que j’ai publiée en 2010 à la Fondation Jean-Jaurès, « Un impôt citoyen pour une société plus juste », qui plaide pour un impôt prélevé à la source, rapprochant puis fusionnant l’IR et la CSG dans un impôt individualisé. Le même objectif final était proposé dans l’ouvrage de Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez publié en 2011 (La révolution fiscale, Seuil), mais à travers une « nuit du 4 aout », un big bang fiscal, consistant à absorber l’IR dans une CSG rendue progressive, pour obtenir d’emblée un impôt progressif individualisé avec une assiette large et non mitée.

La fusion de l’IR et de la CSG se diffuse à droite !

Avec des motivations différentes, le débat sur la fusion IR-CSG va, l’espace d’une année, se diffuser à droite.

En avril 2010, Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, prolongeant une proposition faite un mois plus tôt par Hervé Mariton, propose à son tour un grand impôt payé par tous les ménages qui résulterait de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Mais à la différence des propositions émanant de la gauche qui penchent pour l’individualisation de l’impôt fusionné, Copé propose au contraire d’appliquer le quotient familial à l’ensemble.

Une proposition analogue est faite par le rapporteur général UMP du budget au Sénat dans un article du Monde daté du 6 avril. Il propose « d’unifier dans un seul impôt personnel l'impôt sur le revenu et la CSG, après avoir supprimé toutes les déductions fiscales, imputations et niches diverses, tout en préservant le quotient familial » et de « supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune comme le bouclier fiscal, en augmentant à due concurrence le produit de l'impôt ». Alors que le président du groupe UMP à l’Assemblée considère que cette grande réforme doit se faire sans augmentation des impôts, le rapporteur général du budget du Sénat ne l’exclut pas, soulignant que « chacun sait que l'écart à combler d'ici à 2013 ne pourra l'être par la seule croissance et par la seule sévérité dans l'arbitrage des dépenses... Qui peut croire que l'ajustement se fera sans toucher à la fiscalité, et plus généralement aux prélèvements obligatoires ? » écrit-il dans l’article cité.

L’espace d’une année, gauche et droite proposent ainsi de réunifier notre imposition des revenus au sein d’un grand impôt prélevé à la source, mais avec des objectifs opposés. Pour la droite il s’agit d’appliquer le quotient familial à l’ensemble, de façon à alléger le poids de l’impôt sur les familles des classes moyennes. La gauche souhaite au contraire augmenter la progressivité de l’ensemble et éventuellement individualiser l’impôt.

La droite abandonnera vite cette piste de l’impôt réunifié pour s’opposer au projet fiscal de la gauche à la présidentielle de 2012, et s’opposera même au prélèvement à la source lorsqu’il sera voté par la gauche.

Quant à François Hollande, il restera ambigu sur la question familiale tout en prônant - au moins jusqu’en 2012 - la révolution fiscale.

2009-2012 : François Hollande candidat de la « révolution fiscale »

Après le congrès de Reims, qui voit en 2008 Martine Aubry lui succéder à la tête du PS, François Hollande prépare en effet sa candidature à l’élection présidentielle de 2012 en lançant à Lorient en juin 2009 trois pactes pour préparer l’avenir : un pacte productif, un pacte redistributif et un pacte éducatif. Et c’est à Périgueux en octobre 2009, à l’occasion de la présentation de son premier pacte - le pacte redistributif -, qu’il détaillera sa « grande réforme » de l’imposition des revenus.

Son discours de Périgueux « Une réforme fiscale pour une France plus juste et plus forte »[2] quelque peu oublié par la suite, serait resté le discours fondateur du quinquennat si la « grande réforme » qui fut au cœur de sa précampagne n’avait pas été oubliée au pouvoir.

Après avoir rappelé combien il était difficile dans une campagne électorale d’évoquer la fiscalité - sauf pour la baisser - le futur président justifie le choix de mettre la question fiscale au cœur de son projet présidentiel par deux raisons. La première est l’ampleur des déficits qui a pour conséquence que « la question n’est pas de savoir si on va augmenter les impôts ou pas, mais de savoir quels prélèvements vont augmenter et qui va les payer ».

La deuxième raison est « l’amplification des inégalités en raison d’un mouvement continu d’affaiblissement de l’impôt sur le revenu... les taux supérieurs ont été abaissés, le bouclier fiscal permet aux plus hauts revenus d’échapper à toute contribution supplémentaire, ... 450 niches fiscales atteignant 70 Mds d’euros atténuent le rendement de l’impôt si bien que la CSG rapporte désormais davantage que l’IR ».

Face à ce constat il propose une réforme radicale :

tous les revenus doivent être soumis à l’impôt de la même manière et avec les mêmes taux, qu’ils proviennent du capital, du travail ou des transferts ; toutes les déductions, exonérations, et niches fiscales seraient supprimées et éventuellement remplacées par des subventions ou des allocations car « en aucune manière l’intervention publique doit relever d’une réduction de l’assiette ou de l’impôt lui-même ». il n’y aurait plus qu’une seule imposition : CSG, Impôt sur le revenu et Prime pour l’emploi seraient fusionnés et le prélèvement à la source généralisé ; quant à la taxe d’habitation, elle deviendrait un impôt additionnel à l’impôt sur le revenu

Rien n’était dit en revanche sur la question cruciale de l’individualisation de l’impôt qui est pourtant le nœud gordien de la fusion d’un impôt individualisé, la CSG, avec un impôt familialisé, l’IR. Ce sujet politiquement délicat conduira d’ailleurs le candidat à amender profondément son discours au fil de la campagne et contribuera avec bien d’autres facteurs à l’abandon de ses intentions réformatrices au pouvoir.

Mais le discours fondateur, celui que François Hollande préparera longuement avec la volonté de réussir - à gauche - ce que Sarkozy avait réussi cinq ans plus tôt Porte de Versailles[3], c’est le discours du Bourget. Tous les ingrédients susceptibles de rassembler le peuple de gauche y étaient. Son itinéraire personnel « la gauche je ne l’ai pas reçue en héritage... », le volontarisme politique « il n’y a jamais, je dis bien jamais une seule politique possible, quelle que soit la gravité de la situation », « l’âme de la France, l’égalité », enfin la phrase qui restera cruellement quelques années plus tard comme le symbole du reniement : « Dans cette bataille qui s’engage je vais vous dire qui est mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu et pourtant il gouverne. Cet adversaire c’est le monde de la finance ».

Après avoir rappelé que le redressement ne sera possible que dans la justice, il déclinera dans une de ces anaphores qu’il affectionne les mesures de justice fiscale de son programme et notamment celle qui deviendra son engament 14 : « c’est pour la justice que je veux fusionner après les avoirs rapprochés, l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée, dans le cadre d’un prélèvement progressif sur le revenu ».

Et comme si cela ne suffisait pas, il annoncera quelques semaines après, pour contrer la montée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, une taxe de 75 % sur les revenus de plus d’un million d’euros. Inspirée des mesures fiscales de Roosevelt, la taxe en question, qui prit de court ses conseillers, ne vivra qu’une seule année. Son conseiller de l’ombre pendant la campagne, Emmanuel Macron résumera l’éphémère proposition : « les 75 % c’est Cuba sans le soleil ».

[1] « Pierre-Alain Muet : des réformes structurelles sont nécessaires pour revenir au plein emploi » Propos recueillis par Dominique Seux, Les Echos, 2 et 3 juin 2000.

[2] « Une réforme fiscale pour une France plus juste et plus forte », Discours de François Hollande, Périgueux 17 octobre 2009, Association Répondre à Gauche.

[3] Voir Aquilino Morelle « l’abdication » Grasset 2017, page 38.