Je suis favorable à l'inscription de l'état d'urgence dans la constitution pour en renforcer le contrôle, comme je l'ai indiqué vendredi 5 février dans la discussion de l'article 1 de la réforme constitutionnelle. Mais je suis profondément opposé à l'introduction de la déchéance de nationalité dans la constitution inscrite dans son article 2.
La réforme constitutionnelle devait nous rassembler. Cet article nous divise, à gauche comme à droite. La force de la République, c'est de combattre la barbarie sans abîmer ses valeurs, ses principes, ses droits fondamentaux.
Cette mesure de circonstance n'a pas sa place dans la constitution. Depuis 1803 jusqu'à ce jour, les règles relatives à la nationalité n'ont plus figuré dans aucune constitution de la France. Et l'article 34 dit précisément qu'elle relève de la loi.
Non seulement cette déchéance est inefficace, mais elle n'a que des effets pervers. Soit elle s'applique à tous les terroristes et contrevient à l'esprit de la déclaration universelle des droits de l'homme qui exclut l'apatridie, soit elle ne concerne que ceux qui ont une autre nationalité et elle n'est guère conforme au principe d'égalité fondateur de notre république.
C'est pourquoi j'ai voté les amendements de suppression de cet article :
http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/%28legislature%29/14/%28num%29/1226
ainsi que l'amendement remplaçant cet article par une déchéance des droits attachés à la citoyenneté qui ne créerait ni apatrides ni discrimination :
http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/%28legislature%29/14/%28num%29/1227
Aucun de ces amendements n'ayant été adoptés, j'ai voté contre l'article 2 :
http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/%28legislature%29/14/%28num%29/1231
et je voterai contre l'ensemble du texte.
Dans la vidéo ci-dessous, mon intervention dans la nuit de lundi à mardi contre l'inscription de la déchéance de nationalité dans la constitution.
Nous sortons d'une année terrible marquée par les dramatiques attentats terroristes qui ont frappé notre pays. Les réactions spontanées de nos concitoyens à ces attentats ont montré que les valeurs de la république sont bien vivantes dans notre pays.
En cette année 2016, où l'unité nationale est plus que jamais nécessaire, nous avons besoin de mesures efficaces pour lutter contre le chômage et la précarité ; nous avons besoin de mesures efficaces pour lutter contre le terrorisme dans le respect de nos valeurs démocratiques ; nous avons besoin également de mesures symboliques qui nous rassemblent autour des valeurs de la république ; nous n'avons en revanche nul besoin d'ouvrir un énième débat sur l'identité nationale.
Faisons de 2016 une année d'espérance et d'unité. Ce sont les vœux que je forme pour notre pays, en vous adressant mes meilleurs vœux pour vous, votre famille et vos proches.
L'extension de la déchéance de nationalité pour des binationaux nés en France n'est d'aucune efficacité pour lutter contre le terrorisme et insupportable sur le plan des symboles, en ce qu'elle transforme la question des mesures nécessaires pour lutter contre le terrorisme en un débat nauséabond sur l'identité nationale. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette proposition est portée depuis longtemps par le Front national. Ce qui est stupéfiant, c'est qu'elle ait pu être reprise par un gouvernement de gauche.
La question n'est pas en effet la lutte contre le terrorisme. Cette mesure n'aura dans ce domaine aucune efficacité comme l'a reconnu d'ailleurs le Premier ministre lors de présentation du projet de loi constitutionnelle : « L'efficacité ici - et tout le monde l'aura compris - n'est pas l'enjeu premier. C'est une mesure - je l'ai déjà dit - hautement symbolique. »
Venons-en alors au symbole. C'est le pire des symboles. Si la sanction en question pouvait être appliquée à tout terroriste français condamné, comme a pu l'être l'indignité nationale instaurée à la Libération, elle ne poserait pas de problème. Mais comme il est impossible de déchoir de sa nationalité un Français n'ayant pas d'autre nationalité, puisque l'ONU interdit de créer des apatrides, cette déchéance ne pourrait s'appliquer qu'aux Français nés en France et possédant une autre nationalité. C'est contraire au principe d'égalité puisque ce n'est plus le crime qui détermine la peine mais l'origine de la personne. C'est surtout laisser entendre que ces Français binationaux ne sont pas des Français comme les autres.
Il est encore temps de se reprendre. Les voix de Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry, Pierre Joxe, Anne Hidalgo et bien d'autres, et l'appel du Mouvement des Jeunes Socialistes montrent que la gauche, celle qui croit aux valeurs, est encore bien vivante. Car, n'en déplaise au Premier ministre, c'est en oubliant les valeurs qui sont les nôtres, qu'en d'autres temps, des dirigeants socialistes se sont égarés et ont déconsidéré la gauche. Quant à l'argument sur les sondages, il est tout simplement choquant de la part de responsables politiques. De Gaulle en 1940 et Mitterrand sur la peine de mort en 1981 ont pris des décisions qui étaient très minoritaires à l'époque, mais qui ont fait l'histoire. On ne gouverne pas un pays avec de petits calculs politiciens.
Dans la suite de cette note, deux témoignages de militants de ma circonscription parmi les nombreux reçus qui me confortent dans la décision que j'ai prise dès mercredi 23 décembre quand, après avoir salué la veille sur twitter l'annonce du retrait de cette proposition, j'ai découvert avec stupéfaction qu'elle figurait dans le projet de Loi.
C'est pourquoi, si cet article sur la déchéance de nationalité était maintenu dans sa forme actuelle, je voterais contre le projet de loi constitutionnelle.
Le conseil constitutionnel a censuré la CSG dégressive (article 77) au motif qu'elle introduisait « une inégalité entre salariés et non-salariés»
Ci-après, notre réaction avec Jean-Marc Ayrault dans un communiqué à l'AFP :
« Depuis plus de 15 ans, les socialistes tentent de corriger l'injustice de la CSG dont le caractère proportionnel pénalise les travailleurs les plus modestes en taxant à taux plein les revenus d'activité au premier euro.
Nous avons donc voulu, avec 158 députés socialistes et le soutien des groupes radicaux et écologistes à l'Assemblée nationale, remplacer une part de la prime d'activité par une réduction dégressive de CSG.
Après cette décision du Conseil constitutionnel, nous demandons au gouvernement de reprendre rapidement ce chantier indispensable à la justice fiscale, et nous sommes prêts à y reprendre toute notre part.
La réforme fiscale est un engagement collectif de la majorité, elle est nécessaire à la compréhension et à l'acceptation de l'impôt : c'est un enjeu démocratique que l'on ne peut ignorer."
Vous trouverez dans le pdf ci-joint le mémoire (amicus curiae dans le vocable des juristes) que nous avions transmis lundi 21 décembre au Conseil Constitutionnel en réponse au recours de l'opposition, qui répondait par avance dans sa 3ème partie à la différence de traitement entre les salariés et les non-salariés en soulignant notamment « que le versement direct sur la feuille de paie introduit par cet article demeurera sans incidence sur le montant même de prime que chacun (salarié et non-salarié) est susceptible de recevoir globalement. Pour l'essentiel, l'article 77 se borne à introduire une différence dans le mode de versement, inhérente au fait que par construction un versement sur la feuille de paie est impossible pour les non-salariés, et que la connaissance du revenu requise pour la liquidation de la prestation n'a rien de commun entre les deux situations. »
Amicus Curiae Ayrault-Muet transmis au Conseil Constitutionnel
Voir également l'analyse de Laurent Mauduit dans Mediapart : Le Conseil Constitutionnel, gardien de la contre-révolution fiscale, censure l'amendement Ayrault-Muet: http://bit.ly/1PxDxDC
Avec l'adoption définitive du Projet de Loi de finances, notre amendement prévoyant le versement direct sur la feuille de paie des salariés d'une fraction de la prime d'activité , par un mécanisme de ristourne dégressive de CSG, a été définitivement adopté par le Parlement (article 77 de la Loi de Finances). Sous réserve de validation par le Conseil Constitutionnel, il entrera en application au 1er janvier 2017.
Sa mise en œuvre est une simplification pour les salariés bénéficiant de la prime d'activité, qui en recevront directement la part la plus importante sur leur feuille de paie, chaque mois, sans aucune démarche de leur part, lorsque leur salaire horaire est inférieur à 1,34 SMIC.
Pour les salariés dont la CSG est prélevée mensuellement directement sur le salaire, cette dégressivité rétablit une continuité de la progressivité de l'imposition des revenus. Au lieu de commencer a un taux moyen de 9,7 % au SMIC, le taux de prélèvement effectif sera de 1,4 % au SMIC, 3,8 % à 1,1 SMIC, 7,5 % à 1,2 SMIC et se raccorde à partir de 1,34 SMIC à l'imposition traditionnelle.
Pour les non-salariés où la CSG est prélevée par forfait ou auto-liquidée, et où un versement sur la feuille de paie est par nature impossible, la compensation de la CSG pour les revenus modestes reste le versement de la prime d'activité.
La suite de cette note répond aux interrogations posées et aux arguments développés lors des débats en séance et dans la presse sur notre amendement.