Vous trouverez ci-joint mon intervention lors du débat sur le budget 2009 et sur la programmation des finances publiques pour 2009-2012. Un budget surréaliste car déjà obsolète au moment où il est présenté au parlement. Une Loi de programmation tout aussi surréaliste parce que, depuis que la France a laissé se creuser ses déficits, c'est-à-dire depuis 2002, cet exercice rituel consiste en gros à programmer, pour les quatre années à venir, une réduction d'un demi-point par an du déficit et, en réalité, à le laisser dériver.
Je me suis d’ailleurs demandé pourquoi les gouvernements qui se sont succédés prenaient systématiquement comme hypothèse, depuis 2002, un demi-point annuel de réduction du déficit. La réponse est que de 1997 à 2001, le déficit des finances publiques s’était effectivement réduit d’un demi-point par an en quatre ans. Mais c’était quand la gauche était au pouvoir !
Vous trouverez également ci joint des extraits du débat sur le budget de 2009 lors de l’émission de LCP « ça vous regarde »
J'ai été invité par la chaîne Public Sénat dans l'émission « il y a de l’éco » mercredi 15 octobre pour débattre sur la crise financière et le plan européen face à Gérard Longuet
Vous trouverez également dans la suite de cette note mon interview publiée dans le progrès du mercredi 15 octobre sur le même sujet.
Nous examinons cette semaine en commission des finances le budget pour 2009 et j’interviendrai lundi prochain dans le débat budgétaire en séance plénière. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce budget d’austérité déjà obsolète et inadapté à la situation économique, lors de la présentation du budget au conseil des ministres du vendredi 26 septembre. Vous trouverez ci-joint mon intervention au journal 13h de la Chaîne Parlementaire lors de la présentation du budget.
Si, comme c’est malheureusement probable, les prévisions de l’INSEE se vérifient, la France connaitra cette année l’une des plus fortes récessions de son histoire, avec trois trimestres successifs de recul du PIB. Officiellement, la récession aurait donc commencé en mars avec le recul de 0,4 % du PIB au second trimestre. En réalité, elle avait commencé bien avant, car la consommation et le pouvoir d'achat étaient déjà en baisse depuis le début de l'année. La crise mondiale n’a fait qu’ajouter une couche de déprime à une économie déjà en panne de confiance et de croissance
Vous trouverez dans la suite de cette note mon interview publiée dans l'hebdo des socialistes du samedi 4 octobre
« La politique de Nicolas Sarkozy est l’application intégrale du credo libéral »
(paru dans l'hebdo des socialistes du samedi 4 octobre 2008)
Dans son intervention consacrée à l’économie, le 25 septembre, à Toulon, Nicolas Sarkozy a enfin reconnu que la France entrait dans une phase de récession. Pour lui, ce recul est exclusivement le fruit de la crise financière venue des États-Unis. Pierre-Alain Muet, député PS de Lyon et ancien président délégué du Conseil d’analyse économique, juge l’explication facile et un peu courte. Selon lui, une crise de confiance spécifique à la France, dont le gouvernement est seul responsable, a affaibli l’économie française bien avant que la crise financière produise ses effets. Pour l’Hebdo, il décrypte les effets d’une politique économique vaine, fondée sur l’incantation et l’agitation.
Quel est votre sentiment général sur l’analyse de la crise financière que Nicolas Sarkozy a développée dans son discours de Toulon, le 25 septembre ?
Celui d’un décalage total entre un discours sur la nécessité d’une régulation mondiale et la politique qu’il conduit depuis qu’il est au pouvoir. Comment peut-on plaider sérieusement pour la régulation de l’économie mondiale, quand on pratique dans son propre pays la dérégulation systématique ! Toute la politique de Nicolas Sarkozy depuis 16 mois, c’est l’application intégrale du credo libéral : dérégulation du marché des biens avec la loi dite de « modernisation de l’économie » votée il y a quelques mois, dérégulation du marché du travail avec la loi ouvrant la porte au démantèlement du droit du travail en juillet, désengagement de l’État dans les services publics…
Quand il était ministre des finances en 2004 et pendant la campagne présidentielle, il faisait l’apologie du crédit hypothécaire en souhaitant que la France s’inspire des États-Unis et du Royaume-Uni dans ce domaine. Or ce crédit hypothécaire non régulé est en grande partie à l’origine de la crise actuelle !
Il a parlé d’un système « fou ». Qu’est ce qui, caractérise pour vous la folie du système financier aujourd’hui ?
Ce qui est fou, c’est la déconnexion entre le système financier et l’économie réelle. Cette déconnexion résulte de la libéralisation des mouvements de capitaux à travers le monde et de deux décennies de dérégulation financière. La finance est devenue une activité « industrielle » inventant continuellement de nouveaux produits financiers et recherchant des taux de rentabilité qui ne correspondent pas à l’économie réelle.
Les crises financières sont aussi anciennes que le capitalisme. Si les mécanismes qui les déclenchent diffèrent (les prêts hypothécaires dans la crise actuelle, la bulle internet dans la crise précédente), le scénario est toujours le même : une phase de spéculation excessive nourrie par l’endettement qui conduit à un effondrement de la valeur des actifs financiers et entraîne une crise bancaire qui risque à son tour de faire s’effondrer le système des paiements.
La régulation du système bancaire mise en place dans l’après-guerre pour éviter que des crises comme celle de 1929 ne se reproduisent a permis, pendant toute la période de Bretton-Woods, d’éviter que les crises des marchés financiers conduisent à des faillites bancaires. Mais cette régulation bancaire s’avère totalement inefficace, dès lors que les marchés financiers se substituent au crédit bancaire et que toute sorte de fonds spéculatifs non régulés accordent des crédits et interviennent en permanence sur les marchés financiers.
Le paroxysme a été atteint avec le phénomène de « titrisation » qui consiste à transformer des crédits en titres vendus sur les marchés financiers. Non seulement on perd toute traçabilité du risque qui se dissémine dans tout le système bancaire mondial, mais comme l’établissement qui ouvre le crédit n’en supporte pas le risque, il a tendance à prendre plus de risques. C’est ainsi que la bulle spéculative s’est développée et que, lorsqu’elle a éclaté, la crise s’est diffusée au monde entier.
Avez-vous noté des grands écarts entre le Sarkozy d’avant la crise et celui d’après ?
Avec ce discours, il est passé de l’agitation à l’incantation. Mais le résultat sera le même, car on ne gère efficacement l’économie ni par l’incantation, ni par l’agitation.
L’incantation, c’est un discours sur la régulation sans aucune mesure concrète à l’appui. L’agitation, cela a été l’accumulation depuis un an de lois soi-disant sur le pouvoir d’achat, toutes aussi inefficaces les unes que les autres, car leur unique caractéristique était de contourner la seule vraie mesure de pouvoir d’achat : la hausse des revenus salariaux. Nous avons eu droit par exemple, la semaine dernière, à ce projet de loi stupéfiant où le gouvernement dit en quelque sorte aux salariés : « Comme nous ne pouvons pas augmenter vos salaires, cassez votre tirelire (en liquidant votre épargne) pour boucler vos fins de mois » !
Le grand écart, on le retrouve surtout entre les deux parties de son discours. Un discours étonnant sur la régulation mondiale dans la première partie et une apologie des réformes de son gouvernement dans la deuxième partie dont le seul mot d’ordre est : ne rien changer, c'est-à-dire continuer la dérégulation de l’économie française !
La fin des parachutes dorés, la réglementation des banques… Que pensez-vous des solutions avancées à Toulon ?
La fin des parachutes dorés, le PS la propose dans tous les amendements que nous avons déposés au Parlement lors des débats sur le budget ou sur le pouvoir d’achat. En réponse à nos amendements, le gouvernement s’était engagé, lors du débat sur le paquet fiscal en juillet 2007, à y apporter une réponse. On découvre aujourd’hui qu’il n’en est rien.
De même, Nicolas Sarkozy a eu cette formule étonnante sur les stocks options : « Il ne doit pas y avoir de stocks options pour les dirigeants si les salariés ne sont pas également intéressés aux résultats ». Or cette proposition, le groupe socialiste l’a faite à l’Assemblée dans un amendement au projet de loi sur l’intéressement, deux jours avant que Sarkozy ne prononce son discours. Le ministre Bertrand s’y est opposé et la majorité UMP a voté contre ! Qui faut-il croire : le ministre ou la énième promesse du président de la République ?
Comment réformer véritablement le capitalisme financier ?
On ne peut pas se contenter d’éteindre l’incendie en sollicitant le contribuable pour empêcher l’effondrement du système bancaire. Il faut mettre en place les régulations que nous proposons depuis longtemps.
Il faut tout d’abord élargir le périmètre des institutions soumises à la règlementation bancaire. La crise a été déclenchée par des sociétés distribuant des crédits sans être soumises à la règlementation bancaire dans leur pays. C’est aussi ce type de sociétés de crédit non bancaire qui est à l’origine de la crise économique profonde du Japon dans les années 1990.
Il faut ensuite accroître la régulation bancaire. Une première étape consiste à mettre rapidement en application les accords dits « Bâle II » qui réintroduisent dans le bilan des banques les crédits titrisés. Il faut également aller plus loin en obligeant les banques émettrices du crédit initial à porter une partie du risque final. Et puisque les agences de notations exercent une mission de service public, il faut qu’elles soient également soumises à un contrôle public.
Plus généralement, la crise financière a-t-elle déjà des effets en Europe et particulièrement en France ?
Elle s’est déjà étendue aux systèmes bancaires européens et français et le ralentissement économique est à l’oeuvre partout depuis quelques mois. En France, les déposants sont heureusement protégés par la Loi mise en place en 1999 sous le gouvernement de Lionel Jospin qui assure les dépôts jusqu’à 70 000 euros. Mais nous ne sommes pas à l’abri de la récession !
La France est-elle suffisamment armée pour résister à la récession ?
Malheureusement non ! La France connaît une grave crise de confiance et un déficit de croissance, et cela, bien avant qu’apparaissent les effets de la crise mondiale. Notre pays est resté à l’écart de la croissance européenne ces dernières années et nous avons creusé nos déficits et notre dette quand tous les autres pays mettaient à profit la reprise européenne pour les réduire.
Comme le gouvernement n’a aucune marge de manœuvre, puisqu’il les a dilapidées l’an dernier avec le paquet fiscal, il construit un budget d’austérité là où il faudrait au contraire soutenir l’activité économique. Non seulement ce budget d’austérité va accentuer le ralentissement de l’économie, mais de l’avis de la plupart des conjoncturistes, notre pays risque en outre de dépasser, en 2009, le seuil des 3 % de déficit public.
Quelle politique faudrait-il mettre en œuvre ?
Notre capacité à résister à la crise internationale dépend non seulement de la confiance, mais de la progression rapide et forte du pouvoir d’achat. Pendant toute la période où la gauche était au pouvoir, la progression du pouvoir d’achat du revenu des ménages a été chaque année supérieure à 3 % en raison notamment des fortes créations d’emploi. Cela a permis à la France de traverser la crise asiatique de 1998 en conservant une croissance forte, alors que l’économie mondiale connaissait un net ralentissement. Or en démantelant la politique de l’emploi et en oubliant le pouvoir d’achat, le gouvernement a éteint tous les moteurs internes de la croissance. Il faut les rallumer.
Nos propositions sur le pouvoir d’achat (SMIC, prime pour l’emploi, politique de l’emploi, chèque transport) restent totalement d’actualité et pourraient être aisément financées par la remise en cause du paquet fiscal. En outre, comme nous le proposions dans notre projet, il faut moduler le taux de l’IS pour favoriser l’investissement plutôt que la rente. Bref agir de façon cohérente sur l’offre et la demande.
Propos recueillis par Ariane Gil
Les propositions de 6 économistes pour enrayer une faillite générale du système financier
Pierre-Alain Muet, économiste et député PS du Rhône
Il est essentiel de réintégrer, dans le champ de la réglementation et du contrôle, les activités de crédit effectuées par des organismes non bancaires, car ce sont ces fonds spéculatifs non régulés qui sont à l'origine des crises financières récentes.
Il faut imposer une obligation de transparence sur les produits financiers et sur le niveau des fonds spéculatifs détenus par les banques.
Il faut enfin, comme c'était le cas autrefois, séparer les activités de banques de marché de celles des banques commerciales.
La titrisation, c'est-à-dire la possibilité laissée à un créancier de se défaire de la totalité de sa créance, entraîne une forme d'irresponsabilité. Les fonds spéculatifs ont prêté sans tenir compte du risque sachant qu'ils arriveraient à se défausser de ce risque sur un tiers.
Pour éviter cette dissémination du risque, il faut, d'une part, appliquer les règles définies dans les accords de Bâle II de la Banque des règlements internationaux en réintégrant la titrisation dans le bilan des banques et, surtout, obliger le premier créancier a conservé pour lui-même 30 % à 40 % du risque sur le prêt initial. Tout organisme autorisé à prêter serait ainsi obligé d'évaluer son risque comme un banquier doit le faire.
En bref, il faut revenir en partie à une économie d'intermédiation et sortir d'une économie de marché financier ou les effets de levier sont trop importants.
Les agences de notations ont certes une responsabilité, mais la régulation et le contrôle relèvent aussi de l'Etat vers qui tout le monde se tourne quand ca va mal. Le contrôle des organismes de marché, c'est le retour de l'Etat.
Propos recueillis par Claire gatinois et Yves Mamou