27
Sep
2019

Le revenu universel défendu par Benoit Hamon a été l’une des rares propositions innovantes de la dernière campagne présidentielle. Mais les campagnes présidentielles sont plus propices au prêt-à-porter idéologique qu’à la pédagogie. Pourtant, le revenu universel n’est pas une utopie couteuse, mais l’aboutissement de 30 ans de tâtonnement pour mettre en place une protection sociale adaptée au 21ème siècle.

Pour comprendre qu’il n’est ni difficile ni couteux de remplacer le RSA et la Prime d’activité par un vrai revenu universel, prenons le problème à l’envers. Supposons que notre impôt sur le revenu ait été dès l’origine prélevé à la source dès le premier euro et qu’un revenu universel d’un montant égal au RSA, versé à tous les contribuables-citoyens par l’administration fiscale ait été créé en même temps que cet impôt. A quoi ressemblerait aujourd’hui ce dispositif ?

L’administration fiscale versant tous les mois le revenu universel et prélevant tous les mois l’impôt sur le revenu ferait les deux opérations en même temps. Elle verserait donc à chaque citoyen-contribuable le solde du revenu universel et de l’impôt sur le revenu. Pour un contribuable n’ayant aucun revenu d’activité ou de remplacement, ce solde est égal au revenu universel. A partir du premier euro gagné, l’impôt sur le revenu augmente et l’allocation versée aux faibles revenus est inférieure au revenu universel puisqu’il est amputé de l’impôt sur le revenu. Enfin, lorsque l’impôt devient supérieur au revenu universel, le solde est un prélèvement.

Or c’est précisément ce que produit l’ensemble « RSA, Prime d’activité, CSG et Impôt sur le revenu », mais d’une façon incohérente. La prime d’activité consiste dès les premiers euros gagnés à verser le RSA en l’amputant de 38 % des revenus d’activités et cela jusqu’à 1,3 SMIC en 2017 (1,5 en 2019). La CSG commence (presque) au premier euro au taux moyen de 9,7 %, tandis que l’impôt sur le revenu commence à 1,2 SMIC et au taux marginal de 14 %. La CSG est individualisée alors que le RSA et l’impôt sur le revenu sont familialisés, mais d’une façon différente (le conjoint compte pour ½ part dans le RSA, une part dans l’IR). Enfin la CSG et l’impôt sur le revenu sont prélevés automatiquement alors que le RSA et la Prime d’activité doivent être demandés.

L’objet de cette note est de montrer qu’en transformant ces prestations sociales (RSA et Prime d’activité) en un revenu universel intégré dans un impôt prélevé à la source, on peut redonner une cohérence complète à notre imposition des revenus et jeter la base d’une protection sociale plus universelle et plus efficace. Et cette réforme constitue aussi une réforme fiscale qui rend l’ensemble de notre imposition du revenu (IR et CSG) plus juste, car plus progressive.

La suite de la note détaille les 3 scénarios présentés dans le dernier chapitre du livre « un impôt juste, c’est possible ». La réforme abaisse l’impôt des ménages modestes sans augmenter celui de quiconque puisqu’en créant un revenu universel intégré dans l’impôt sur le revenu, elle réduit l’impôt des contribuables modestes en commençant par un impôt négatif (un versement) puis en rejoignant l’imposition actuelle du revenu pour un seuil compris entre 1,4 SMIC (scénario 1) et 2 SMIC (scénarios 2 et 3). Les 3 critères qui différencient ces scénarios sont le montant et le champ du revenu universel (notamment son extension aux jeunes) et le point de raccord avec l’imposition actuelle.

Les simulations présentées dans la suite de cette note détaillent celles qui sont publiées de façon résumée dans l’ouvrage. Elles sont calées sur les revenus de 2017 et sur le barème de l’impôt et de la prime d’activité de l’année en question.

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24
Mai
2019

La vague populiste et nationaliste qui déferle sur l’Europe risque de mettre à mal la seule construction politique qui permit la paix et la prospérité de notre continent et reste indispensable pour conserver la maîtrise de notre destin.

Mais le rempart contre ces dérives n’est certainement pas la macronie, même si le Président de la république n’a de cesse de se présenter comme le défenseur du progressisme face au populisme et au nationalisme. Car Emmanuel Macron n’est pas progressiste. Sa politique n’est que le prolongement sous un autre nom des politiques de droite qui ont dominé l’Europe ces 15 dernières années, creusé les inégalités et conduit à la situation que nous connaissons.

La famille socialiste reste la principale force progressiste du Parlement européen et la seule capable de fédérer la gauche et les écologistes pour réorienter l’Europe et mettre en échec l’éclatement dont rêvent les partis europhobes.

Car le véritable enjeu de ces élections n’est pas de savoir si le Rassemblement national dépassera ou non LREM en France, mais qui de la droite ou de la gauche dominera le Parlement européen dans les 5 années qui viennent.

Attaché depuis toujours au socialisme démocratique et à la construction européenne je voterai dimanche pour la liste «Envie d’Europe», emmenée par Raphaël Glucksmann.

10
Fév
2019

Comment rendre l'impôt juste ? Déjà, dans les cahiers de doléances lors de la Révolution, la question enflammait les débats de la Convention. Ci-après, mon interview par Béatrice Mathieu paru dans l’Express du 6 au 12 Février.

Trop plein de taxes, injustice fiscale, consentement à l’impôt... les questions soulevées par les gilets jaunes sont aujourd'hui au coeur du grand débat national. Comme une boucle sans fin de l'Histoire, ces mêmes revendications ont enflammé les débats de la Convention, au lendemain de la Révolution, il y plus de deux siècles.

Dans son essai Un impôt juste, c'est possible ! paru au Seuil, Pierre-Alain Muet, ancien conseiller économique de Lionel Jospin, livre un éclairage historique passionnant sur cette question fiscale qui, loin d'être réglée, attise toujours la colère sociale.

L’Express : En quoi le consentement à l’impôt est-il l’un des fondements de nos démocraties ?

PAM. C’est la nécessité de faire consentir le peuple à l’impôt qui est à l’origine de la fondation des parlements en Grande Bretagne, en France ou encore aux Etats-Unis. Cette histoire commence en Angleterre en 1215 avec l’adoption de la grande charte (Magna Charta) qui oblige le roi Jean sans Terre à obtenir l’accord d’un grand conseil - transformé ensuite en parlement- pour lever de nouveaux impôts. En 1302, la même raison conduira le roi Philipe Le Bel à la création des Etats généraux. Sauf qu’en France à partir du XVème siècle, la monarchie devenant absolutiste se passe de cette assemblée, ce qui débouchera inexorablement sur la Révolution. A l’opposé, de l’autre coté de la Manche, les conflits récurrents entre les souverains et le parlement vont progressivement construire les bases de la monarchie constitutionnelle actuelle.

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29
Déc
2018

Ci-joint, mon interview sur le prélèvement à la source par Françis Brochet, publié dans les journaux régionaux de l’Est de la France.

Le prélèvement à la source est une bonne chose ?

Il fallait le faire. Cela permet de tenir compte des changements de situation du contribuable, c’est un éléments de justice fiscale et de compréhension de l’impôt. La France restait l’un des seuls pays au monde à prélever l’impôt sur le revenu de l’année précédente.

C’est compliqué à mettre en oeuvre ?

Oui à cause des cas particuliers.. Et Bercy a malheureusement fait le choix d’un système archaïque, qui est d’appliquer le dernier taux d’imposition connu. Alors que la déclaration sociale nominative (DSN) des entreprises, qui transmet à l’administration fiscale le revenu de chaque personne et de chaque foyer avec un mois de décalage, aurait permis de prélever avec le taux quasiment instantané.

Le prélèvement à la source est une vraie révolution ?

C’est la mère des réformes ! c’est son absence qui a fait de la CSG le premier impôt sur le revenu, qui a conduit à créer le RSA et la prime d’activité, qui a encouragé la multiplication des niches fiscales. Le prélèvement à la source doit aboutir à plus de simplicité et de justice fiscale.

Quelle leçon tirez-vous du mouvement des gilets jaunes, né contre les taxes sur les carburants ?

Le vrai thème, c’est la justice fiscale. Les mesures prises par le président de la république dès son élection, notamment la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune, ont été perçues comme une injustice, exonérant les riches de l’impôt ou presque, alors que les ménages modestes supportaient tous les nouveaux prélèvements.

L’urgence est de redonner du revenu aux Français les plus modestes et répondre à la demande de justice fiscale. La meilleure manière est d’intégrer le RSA et la prime d’activité à l’impôt sur le revenu. Tout le monde paierait l’impôt sur le revenu au premier euro. Cela baisserait l’ensemble de l’imposition des revenus des salariés les plus modestes, et permettrait le versement automatique de la prime d’activité et du RSA comme un revenu universel, sans stigmatisation.

Propos recueillis par Francis Brochet

16
Déc
2018

Publié dans Aternatives économiques, décembre 2018

En réalité, même s’il commence son livre par une critique de la politique du gouvernement Macron et par les désillusions du quinquennat Hollande, élu avec des promesses de réforme fiscale vite abandonnées du fait d’une dérive de la social-démocratie au social-libéralisme, l’auteur nous conte principalement l’histoire détaillée des vices et vertus de l’impôt sur le revenu, qu’il soit progressif ou non (CSG).

Justice fiscale

C’est une histoire passionnante que raconte Pierre-Alain Muet, ancien conseiller économique de Lionel Jospin et député dans la précédente législature, où l’on voit, depuis la Révolution française, gauche et droite batailler. L’impôt est juste s’il est "équitable (en fonction des ressources de chacun), (...) compréhensible et prélevé de façon simple". Ce qui, selon lui, implique une retenue à la source, mère de toutes les réformes, et la possibilité de choisir entre prélèvement familial ou individualisé, selon un projet que, dès 1947, la CGT avait présenté.

Il plaide donc pour un revenu universel, sous la forme d’un impôt négatif : tous les revenus d’activité ou de remplacement sont taxés à la CSG et à l’impôt sur le revenu dès le premier euro, mais, en contrepartie, le montant dû au fisc est compensé par un revenu universel de 550 ou 600 euros mensuels. Pour ceux dont l’impôt est moindre que le revenu universel, le fisc verse la différence, et il le prélève à la source si l’impôt dû est supérieur au revenu universel. Pour l’auteur, l’ajustement doit être mensuel et instantané (ce qui est possible grâce à la déclaration sociale nominative). Il estime aussi, mais sans entrer dans le détail, que les allocations familiales devraient être versées (ou déduites de l’impôt dû) en même temps, et sans distinction du rang et du revenu des parents.

Limites

Le projet (proche de celui des propositions défendues par Benoît Hamon) est séduisant et conforme aux critères de justice fiscale. Mais le diable est toujours dans les détails : quid des travailleurs indépendants et des migrants sans ressources (actuellement, il faut cinq ans de résidence pour être éligible au RSA) ? En outre, même si l’auteur affirme que ce projet n’implique pas de surcoût par rapport à la situation actuelle, aucun chiffrage n’est proposé pour le vérifier. Un livre instructif et imaginatif qui, espérons-le, pourra nourrir un grand débat citoyen, malgré sa technicité par moments.

Denis Clerc

 

 

25
Nov
2018

A un moment où la question fiscale et le consentement à l’impôt sont au cœur de l’actualité, j’aurai plaisir à vous retrouver pour une rencontre-débat sur l’impôt, ses origines, son histoire et ses possibilités d’évolution.

Le jeudi 29 novembre à 19 h à la librairie Passages, 11 rue de Brest, Lyon 2ème

24
Nov
2018

Avec Patrick Cohen sur Europe 1 le 24 novembre

Emission : C’est arrivé cette semaine : Gilets jaunes et révolte fiscale ; justice fiscale et consentement à l’impôt, avec Pierre-Alain Muet auteur de « un impôt juste c’est possible ! »

 

Avec Emmanuel Lechypre sur BFM, La Librairie de l'Eco, vendredi 30 novembre

Vous pouvez l'écouter ici (mon interview à partir de 12min30) :

https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-librairie-de-l-eco-du-vendredi-30-novembre-2018-1121832.html

05
Nov
2018

En Angleterre, en France et aux Etats-Unis, la naissance et le développement des Parlements ont été étroitement lié à la nécessité d’obtenir le consentement des contribuables pour lever l’impôt personnel. Les révolutions française et américaine réaliseront en quelques années, et même en quelques mois, ce que 5 siècles d’évolutions résultant des conflits entre la monarchie et le Parlement ont construit progressivement en Angleterre.

Pourtant la nécessité de lever l’impôt avait abouti très tôt à la création de « Parlements » : en 1215 en Angleterre, avec la création du grand Conseil (qui deviendra Parlement) et en 1302 en France, avec la création des Etats généraux par Philippe le Bel. Mais en acceptant en 1435 la création d’impôts permanents pour financer une armée permanente, les Etats généraux se dessaisiront de leur pouvoir et ne seront plus convoqués par le roi de France. Et l’absolutisme tant admiré par les autres souverains européens se fracassera 3 siècles plus tard sur la nécessité de convoquer les Etats généraux en 1789 pour faire face à la faillite des finances publiques.

C’est une toute autre histoire qui se déroula en Angleterre. En s’opposant parfois de façon violente à la volonté royale de lever des impôts sans son accord, et en obligeant le roi à recourir tous les ans au vote de l’impôt, le Parlement anglais s’emparera progressivement du pouvoir, étendant ses prérogatives aux lois en général et jetant les bases d’une démocratie moderne.

En quelques mois la révolution française construira les institutions d’une démocratie moderne et le consentement à l’impôt sera consacré par les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

C’est cette histoire que nous détaillons dans la suite de cette note extraite du chapitre 4 du livre Un impôt juste, c’est possible !

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06
Oct
2017

Cette note constitue la version longue d’un article publié dans Alternatives Economiques

La première loi de finance d’un quinquennat a toujours un caractère particulier : elle est en général la traduction des engagements du Président nouvellement élu et colore la suite du quinquennat. Le paquet fiscal de l’été 2007 et le premier budget de Nicolas Sarkozy illustraient l’économie du ruissellement,  multipliant les cadeaux fiscaux aux plus fortunés, jusqu’à ce que cette politique s’écrase sur le mur de la crise. Le budget de François Hollande pour 2013 introduisait certains éléments de justice du programme du candidat,  mais la frénésie fiscale de Jérôme Cahuzac, multipliant les prélèvements pour boucler un budget censé respecter la règle des 3 %, aboutit au « ras-le bol-fiscal » conduisant le Président Hollande à abandonner toute réforme significative de l’impôt sur le revenu. Le Projet de Loi de Finances pour 2018 reprend les principales propositions du candidat Macron en étalant certaines mesures pour respecter la contrainte budgétaire. Le résultat  est un budget pour 2018 qui a un parfum de 2007 : les grands gagnants sont clairement les plus fortunés de nos concitoyens et même la petite minorité des plus grandes fortunes de France.

 

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27
Aoû
2017

La nuit de l’accident de Lady Di, il y a 20 ans, Pierre-Alain Muet était en faction à Matignon. Pour la première fois, il relate ses souvenirs de ces instants de crise, dont il a consigné la chronique dans le cahier de permanence.

Par Francis Brochet - 27 août 2017 (Progrès de Lyon et quotidiens régionaux du grand est)

Le cahier de permanence de Matignon du dimanche 21 août, ici reproduit - Photo DR

« 1 h 30 Le cabinet du préfet m’informe de l’accident grave survenu à l’Alma à Lady Diana. » Nous sommes la nuit du samedi 30 au dimanche 31 août 1997. Pierre-Alain Muet, conseiller économique du Premier ministre Lionel Jospin, écrit ces lignes dans le cahier de permanence de Matignon. Les premières d’une très longue nuit... Le conseiller avait commencé à s’assoupir, dans l’appartement de la rue Vanneau, près de Matignon, mis à disposition du permanencier.

La gestion du débarquement d’un commando d’indépendantistes d’Anjouan à Mayotte avait déjà bien occupé sa soirée. Et sa première réaction, après la nouvelle de l’accident de l’Alma, est de retourner se coucher. Son épouse, Simone Muet, l’en dissuade aussitôt : responsable de la communication internationale chez France Telecom, elle a saisi le caractère exceptionnel de l’information. « Diana était une icône, ça ne pouvait pas être qu’un accident de la circulation ! »

300 ou 400 coups de téléphone

Pierre-Alain Muet dispose d’un premier bilan de santé de la blessée, qu’il consigne dans le cahier : « Traumatisme crânien, coma vigile, fracture de l’épaule et du bras droit. Traumatisme thoracique et abdominal ». L’accident est survenu à 0 h 25. À 0 h 27, Samu et pompiers de Paris ont été prévenus. Ils ont constaté la mort de Dodi Al-Fayed, le compagnon de la princesse, puis celle du chauffeur. L’état de Lady Diana est si grave qu’ils décident de la soigner sur place.

Elle sera transférée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière une heure plus tard. À 1 h 40, le ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement se rend à l’hôpital. Il y est rejoint par l’ambassadeur de Grande-Bretagne, Michael Jay, qui a prévenu son gouvernement et Buckingham Palace. Le permanencier de Matignon en informe son homologue de l’Intérieur. « J’ai dû passer et recevoir 300, 400 coups de téléphone dans la nuit », se souvient Pierre-Alain Muet.

« Je vois encore Pierre-Alain avec son pantalon à moitié enfilé, sourit Simone Muet. Je crois qu’il n’a pas pu finir de s’habiller de la nuit. » Le téléphone mobile est alors peu répandu. À son bureau de permanence, Pierre-Alain Muet a devant lui deux téléphones fixes : l’interministériel, et celui relié aux standardistes de Matignon (« des professionnels extraordinaires » ). Les deux ne cessent de sonner, lui laissant à peine le temps de consigner les événements les plus importants dans le cahier de permanence. « Je n’avais pas le temps de prendre du recul, raconte le conseiller. J’étais informé de tout, je validais, je tranchais. J’ai dû décider du nombre de Gardes républicains, quand le protocole hésitait... Et j’ai vérifié cette nuit-là que la machine administrative française fonctionne admirablement. »

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