Jacques Delors nous a quittés aujourd’hui. Avec lui disparait l’un des grands bâtisseurs de l’Union européenne. Mais aussi un homme politique qui incarnait, comme Pierre Mendès-France qu’il admirait, la morale en politique.
Dans la préface du recueil de ses discours que j’ai eu l’honneur de publier en 1996 sous le titre « Combats pour l’Europe », j’écrivais : « Pour porter ce projet atypique dans l’histoire d’une construction démocratique unifiant les peuples et les nations, il fallait une capacité d’écoute et de dialogue peu commune, combinée à une volonté tenace. Ecoute et volonté lui avaient permis de relancer la construction européenne, alors en panne au milieu des années 80, en partant du seul thème qui faisait consensus à l’époque : l’aboutissement du grand marché. Puis en s’appuyant sur cet acquis, de lancer simultanément les travaux sur l’union économique et monétaire et l’union politique, car pour lui l’union monétaire était étroitement liée à une avancée dans l’union politique ».
L’Europe ainsi renforcée put accueillir dans les décennies suivantes nos partenaires de l’Est qui s’ouvraient à la démocratie. Quand le mur de Berlin s’effondre, il soutient sans hésiter la réunification allemande, prélude à l’entrée des nations de l’est européen dans l’Union. On mesure aujourd’hui face aux menaces des dictatures, l’importance de l’union des démocraties de notre continent.
Jacques Delors c’était aussi la morale en politique. Une morale qui le conduisit à refuser en 1997 de prendre la tête d’une campagne présidentielle qui semblait acquise mais dont il n’était pas certain de partager les convictions. Quand Lionel Jospin fut candidat, il n’hésita pas en revanche à le soutenir et à présider son comité de soutien.
Aujourd’hui c’est une grande voix qui disparait. C’est aussi pour moi un homme qui a beaucoup compté dans mon engagement politique.