Dans mes interventions sur le projet de loi de finances rectificatif et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais également à l'occasion d'un long entretien en tête à tête avec le Président de la république, j'ai plaidé pour rééquilibrer le pacte de responsabilité afin que notre politique économique marche sur deux jambes : aux mesures structurelles en faveur des entreprises dont les effets n'apparaîtront qu'à long terme et qui devraient être mieux calibrées, il convient d'ajouter des mesures conjoncturelles (accélération de l'apprentissage, développement des emplois d'avenir, soutien à l'investissement), seules susceptibles de sortir rapidement notre économie de 3 années de récession due à l'effondrement de la demande en Europe.
La situation conjoncturelle est très particulière : après avoir redémarré à la fin de l'année dernière, l'économie française connaît un replat qui risque, comme l'INSEE vient de le rappeler, de se prolonger du fait de la faiblesse persistante de la demande. Dans cette situation où la reprise dépend essentiellement du redressement de la demande, c'est l'emploi qui fait la croissance. Tant que la croissance n'est pas suffisante pour créer des emplois, c'est en effet la création volontariste d'emploi qui enclenchera le cercle vertueux où croissance et emploi se confortent mutuellement. Deux exemples passés, l'un à gauche, l'autre à droite, montrent la pertinence de ce type de politique. En 1997, sous le gouvernement de Lionel Jospin, ce sont les emplois jeunes qui ont déclenché la reprise économique, et quand la croissance est revenue, l'emploi du secteur privé a fortement augmenté. En 2006, une politique comparable a été mise en œuvre par Jean-Louis Borloo avec les mêmes résultats. C'est pourquoi il est indispensable de revenir à l'objectif d'inverser le plus rapidement possible la courbe du chômage par une action massive sur les emplois aidés. Un emploi d'avenir pour un jeune c'est un revenu supplémentaire et donc des débouchés pour les entreprises, et c'est de la confiance pour les familles.
Dans le prolongement de ces réflexions, j'ai déposé deux amendements, l'un pour augmenter fortement les emplois d'avenir (vidéo ci-dessus), l'autre pour accélérer la montée en charge de l'apprentissage (vidéo ci-après). Leur financement - très modeste au regard de l'ampleur des allègements - pouvant être assuré par exemple par la suppression d'allègements parfaitement inefficaces tels que la suppression de la C3S.
Ces amendements n'ont pas été adoptés. Il n'en demeure pas moins qu'un effort massif sur les emplois d'avenir et l'apprentissage reste le chaînon manquant de la politique du gouvernement et la clef de la reprise économique.
La rapporteure générale du budget présente dans les pages 12 et 29 de son rapport les simulations (faites par la Direction Générale du Trésor et des Finances publiques du Ministère des Finances) de l'impact du pacte de responsabilité et de sa contrepartie, les 50 milliards de réduction des dépenses publiques. Alors que le ministre des Finances ne cesse de répéter que ce pacte va créer des emplois et accélérer la croissance, c'est l'inverse que démontrent les simulations :
- les 21 milliards d'allègements supplémentaires du pacte de responsabilité et de solidarité augmenteraient l'emploi de 40 000 en 2015 et 190 000 en 2017, l'essentiel de l'effet emploi (150 000) résultant des 4,5 Mds d'allègement sur les bas salaires ; l'impact serait très faible sur la croissance (0,25 % de croissance supplémentaire par an en moyenne)
- la réduction de 50 milliards des dépenses publiques sur 3 ans aurait un effet fortement dépressif (- 0,7 % de croissance en moins chaque année) et une destruction de 250 000 emplois à l'horizon 2017.
Au total, c'est presqu'un demi-point de croissance de moins chaque année et une perte de 60 000 emplois en 2017. Cet impact négatif sur la croissance résulte d'une réduction des dépenses plus de deux fois supérieure aux allègements. Cet effet pourrait être atténué, et surtout l'impact sur l'emploi pourrait être inversé, par une action forte sur les emplois d'avenir et l'apprentissage. Il y a donc urgence à rééquilibrer le pacte !
Ci-dessous, mon intervention du 23 juin à l'Assemblée sur ce thème, dans laquelle je conclus que si l'on revenait au pari du Président de la République d'inverser rapidement la courbe du chômage à travers un effort considérable pour les emplois d'avenir et l'apprentissage, on trouverait le chaînon qui manque actuellement à la stratégie du gouvernement.
La France va-t-elle dans le mur ? La France ne va pas bien, elle n'est pas encore vraiment sortie de la récession et elle n'est pas en situation aujourd'hui de diminuer le chômage. Des mesures d'allégements des charges et des impôts ont été décidées, mais elles n'auront d'effet qu'à moyen terme. Il faut donc les compléter par des mesures immédiates qui permettent de faire redémarrer rapidement l'économie. Je propose d'augmenter fortement le nombre d'emplois d'avenir et de postes d'apprentissage pour les jeunes. C'est la clé : dans notre situation, c'est la création d'emplois qui fait la croissance, en créant du revenu, de la demande adressée aux entreprises, de la confiance... C'est cela qui manque dans la politique du gouvernement : le nombre d'emplois aidés est aujourd'hui inférieur à ce qu'il était sous Jospin (1997- 2000) ou Borloo (2006).
Avez-vous l'argent nécessaire ? Quand on réduit les déficits, il faut être aussi rigoureux sur l'efficacité des allégements que des dépenses. Et dans le paquet de 41 milliards, il y a des allégements efficaces, et d'autres qui ne le sont pas. On peut donc faire moins de réductions de dépenses ou de gels de prestations et financer les emplois d'avenir en faisant moins d'allègements, sans remettre en question la réduction des déficits.
L'Europe nous le permet ? L'Europe peut nous dire à quel rythme nous devons réduire les déficits, pas la façon de le faire.
Vous avez parlé de tout cela au Président, que vous avez vu récemment ? Oui, bien sûr, et j'espère être entendu.
Recueilli par Francis Brochet
Voir également l'article d'Hervé Nathan dans Marianne.fr : « ces frondeurs PS pas vus à la télé ; Pierre-Alain Muet : parce qu'Hollande a changé la nature du quinquennat »
Comme un certain nombre de mes collègues parlementaires de gauche, j'ai écrit au ministre de l'emploi, du travail et du dialogue social, François Rebsamen, pour qu'il n'agrée pas en l'état l'accord UNEDIC qui durcit de façon injuste le régime des intermittents du spectacle :
C'est en vidéo que les délégués des élèves du Lycée Martin Luther King du 9ème arrondissement nous racontent leur visite le 16 mai dernier de l'Assemblée nationale... et de Paris !