Représentant l'Assemblée nationale auprès de l'OCDE (Organisation de Développement et de Coopération Economiques), j'ai participé ce jour au séminaire réunissant les représentants des parlements nationaux des pays membres. Au programme, la présentation des perspectives économiques de l'OCDE mises à jour début septembre, qui enregistrent une amélioration de la situation notamment européenne, puis un exposé sur le travail remarquable fait par L'OCDE sur la lutte contre l'érosion des bases fiscales du fait de l'optimisation fiscale des multinationales.
L'après-midi était consacrée à 3 sujets : les migrations, l'influence des lobbys et les indicateurs de bien-être. S'agissant de la lutte contre l'optimisation fiscale, il a été décidé de mettre en œuvre un groupe de travail parlementaire dédié pour suivre l'avancée des travaux sur ce sujet.
Peut-on à la fois réduire les déficits et inverser durablement la courbe du chômage ? Oui, à deux conditions. Tout d'abord, mettre à profit le délai de 2 ans accordé par l'Europe pour réduire le déficit structurel de façon plus modérée afin de laisser l'économie rebondir.
Ensuite, mettre en oeuvre une action massive et sans complexe sur l'emploi, car dans la situation de notre pays où la contrainte majeure qui pèse sur les entreprises est la faiblesse de la demande (cf graphique), c'est la création directe d'emploi par les pouvoirs publics qui fait la croissance. En créant un emploi d'avenir ou un emploi aidé dans le secteur non marchand, on ne crée pas seulement un emploi, on augmente le revenu et la consommation et l'on crée des débouchés pour les entreprises qui à leur tour vont investir et embaucher.
En compensant les destructions d'emploi du secteur privé, ces créations d'emploi rétablissent le cercle vertueux « emploi-revenu-croissance » que la récession a cassé. Autrement dit, le pari du Président de la République d'inverser rapidement la courbe du chômage est non seulement tenable, mais c'est la meilleure façon de faire redémarrer l'économie et de réduire durablement le chômage et les déficits
Graphique : pourcentage des entreprises ayant des difficultés d'offre et/ou de demande en juillet 2013 (Insee)
Commentaire : Les difficultés d'offre regroupent l'insuffisance d'équipements ainsi que les difficultés financières, de recrutement ou d'approvisionnement. 14% seulement des entreprises connaissent l'une de ces difficultés, alors qu'elles sont 50% à avoir des difficultés de demande, c'est à dire des commandes insuffisantes. Enfin, 12% des entreprises ont à la fois des difficultés d'offre et de demande. La source est l'enquête trimestrielle de l'Insee dans l'industrie de juillet 2013.
Retrouvez ci-dessous mon article du 06/09/2013 publié dans l'Humanité.
On aborde aujourd'hui la question de la croissance de façon totalement schizophrénique : à court terme, on espère le retour de la croissance pour inverser la courbe du chômage et sortir de la récession ; à long terme, nous savons bien que l'impact massif de l'activité humaine sur la biosphère et le réchauffement climatique condamnent le modèle de croissance que nous connaissons depuis la révolution industrielle.
« Le capitalisme est une force qui va, mais qui ne sait pas où elle va », selon la formule de Lionel Jospin. Sa force est sa capacité à développer l'offre en créant continuellement de nouveaux produits qui suscitent de nouveaux besoins ; ses deux défaillances majeures sont son incapacité à assurer spontanément une augmentation parallèle de la demande solvable – d'où les crises – et son incapacité à respecter l'environnement. Si on se contente d'aborder de façon séparée les deux problèmes, on risque de résoudre l'un en aggravant l'autre. C'est donc bien en reposant la question de la finalité du développement économique que l'on pourra résoudre les deux crises – économique et écologique.
Croissance nulle depuis cinq ans, chômage massif, compétitivité en berne et dette fortement dégradée : quand François hollande est élu président de la République, la France est gravement malade, affectée par une crise sans précédent. Une situation qui appelle une thérapie subtile, équilibrée, bien éloignée des politiques unijambistes qui alimentent souvent les discours politiques. En mettant en perspective les mesures prises depuis un an, je montre leur cohérence et plaide pour qu'une attention plus forte encore soit accordée à l'emploi et à la demande.
Téléchargeable gratuitement sur le site de la fondation Jean Jaurès:
Ce livre écrit durant la première année du quinquennat de François Hollande mettait en perspective les mesures prises au cours de cette première année avec les engagements de la campagne présidentielle et la situation économique. S’il soulignait la cohérence de la politique conduite en début de quinquennat, il plaidait pour qu’une politique ambitieuse soit menée en matière d’emploi et qu'une attention plus forte soit accordée à la demande face à l’affaiblissement de la croissance européenne.
Ce ne fut malheureusement pas le chemin que suivit François Hollande dans la suite de son mandat.
Vous pouvez télécharger gratuitement cet ouvrage en pièce jointe ci-dessous.
Le bon objectif de solde budgétaire est le solde structurel qui présente un triple avantage :
1) Au niveau macroéconomique d'abord, il laisse jouer les stabilisateurs automatiques: on évite ainsi d'aggraver les récessions par des politiques d'austérité; et, dans les hauts de cycle, de procéder à des allègements fiscaux, qui paraissent anodins mais que l'on paie plus tard par une augmentation du déficit structurel.
2) Il respecte le vote du parlement. On ne vote ni un taux de croissance ni une situation conjoncturelle, mais des mesures qui s'incarnent dans l'effort structurel, c'est à dire dans la variation du solde structurel.
3) Enfin, il donne la véritable tendance du déficit budgétaire. La crise a creusé les déficits à peu près de la même façon en Allemagne, en France et en Europe. Les déficits de 2012 retracent ainsi ceux qui prévalaient avant la crise lorsque la France a accumulé un déficit structurel considérable, alors que l'Allemagne était revenue a l'équilibre.
Ci dessous, un extrait vidéo de mon intervention; le texte dans la suite de cette note
Gilles Carrez, Président de la Commission des finances, évoque un dérapage des finances publiques de 20 milliards d'euros et demande en urgence une Loi de finances rectificative. Ces propos quelque peu démagogiques montrent que sur ce sujet, la droite n'a rien appris et rien compris.
C'est une présentation démagogique car brandir un chiffre de 20 mds en évoquant une dérive est choquant, alors que l'écart à l'objectif de 3 % en 2013 est un creusement conjoncturel du déficit parfaitement assumé par le gouvernement (qui prévoit 3, 7%) et par la Commission européenne qui a accordé un délai de 2 ans pour revenir à 3 %.
Rien appris, car la bonne politique quand notre pays traverse une récession n'est pas d'ajouter de l'austérité à la récession en accumulant des plans d'austérité pour courir après un déficit nominal, comme l'a fait la droite en 2011 après avoir laissé dériver les déficits pendant 9 ans. C'est au contraire de privilégier un objectif de déficit structurel, comme le prévoit d'ailleurs le traité européen, pour laisser au budget son rôle d'amortisseur de la conjoncture.
Rien compris, car respecter le vote du Parlement, c'est respecter le déficit structurel puisque son évolution représente exactement les mesures votées par le Parlement, contrairement au déficit nominal qui dépend de la conjoncture.
Contrairement aux propos de Gilles Carrez qui, ayant été rapporteur du budget pendant les 10 années où la droite a doublé la dette de la France, n'est pas le mieux placé pour donner des leçons, la position de la majorité est à la fois pertinente sur le plan économique et juste sur le plan politique.
Plus l'entreprise est grande et mondiale, moins elle paie d'impôts ?
C'est exactement le problème. Les PME paient en France un taux d'imposition moyen de 30%, très proche du taux théorique de 33%, quand les entreprises du CAC 40 paient un taux moyen de 8%, et les plus grandes ne paient rien. C'est particulièrement vrai des multinationales américains comme Apple, Google, Starbuck, qui ne paient d'impôt sur les sociétés ni en France, ni en Allemagne, ni d'ailleurs aux Etats-Unis...
C'est de la fraude ?
Ces entreprises ne fraudent pas, elles utilisent toutes les failles du système international. En Europe, ces deux failles sont l'Irlande et les Pays-Bas, qui accueillent la plupart des holdings des sociétés multinationales, dont les entreprises du numérique. Car elles ne taxent pas les revenus qui partent vers les paradis fiscaux, sous forme de redevances de marque ou autre... C'est choquant, mais c'est légal, c'est de l'optimisation fiscale.
Que peut-on attendre du G8 ?
Qu'il soit plus ferme à l'égard des paradis fiscaux... Entre les discours tenus en 2009 et maintenant, rien n'a été fait. Ce qui a changé depuis, c'est que les opinions ont été choquées en découvrant des pratiques qui n'étaient pas vraiment connues, comme celles d'Apple ou de Starbuck. Et cela a obligé les gouvernements à se mobiliser. Ce qui a également changé, c'est la récession qui conduit tous les pays à rechercher des recettes fiscales : il scandaleux de voir des grandes entreprises ne payer aucun impôt quand tout le monde doit se serrer la ceinture.
Recueilli par Francis Brochet
Déplacement à Berlin dans le cadre des échanges bilatéraux entre les bureaux des commissions des finances des deux Parlements. Le matin, la réunion des deux délégations des commissions des finances était consacrée à la présentation des missions parlementaires françaises portant l'une sur l'exil fiscal, l'autre sur l'optimisation fiscale des grandes entreprises. L'après-midi rencontre avec les fonctionnaires de l'administration des finances pour évoquer les mêmes sujets. Un consensus existe pour avancer dans le cadre du G20 sur la lutte contre l'optimisation fiscale des grands groupes et au sein de l'Union européenne sur une assiette harmonisée de l'impôt sur les sociétés.
En fin d'après-midi rencontre PS-SPD. La délégation du SPD était composée de Joachin Poss, vice-président du groupe SPD en charge des Finances, Lothar Bindung, Porte-parole du Groupe SPD en charge des finances, et Karsten Sieling, rapporteur en juin 2011 de la résolution commune PS-SPD relative à la taxation des transactions financières. La délégation française comportait Christian Eckert, Valérie Rabault et moi même.
Les deux délégations ont réaffirmé leur attachement à la mise en place rapide dans le cadre de la coopération renforcée réunissant 11 Etats membres autorisée par le conseil européen du 22 janvier d'une taxe sur les transactions financières comportant une assiette large, incluant notamment les produits dérivés
Le 27 février dernier, la commission des Finances de l'Assemblée nationale a décidé de créer une mission d'information sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international.
Cette mission, dont je suis rapporteur et qui est présidée par Eric Woerth, compte six autres députés, représentant chacun des groupes de l'Assemblée. Elle vise à caractériser les principaux schémas permettant aux grandes entreprises d'échapper en tout ou partie à l'impôt en France, en toute légalité. Elle s'inscrit donc pleinement dans les démarches conduites au niveau international -notamment par l'OCDE dans son rapport dit « BEPS » (Base erosion and profit schifting – Lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices), européen et national)
La mission s'intéresse naturellement au secteur du numérique, qui constitue un enjeu central, mais ses travaux excèdent sensiblement ce seul domaine. Elle a déjà procédé à de nombreuses auditions dont la liste se trouve dans la suite de cette note. D'autres auditions sont également prévues.
Certaines entreprises refusent, à ce stade, d'être entendues par la mission. Le président et le rapporteur se réservent la possibilité de faire usage des pouvoirs qui leur ont été conférés par la commission des Finances lors de sa réunion du 15 mai dernier, en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF). Le président et le rapporteur pourront notamment consulter des dossiers fiscaux, le secret fiscal ne leur étant pas opposable.
La mission, qui devrait rendre son rapport avant la fin du mois de juillet, formulera des propositions, notamment dans la perspective de l'examen du projet de loi de finances pour 2014.